Chapitre 24 (3/4)

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Valion s’était assis en tailleur depuis une dizaine de minutes. Au départ observant les ouvriers déblayant la dernière galerie, il avait depuis fermé ses yeux et s’était plongé dans une sorte de méditation. Se concentrant sur sa respiration et les battements de son cœur, il tentait d’apaiser la tension provoquée par l’expectation de son entrée dans le 5ème sous-sol.

A ce stade, il ne restait désormais plus qu’un tronçon de passage à déblayer ainsi qu’un troisième et dernier verrou à neutraliser. Plus que quelques heures et il pourrait accéder à ce qu’il recherche depuis si longtemps. Même dans ce calme, il peinait à réprimer ce sombre sourire qui maculait récemment si souvent son visage. Au plus profond de son être, l’impatience grognait de plus en plus fort.

L’architecture de la salle dans laquelle il se trouvait attestait aussi de ce fait avec ses hautes voûtes et portes aux nombreux arcs brisés et ses colonnes, tantôt épaisses tantôt élancée, si finement sculptées. De plus en plus d’éléments témoignaient d’une stéréotomie de plus en plus virtuose. L’état même des lieux semblait mieux portant que la pièce juste au-dessus, en amont de l’escalier, et qu’il avait quitté il y a peu.

Cette solitaire contemplation, interne et silencieuse, finit par être interrompu. Des pas, de plus en plus fort et bien différents de ceux des ouvriers, s’approchaient de lui avec calme et assurance. Ils s’arrêtèrent à deux mètres de lui. Il ouvrit lentement les yeux et se leva. L’homme face à lui se retrouva alors obligé de lever la tête pour le regarder.

Ce zélote, du nom de Nirnante, et qui lui servait de bras gauche, Calderon occupant pour le moment l’autre position, servait Zinnar, le « Haut-Juge ». Ici-bas, il ne cachait pas les tatouages aux lignes dures et affûtées qui couvraient l’ensemble du dessus de sa main droite et de ses doigts, de son bras et de son épaule en un assemblage géométrique étrange et obscur. Seul un fin connaisseur de l’Inconnu tel qu’un Immaculé aurait pu aisément déceler l’allégeance inscrite au cœur de ce complexe dessin.

— Alors, des nouvelles de nos indésirables à la surface ? lui demanda Valion.

Nirnante s’inclina légèrement.

— Oui, quelques-unes.

— J’écoute.

— La Légion est toujours confinée dans sa demeure et n’a guère pu faire grand-chose pour le moment. Les Grandes Archives ont investi la ville et une partie des souterrains mais semblent malgré tout être en sous-effectif. Et pour ce qui est de l’Ordre d’Eril… Ils sont arrivés dans la capitale il y a maintenant plus d’une heure. Toute la ville ne parle que de cela.

Cette fois-ci, Valion ne put s’empêcher de sourire. Les événements allaient d’en un sens plus que convenable pour lui.

— Parfait. Leur présence devrait suffire à grandement occuper l’attention de la Légion. A cet instant, c’est de la Neavathary dont je me méfie le plus.

Impossible de savoir ce que cette sorcière elfique avait précisément en tête. Nul doute qu’elle essaierait certainement de leur mettre des bâtons dans les roues ; raison de plus pour qu’ils avancent, tant dans leur plan que dans d’un point de vue plus géographique.

— Ordonne aux nôtres de se regrouper dans les catacombes. Laisse donc la charge d’observer les évènements de la surface aux subordonnés de notre « associé ». Ils se feront moins remarquer que vous autres. D’autant plus que vos talents seront très bientôt nécessaires ailleurs.

La petite surprise qu’il leur réservait devrait suffire à les occuper, elle et les autres déchets qui l’accompagne.

— Tâchez de rester discret. Notre « associé » ne doit naturellement rien savoir.

Nirnante s’inclina de nouveau, cette fois-ci plus bas que précédemment.

— Bien, Maître.

L’Immaculé le chassa alors d’un geste de la main, lui faisant comprendre que sa présence n’était plus requise. Le zélote s’éloigna, toujours incliné, et repris la direction par laquelle il était arrivé. Tandis qu’il s’en allait, Valion entendit un nouveau son de pas distinct en provenance des escaliers. Il reconnut Calderon. En descendant, celui-ci croisa la route de Nirnante.

Le noble n’appréciait guère le personnage. Le fait de travailler avec un zélote le dérangeait, seulement, sachant qu’ils étaient parmi ceux avec le plus de connaissances sur l’Inconnu et qu’aucune des trois grandes factions n’aurait accédé à sa requête, il n’avait donc pas eu d’autre choix que d’accepter leur aide.

Une fois dans la salle, il s’arrêta à quelques mètres du passage et observa les ouvriers travailler pendant quelques instants. Il savait Valion présent ; celui-ci l’observait d’ailleurs sans rien dire.

— Il s’agit donc du dernier passage.

— Tout à fait, répondit calmement l’Immaculé tout en s’approchant de lui de quelques pas.

Calderon serra ses mains.

— Enfin…

Après treize ans d’attente, il aurait enfin les réponses aux questions qui le dévorent, lui et son frère. Il reviendrait ensuite auprès de sa famille, victorieux et avec la vérité en main. Les méfaits de la Légion pourraient ainsi être dévoilé à tous. Mais pour ce faire, encore fallait-il arriver au terme de son malheur en un seul morceau.

Il repensa alors à un élément qui taraudait quelque peu son esprit depuis peu.

— J’avais une question.

Un court silence dura.

— Posez-là donc, répondit Valion, le ton légèrement moins sombre mais malgré tout emplit d’une certaine curiosité.

Calderon se tourna vers lui.

— Pourquoi avoir préféré ce passage ? N’aurait-il pas été plus simple d’emprunter celui qui passe par la porte scellée du 4ème sous-sol ?

— Question pertinente. Pour deux raisons. La première étant que le passage est bloqué depuis longtemps, à la suite d’un effondrement. Et la deuxième étant que cet endroit est encore infesté d’Abyssaux dont un plus puissant que les autres. Vous pouvez remercier les Grandes archives pour cela. Leurs petites investigations ne furent pas sans conséquences. Le passage que nous empruntons est certes beaucoup plus difficile d’accès et beaucoup plus long mais il est autrement moins dangereux. Les obstacles y seront moindres.

— Je vois.

Voilà qui était surprenant venant de gens ne cessant de vanter la précision de leurs plans et la maîtrise des conséquences de leurs actes. Mais cette information le rassura, apaisant cette toute récente inquiétude. Il se tourna de nouveau vers le passage encombré.

— Commenceriez-vous à avoir des doutes ?

Voilà qui lui rappelait une question précédemment posée par Valion ; à savoir s’il était vraiment prêt à tout pour découvrir la vérité sur la mort de sa sœur.

— Nullement. Il s’agissait là de simple curiosité, répondit-il presque aussitôt, quelque peu agacé que l’on puisse continuer de remettre ainsi sa détermination en cause.

Le noble anorien soupira longuement.

— Je me retire dans mes quartiers. Prévenez-moi une fois l’accès dégagé.

— Naturellement.

Calderon rebroussa alors son chemin sans se soucier de Valion et de la lueur sombre qui brillait au fin fond de son regard. Celui-ci l’observa faire toujours aussi silencieusement et ce n’est qu’une fois le son de ses pas diminué qu’il s’en retourna à sa place originelle. Il s’assis tranquillement puis plongea à nouveau dans l’obscurité de son esprit et de ses projets.

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