Chapitre 20 (2/2)

6 minutes de lecture

Valion avait passé une partie de la nuit à étudier toutes la facettes du verrou arcanique laissé par Kaerolyn. A la fin, une heure de travail et de concentration lui furent ensuite nécessaire pour en venir à bout. De telles serrures étaient communes chez certains mages, s'en servant la plupart du temps pour protéger ou sceller des lieux ou des objets précis. Seulement, la forme des verrous utilisés ici par Kaerolyn était très archaïque ; peu de chances donc pour que le premier mage venu soit en mesure de les déchiffrer.

L'ouverture de ce nouveau passage avait révélé une salle et deux couloirs aux parois éboulées. Une fois au cœur des lieux, Valion n'eut ensuite besoin que de quelques minutes pour savoir exactement laquelle de ces galeries prendre. Dans les secondes qui avaient suivi, les ouvriers, accompagnés par certains de ses hommes, s'étaient mis en ordre de marche.

Il soupira à ce souvenir. Seule une mage aguerrie aux connaissances spécifiques sur ces sujets pouvait à ce point lui faire perdre son temps, même longtemps après sa mort. Une chose était sûre ; elle faisait honneur à ses nombreux talents.

Deux heures s'étaient écoulées depuis. Les hommes avaient sécurisé les lieux et le déblaiement de la galerie avait pu commencer. Assis sur un gros bloc de pierre, il observait l'avancée des travaux en silence, attendant le retour de ses subordonnés. Il espérait que son petit plan matinal avait enfin eut l'effet escompté.

Valion n'avait pas revu Calderon depuis qu'il était remonté à la surface afin de porter les « preuves » des crimes des Mortis et de la Légion. Mais il ne s'inquiétait pas. Il ne serait d'ailleurs pas surpris si Calderon s'était isolé et replongé dans la lecture du carnet de sa sœur. A ce stade, cela pourrait presque passer pour de l'obsession. Mais en même temps, c'était compréhensible. Il s'agissait de la dernière trace écrite de sa sœur, de son dernier mémento. Il n'était donc pas surprenant qu'il le traite avec autant de soins.

Il s'arrêta net dans ses pensées. Comment pouvait-il songer un instant à éprouver un semblant de compréhension à son égard ? Ils n'étaient pas pareil. Cet homme ne savait pas ce que c'était de tout perdre. Il se mordit la lèvre de frustration.

Maudits humains !

Il inspira profondément puis expira, tâchant de reprendre le contrôle de ses émotions.

En y réfléchissant, la situation n'avait jadis pas été si catastrophique. Malgré tout, Kaerolyn Mortis avait tout de même trouvé son utilité. Grâce à elle, il avait pu mieux comprendre les événements qui s'étaient jadis déroulés en Agrisa. Seulement, à son grand malheur, les informations qu'il obtint ne furent pas suffisantes pour convaincre les membres de la Chambre.

Mais à leur décharge, il s'était fait si discret ces derniers siècles que sa présence avait fini par devenir imperceptible, comme s'il n'était plus depuis longtemps. Cependant, IL s'était adressé à lui.

Valion ne pouvait communiquer cette interaction à la Chambre sans preuves concrètes. Elle ne pouvait risquer son anonymat sur de simples soupçons et théories. Seulement, cette fois-ci ses membres seraient bien obligés de le croire. Il ne les laisserait pas lui rire au nez une nouvelle fois. Après tous les sacrifices consentit par sa famille, il méritait mieux que cela.

Il repensa aux événements d'il y a treize ans. L'incident qui eut lieu dans les ruines le surprit tout autant que les érudits qui s'y trouvaient. A ce moment, il avait plus craint pour le fruit de leurs recherches que pour leur vie en elle-même. En vérité, après leur refus d’obtempérer, il avait simplement décidé que tous le paieraient de leur vie à leur sortie des souterrains. Mais le hasard fit bien les choses et cet événement inattendu se chargea d'éliminer ces rats à sa place. Tous, à l'exception d'un, Kaerolyn Mortis, la cheffe de cette expédition.

Il aurait aimé pouvoir lui donner la chasse afin de s'assurer de son silence mais comme la Chambre lui avait ordonné de garder ses distances, il dût se résoudre à une autre approche. Seulement, les choses ne se déroulèrent pas comme prévu, Kaerolyn étant accompagnée d'une « Neavathary ». Comme il avait ce mot en horreur...

Valion songea alors à une nouvelle stratégie mais les témoignages des mercenaires qu'il avait engagés le firent vite changer d'avis. D'après leurs descriptions, Kaerolyn avait l'air d'être très mal en point. Soupçonnant alors l'origine de son mal, il prit la décision de ne rien faire et d'attendre. Et de nombreux jours plus tard, sa patience fut enfin récompensée. L’Inconnu s'était chargé à sa place de lui faire payer sa trahison.

