Chapitre 23 (2/3)

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Le soleil s’était pleinement levé depuis une heure mais peinait encore à percer les nombreux nuages qui remplissait le ciel. Sur terre, la brume matinale envahissait de nouveau certains secteurs de la cité comme les bas-fonds ou les faubourgs et empêchait les habitants de voir l’entrée du port et l’océan selon leur habitude. La capitale se réveillait avec un air particulièrement maussade.

A cette heure-ci de la journée, les rues étaient encore calmes et peu bondées. Exception faite de l’entrée nord de la cité où une poignée d’habitants guettaient avec une certaine impatience l’arrivée des membres de l’Ordre d’Eril même si nul ne connaissait vraiment le moment précis de leur venue.

La série d‘avenues qui menait au château du roi avait été décoré à la hâte avec des bannières rouges et or habituellement réservées aux célébrations entourant Aelleon. Il avait été impossible pour les autorités d’en faire plus avec la foire d’automne qui battait son plein. Empêcher l’installation des étals au profit du passage d’un groupe armé composé d’étrangers auraient été très mal vu des nombreux marchands même s’il s’agissait de l’Ordre d’Eril.

Au loin à l’ouest, à l’extérieur de la cité sur la route qui mène jusqu’en Trinorie, un cortège d’une trentaine de personnes sortit de la brume, l’ensemble de leurs affaires transportées à bord de trois chariots. Cinq Inquisiteurs, quatre Paladins et une vingtaine de soldats allaient en direction de la Nouvelle-Essenie à bonne allure. Tous vêtus de rouge et d’or, les hauts-gradés se démarquaient des autres soldats par leur habillement plus riche. L’un d’eux se saisit d’un cor et fit retentir sa note grave jusqu’aux portes de la capitale, annonçant leur arrivée.

Des trois factions nées de l’effondrement de l’empire Markheim, l’Ordre d’Eril était celui qui avait juré de préserver et protéger la foi, la loi et l’ordre où qu’il se trouve en Alen. Les Paladins, ses membres les plus anciens, se présentaient eux comme les garants de la justice et de l’honneur, prêtant serment aux communautés et couronnes qui requéraient leurs services. Nombre de gens les considéraient comme l’exemple le plus parfait de chevalerie et pour certains chevaliers, devenir un Paladin érilien était vu comme le plus suprême des honneurs.

Au contraire de celui-ci, le titre d’Inquisiteur était beaucoup plus récent, ayant fait son apparition il y a seulement quatre siècles. Là où les Paladins s’érigeaient en garant de la justice des mortels, les Inquisiteurs étaient principalement des clercs se voulant eux gardiens des lois divines. En théorie, ils se devaient d’être protecteurs de toutes les divinités, mais les liens puissants que l’Ordre d’Eril entretenaient avec les Sofra avaient empêché cela.

Aelleon était aujourd’hui leur divinité tutélaire et nulle autre ne saurait le remplacer. Et pour cela, les Inquisiteurs étaient en général peu appréciés des gens, à l’exception des habitants des royaumes où Aelleon se trouvait être aussi le dieu tutélaire. Des royaumes à l’image de la Nouvelle-Essenie.

Quel que soit la menace, les Inquisiteurs prônaient en général son annihilation totale contrairement aux Grandes archives et à la Légion qui préféraient souvent des solution plus pragmatiques et réfléchies, selon leurs dires. Cette façon d’être était l’une des multiples raisons de leurs conflits et tensions et dans cette partie-là de l’Alen. Iveln de Meault, cet Inquisiteur zélé, était une autre de ces raisons.

Proche de la quarantaine, cet homme avait déjà fait exécuter près de cinq cents personnes, en seize ans de service. La majorité des mages l’avait en horreur, Iveln n’ayant jamais caché son désamour de certains arts magiques qu’il souhaitait faire bannir à jamais. Pour lui, la magie se devait être l’apanage des serviteurs des dieux et uniquement d’eux, car eux-seuls trouveraient la sagesse nécessaire à son bon emploi.

Il était ici secondé par un Paladin qui n’était nulle autre qu’un des nombreux petits-enfants d’Erinan Sofra. Reconnaissable entre tous avec ses cheveux roux, sa peau pâle criblée de tâches de rousseurs et ses yeux bleu clair, Cinab se tenait fière et digne sur son cheval, le regard fixé en direction de la cité et sans qu’aucune de ses pensées ne put transparaître sur son visage.

