Chapitre 22 (2/3)

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— Oui, amplement.

Malgré son sourire, elle avait un air triste sur le visage. William la prit dans ses bras.

— Tu sais que je t'aime, petite sœur.

Fermant ses yeux, elle retourna son geste.

— Je sais. Moi aussi, grand frère. Moi aussi.

— Allez, vas-y. On aura bien l'occasion de parler de tout ça plus tard, d'accord ? Enfin...si tu en as envie.

— Oui. Merci, William.

Elle s'éloigna de lui en souriant puis emprunta l'escalier principal de la bâtisse pour descendre jusqu'au second sous-sol. William l'observa partir en silence. Une fois sa sœur hors de son champ de vision, il abaissa son regard vers le journal de leur mère. Une larme coula le long de sa joue qu'il s'empressa d'essuyer avec le dos de sa main.

Garance se rendit à l'entrée des galeries souterraines et dissipa la barrière qui masquait l'entrée. La petite salle dans laquelle elle déboucha était plongée dans une semi-pénombre comme le reste des galeries alentours. Quelques malles étaient posées çà et là, en prévision de leur déménagement. Elle s'avança ensuite dans le couloir qui lui faisait face et poursuivit son chemin avant de s'arrêter à une bifurcation. Au milieu du mur se trouvait un petit écriteau en bois sur lequel l'on pouvait lire « Bibliothèque royale » et « Anciennes geôles » juste en-dessous. Une flèche montrant la direction à prendre accompagnait chacun de ces noms de lieux. La jeune femme prit donc le chemin de droite, en direction du sud. Au bout d'une dizaine de minutes, Garance pénétra dans un nouveau couloir qui la mènerait directement à l'entrée de la salle secrète de la Bibliothèque.

Garance s'arrêta puis leva son bras pour rallumer toutes les torches d'un coup. Mais dans le noir, avant qu'elle n'ait pu faire quoi que ce soit, de nouveaux murmures s'élevèrent dans la pénombre. Un frisson la parcourut. Dans un coin de son regard, elle crut apercevoir une ombre. Elle claqua des doigts et la lumière revint dans le couloir. Regardant distinctement autour d'elle, elle ne vit alors rien à même de l'alarmer. Aucune ombre ou apparition indésiré, à l'image de ce Lua qui commençait légèrement à l'irriter. Méfiante, elle poursuivit malgré tout sa route.

Arrivant à l'entrée de la pièce, elle se saisit de la poignée du heurtoir de porte et donna trois coups. Les yeux de ce heurtoir à tête de dragon s'illuminèrent de bleu :

— Le mot de passe ? dit l'étrange objet d'une voix grave et lente.

— Les Inquisiteurs sont des imbéciles.

Une fois ces mots prononcés, le verrou se déverrouilla instantanément et la porte s'ouvrit.

Rentrant dans la pièce, Garance se dirigea immédiatement vers une chaîne qui pendait d'un trou dans le plafond. Elle tira dessus puis la relâcha. Au loin, le son grave d'une petite cloche se fit entendre. Cet autre mécanisme lui permettait d'annoncer au vieux Sage sa présence. Derrière elle, la porte se referma sans beaucoup de bruit.

Garance s’installa au centre de la salle voûtée, sur une table ronde entourée de cinq chaises, et attendit patiemment la venue d'Alan. Posant ses bras sur la table, elle y enfouit sa tête avant de fermer les yeux. Dans le noir, elle ne pensait à rien en particulier. Son esprit se concentra sur sa respiration et le silence ambiant. Elle demeura ainsi pendant quelques instants, dans un certain apaisement jusqu'à ce qu'un frisson lui parcourût à nouveau l'échine et qu'elle ne se redressa brusquement.

Elle regarda autour d'elle, comme si elle suspectait quelqu'un d'avoir troublé sa quiétude temporaire. Était-ce lui ou simplement son imaginaire ? Elle n'eut pas la possibilité de laisser son esprit vagabonder plus en avant sur le sujet. La porte menant au reste de la Bibliothèque s'ouvrit enfin pour laisser apparaître le vieux Sage derrière elle. Sa présence l'apaisa immédiatement.

— Bonsoir, Oncle Alan.

Le Sage ne lui répondit pas immédiatement. Il n'osait pas. Il était heureux de la voir mais était-ce le cas pour elle ? Lui en voudrait-elle de n'avoir rien dit ? Une part de lui-même s'inquiétait de cela. D'un geste de sa main, les quelques torches et bougies de la pièce s'allumèrent, éclaircissant l'ambiance. Il soupira et trouva enfin le courage de lui adresser quelques mots. Ce silence devenait quelque peu pesant.

— Garance... Galbali m'a raconté pour ce matin. Je suis désolé. J'aurai préféré que vous l'appreniez d'une autre manière.

Elle soupira, baissant le regard, quelque peu abattue.

— Toi aussi, tu savais...

— Oui.

— Qui d'autre à part Walther, Ishaa et toi ?

— Seulement Galbali.

Presque tout le monde en somme.

Elle relâcha un profond soupir et ne dit rien. Alan attendit quelques secondes avant de poursuivre.

— Si je puis faire quoi que ce soit Garance...

Les mains croisées sur la table, elle ne regardait toujours pas Alan.

— Lorsque nous avons quitté Eriaud il y a treize ans et que nous sommes arrivés ici, papa t'a confié un petit coffret dans lesquels il y avait des affaires à maman. Elles provenaient de son bureau. Il n'a pas pu s'en séparer mais il ne voulait pas les avoir à l'hôtel. Qu'y avait-il dedans ? Des lettres et des journaux, je crois ?

