Ma bien aimée faisait partie d’un culte de physiciens fanatiques, ils espéraient percer le secret des trous noirs. Pour ce faire, ils entreprirent de construire un vaisseau spatial indestructible, afin de plonger dans celui que l'on nomme Licorne. Situé à 1500 années lumières de la terre, il est le plus proche et le plus petit d’entre eux.

À chaque révolution terrestre, ma chère Ange tapotait sur son supercalculateur portable de ses petites mains frêles. Elle ne vivait que pour le jour où ses savants calculs lui permettraient de traverser l’horizon des événements, c’est cette frontière à partir de laquelle rien ne réchappe, pas même un rayon de soleil.

Ses grands yeux verts brillaient lorsqu’elle me confiait que, si Dieu se cachait dans l’univers, ça serait forcément sous l’horizon d’un trou noir, que ces entités étaient les façonneurs de nos galaxies, qu’il ne fallait pas avoir peur.

Mais… Ange a échouée. J’ai assisté, impuissant, à sa chute dans le néant, au milieu d’un fracas argenté. Elle qui était la lueur de mon existence, n’a pas échappé à cet astre, dont même la lumière ne peut s'y dérober.

Il existe un endroit au bord de l’horizon, où l’on peut observer les derniers moments de ce qui y est happé. Une parcelle de l’espace, où le temps s’est arrêté pour les victimes du monstre céleste. J’y vais souvent, pour admirer l’image figée d’Ange lors de son plongeon dans l’infini.

Si seulement vous pouviez la voir… Elle est si belle au milieu de la fin des temps…. Sa combinaison sublimée laisse flotter ses cheveux cuivrés dans le vide. J’y lance des fleurs, et des poussières d’étoiles, c’est un magnifique cimetière cosmique. Elle flotte, et elle semble si vivante, sa bouche entrouverte sur le néant semble m’appeler. Mais une frontière invisible et mortelle nous sépare. En elle résident les implacables lois de la physique, plus fortes que mon amour meurtri. Seuls quelques mètres m’isolent de la femme de ma vie ainsi que d’une mort certaine.

Aujourd’hui je vais la traverser et rejoindre Ange pour l’éternité...