Autour d’eux, les premiers paysans déjà au travail dans les champs les observaient d’un œil craintif. Il y avait dans cette scène inhabituelle quelque chose de déplaisant que personne ne parvenait vraiment à identifier. Nombreux furent ceux qui tâchèrent donc de rester concentré sur leur tâche. Du haut de son cheval, Iveln ne put s’empêcher de regarder cette populace surprise, et quelque peu apeurée, de cet air suffisant, hautain, qui le caractérisait si bien. Aucun de ceux qu’il croisa n’eut le courage de soutenir son regard.

Le brouillard finit enfin par commencer à s’éclaircir à l’approche de la ville. Il n’en était cependant rien du ciel, toujours aussi opaque. Quelques instants après, le groupe passa les portes de la cité auprès desquelles une petite troupe s’était réunie. Cette modeste foule acclama avec une certaine liesse la venue de ceux qu’elle voyait comme des sauveurs, venus les débarrasser des vils Mortis qui corrompait selon eux leur belle cité. Mais pour l’observateur à l’œil plus neutre, cette réunion apparaissait malgré tout forcée, superficielle et s’accordait parfaitement à l’organisation du reste de l’évènement, fait à la hâte.

Le groupe effectua son premier arrêt sur la place d’entrée de la capitale. Se substituant au reste de la foule, Baldwin Thralond accueillit, aux côtés de six chevaliers royaux, les nouveaux arrivants avec les honneurs qu’il leur estimait dû.

— Mes hommages, honorables membres de l’Ordre d’Eril. Et bienvenue dans notre humble cité. J’espère que votre voyage fut des plus agréables. Si vous voulez bien prendre la peine de me suivre, je vais vous conduire jusqu’au roi.

Iveln, homme de taille moyenne, à la peau pâle presque maladive, et aux très courts cheveux bruns, s’avança jusqu’à lui et rendit son salut d’un geste de la main. Mais c’est à peine s’il regarda son interlocuteur, son attention étant focalisée sur un tout autre sujet. Ses yeux verts parcouraient les habitations alentours, tel un prédateur à l’affût de sa proie.

— Mes gens vont vous suivre. Mais pour ma part… Veuillez m’indiquer où se trouve les quartiers de la Légion. J’ai quelques mots à dire à leur commandant.

— Naturellement… Comme vous voudrez, Seigneur Inquisiteur. Leur demeure se trouve plus loin dans la ville haute. (Il se tourna vers l’un des chevaliers à sa droite.) Veuillez accompagner le Seigneur Inquisiteur jusqu’à l’hôtel de la Légion.

— Oui, mon seigneur.

Iveln, lui, se tourna vers Cinab.

— Suivez-les. Je vous rejoindrai plus tard.

Iveln quitta alors la place, toujours sur son cheval, en compagnie du chevalier qui le menait désormais jusqu’à l’hôtel Portelune. Cinab l’observa s’éloigner en silence, sachant pertinemment ce qu’il allait faire, chercher la confrontation, comme à sa grande habitude. Mais ici, il s’agissait d’un commandant de la Légion et non d’un vulgaire mage aliéné. Elle avait beau ne pas porter cette guilde dans son cœur, il n’empêchait que son représentant méritait à minima le respect dû à son rang. Victor Mortis n’était pas réputé être homme téméraire. C’était au contraire quelqu’un de réfléchit et qui ne se laissait pas facilement impressionner. Le Seigneur Inquisiteur risquait bien cette fois-ci de trouver plus fort que lui. Voilà qui était loin de déplaire à Cinab. Mettant ces pensées de côtés, elle donna l’ordre à son groupe de suivre leurs nouveaux hôtes jusqu’au château.

Un peu plus haut, à l’écart de la place et de sa foule, Galbali, en courses pour son maître, observa cette étrange procession, nouvellement créée, entamer son ascension vers le cœur de la capitale. Il s’écarta de leur route comme de nombreux autres passants et les vit s’avancer jusqu’à la grand’place avant qu’il ne bifurque légèrement sur la gauche et ne disparaisse de son champ de vision. Ilven s’était séparé du groupe et était très certainement en route pour Portelune. L’apprenti grimaçât légèrement ; la confrontation qui allait suivre promettait quelques fortes tensions.

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