Seulement, le secret de ses dernières découvertes péri avec elle. Bien qu'il réussît à récupérer l'un de ses carnets de recherche, le second en sa possession, cela ne lui suffit pas et n'offrit aucune réponse aux nombreuses questions qu'il se posait. A l'époque, il aurait voulu pouvoir se rendre dans les ruines d'Agrisa en personne mais ses actions avaient généré un peu trop d'attention. Il fit donc profil bas pendant un temps dans cette partie de l’Alen.

Il soupira et revint à l'instant présent. Pour le moment, Calderon Nimra s'avérait être un excellent pion. Et quand bien même il viendrait à mourir, il pourrait toujours s'arranger pour mettre son trépas sur le dos des Mortis et de la Légion auprès de son autre frère et du reste de sa famille. Après tout, les Nimra jouissaient d'une influence considérable dans le royaume d'Anora. D'une façon ou d'une autre, cela leur serait profitable.

Si seulement la situation avait été autre. Il n'aurait jamais ainsi perdu son temps dans les catacombes, à déblayer les vieux passages des Grandes Archives, ceux-là même dont Kaerolyn usa il y a de cela treize ans.

D’après Kaerolyn, ces galeries étaient les seules qui menaient sûrement aux profondeurs de la cité souterraine. Mais pour ce qui était du reste des informations permettant d'accéder à Agrisa, il avait dû les obtenir ailleurs que dans le journal et était allé même jusqu'à s'en prendre à un Sage et à un commandant de la Légion.

Il s'était débarrassé des corps du mieux qu'il avait pu mais comme une de ses victimes fut un Sage, il ne serait guère surpris que ses camarades retrouvent son cadavre bientôt, si ce n'était pas déjà le cas. Il n'avait pas la liberté de prendre son temps. Il devait agir vite. La Légion était déjà sur son dos et une part de lui-même se disait que les Grandes archives finiraient bien par se manifester directement, d'une façon ou d'une autre. C'était une course, une course qu'il se devait de gagner. Et son prix serait la tête de l'Archonte.

D'ailleurs, en parlant de lui, depuis sa rencontre la veille, il s'était fait extrêmement discret ; impossible pour lui de ressentir sa présence comme au début. Faisait-il volontairement profil bas ? Ou ses forces lui manquaient-elles vraiment à ce point ? Impossible à dire.

Tout ce qu'il savait de lui provenait principalement de leurs conteurs et de leurs historiens, de leurs récits et de leurs légendes. Il soupira longuement. En savoir à la fois tant et si peu sur lui le faisait parfois sortir de ses gonds. C'était si frustrant, d'être dans le noir de la sorte. De telles incertitudes ne pouvaient être permises ; il devait savoir. Et pour cela, nul autre moyen que de descendre dans les profondeurs de cette cité oubliée.

Par chance, ils se rapprochaient très vite. D'ici deux jours, ils auraient accès à ce secteur tant attendu et Valion aurait enfin le droit à ses réponses et à sa vengeance.

— Maître Valion.

La voix d'un de ses subordonnés le sorti brusquement de ses pensées. Il s'agissait d'une des deux personnes qu'il avait envoyé à la surface. Se raclant la gorge, il lui demanda :

— Où est Arsana ?

— Je n'en sais rien, Maître. Il ne m'a pas rejoint au point de rendez-vous.

— Vraiment ? Hmm... Étrange... La Légion ? Ou d'autres gêneurs ?

Son regard se durcit quelques instant. Les Grandes archives étaient peut-être arrivée un peu plus tôt que ce qu'il s'était imaginé. Si c'était bien le cas, tant pis pour Arsana. Il y avait intérêt à ce que Calderon n'ait pas commit d'impair lors de sa sortie matinale.

— Bon... Les nouvelles ?

— Votre plan a fonctionné. De ce que j'ai compris, en interrogeant les habitants et les gardes, la Légion est assignée à résidence jusqu'à son départ. Pour la fin de semaine apparemment.

— Bien...mais encore ?

— L’Ordre d’Eril sera apparemment là dans trois jours. C'est tout, Maître, finit-il en s'inclinant.

— De mieux en mieux. Bien. Rejoins les autres.

— A vos ordres.

S'inclinant une dernière fois, l'homme de main quitta la salle pour reprendre son poste ailleurs dans les catacombes.

Valion ne dit rien. Au bout de quelques secondes, son regard se fit plus sombre. Son sourire s'étira jusqu'à ses oreilles, découvrant ses dents. Il retint un rire et dirigea son regard vers la galerie en cours de déblaiement. Treize ans, vingt ans, qu'importe, cela n'était rien pour eux.

Annotations

Vous aimez lire Cassandra Mortis ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0