— En effet. Ça et d'autres petites choses. Que cherches-tu, Garance ?

Cette question fut posée sans animosité. Il se doutait bien de sa réponse mais il voulait l'entendre de sa bouche, formulée de sa façon. La jeune femme baissa le regard.

— C'est juste que... J'ai l'impression de ne plus la connaître et je... S'il-te-plaît, Oncle Alan, je... S'il-te-plaît.

— Je comprends, finit-il par dire tout en se levant. Le coffret est dans la réserve à côté. (Il lui sourit.) Je reviens.

— Merci, répondit-elle d'une petite voix.

Elle se tut quelques instants.

— Oncle Alan, aussi, avant que je n'oublie. Cette copie avec les extraits du Cantique des Abysses, celui que j'ai lu par le passé, c'était celui de maman, pas vrai ? Tu l'as toujours ?

— Le Cantique ?

Il se tût quelques instants.

— Oui, c'était bien l'exemplaire de ta mère. (Il soupira.) Tu devrais prendre garde, Garance. Ces feuillets peuvent se montrer dangereux. Beaucoup de ceux qui les consultèrent trop longtemps finirent par développer une obsession quelque peu malsaine pour l’Inconnu.

Le portrait qu'elle avait de sa mère demeurait incomplet. Peut-être lui parlerait-il de ces expéditions et recherches un jour, et du visage tout autre qu'elle avait pu montrer à ces occasions. Il se souvenait qu'à certains instants, elle avait jadis inquiété bien des gens. Certes, il avait lui-même étudié ces textes mais le temps qu'il leur avait consacré avait été bien en deçà de celui de Kaerolyn.

Alan ne dit rien de plus et se rendit dans la pièce adjacente. Il en revint quelques instants plus tard, un coffret et un livre dans les bras, qu’il déposa sur la table, face à Garance.

— Ce tome est assez unique en soi, puisqu'elle a elle-même réuni tous les extraits qui l'intéressait en un seul volume. Elle me l'a laissé il y a treize ans, avant d'entamer sa descente dans Agrisa.

— Voilà qui expliquerait les extraits dans son journal dans ce cas.

— Tu l’as lu ?

— Oui, mais j’ai manqué de temps pour la fin. Il fallait que je le passe à William assez rapidement puisqu'Ishaa voulait le relire.

— Je vois... As-tu eu cependant le temps de feuilleter la fin malgré tout ?

— Oui. Cette partie est assez...intrigante.

— Ishaa a montré des extraits de ces textes à un autre Neavathary. Ils n'ont pu faire que deux découvertes à leur sujet. La première est que cette écriture ressemble à de l'ashéen et la seconde... Des « symboles » du même genre furent retrouvés il y a plusieurs siècles sur de vieux pans de murs dans les sous-sols d'une antique forteresse à l'ouest de l'Alen. Probablement les restes d'un bâtiment sur lequel cette forteresse fut bâtie.

— Où exactement à l'ouest ?

— A flanc de falaise, au nord-est, au pied de la chaîne des Tramas.

— Dans les Terres sanglantes donc, et à la frontière avec Gumolao... On ne peut pas dire qu'il s'agisse d'un endroit particulièrement peuplé ou accueillant.

Une contrée sauvage dans laquelle subsistaient tant bien que mal quelques hameaux, pris en étau entre d’un côté une région infestée de vampires et de l’autre, les terres des nécromanciens et prêtres d’Ermesis, dieu des morts et du monde souterrain. De toute manière, il n’y avait pas un seul centimètre carré dans tout Athran qui ne soit véritablement sûr.

Garance attrapa le livre à la simple couverture marron. Difficile de deviner que son contenu était considéré comme le plus blasphématoire de tous par beaucoup de gens. L'ayant déjà lu une fois, elle se contenta de le feuilleter rapidement et de relire quelques passages en diagonale. Elle le referma avant de le reposer au centre de la table devant elle.

La jeune femme ouvrit ensuite le coffret et se pencha sur son contenu. A l'intérieur se trouvait quelques lettres, des morceaux de parchemins couvert de diverses notes éparses, de deux carnets et d'une étrange gravure. Ce dessin, aux traits à moitié effacés par le temps, représentait une femme dans la fleur de l'âge. Au bas de ce portrait se trouvait inscrites les initiales « L.X. ».

La femme était représentée de trois-quarts, une chevelure en demi-teinte clairsemée de fines mèches blanches. Il n'y avait aucune teinte dans ses yeux, comme sur le reste de l'œuvre, pas de gris clair, moyen ou foncé, juste du blanc. Elle était présentée vêtue d'une robe aux tons sombres décorées de broderies plus claires.

— Un portrait d'une de tes aïeules. Elle aurait vécu il y a 150 ans environ, si mes souvenirs sont bons. Votre arrière-arrière-arrière-grand-mère pour être précis. Fut un temps où votre mère ne cessait pas de me parler d'elle. C'était apparemment une grande conteuse. Qu'il s'agisse de légendes ou de mythes, elle était une véritable encyclopédie, comme si elle avait derrière elle plusieurs siècles de connaissances et d'expériences. Elle était très généreuse d'histoires.

— Sais-tu d'autres choses sur elle ?

— Seulement qu'elle disparut mystérieusement alors que ces enfants étaient encore jeunes.

— Je vois...

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