Chapitre 3 - (Jung-Min)

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– Hyung, ça va être à nous !, me dit Seong-Won en arrivant à ma droite.

Je tourne la tête vers lui. Maquillé et habillé, il est prêt pour le dernier shooting. Il attrape son téléphone posé sur la table avant de s'asseoir sur l'une des chaises. La maquilleuse me fait tourner la tête pour terminer le maquillage. Je ferme les yeux, la laissant estomper avant d'ajouter les dernières touches de peintures.

– J'ai terminé, annonce-t-elle après plusieurs secondes.

Je la remercie et m'incline, tout comme Seong-Won avant de m'appuyer sur ma chaise. Je le regarde dans le miroir qui m'observe.

– J'ai hâte que l'on termine ce shooting. J'ai l'impression que ça fait des semaines qu'on prend des photos, soupire-t-il.

– C'est presque ça. Tae-Jin a terminé ?, l'interrogé-je en regardant vers la porte.

– Il vérifiait les photos avant que je ne vienne. Dong-Shik hyung l'attend dans la voiture, je crois qu'il s'est endormi.

– On est ici depuis cinq heure du matin aussi et hier on est rentré tard.

– Heureusement qu'on a bientôt terminé les préparations pour l'album.

– Tu sais bien qu'on aura peu de temps pour se reposer avec le promo qui va suivre et les tournages des émissions.

– Je sais, approuve-t-il en étirant ses bras vers le plafond. Où est mon lit ?, s'écrit-il me tirant un bref sourire.

Je me lève en attendant quelqu'un dire nos noms dans le studio. Seong-Won repose son téléphone avant de se regarder rapidement dans le miroir et passe la porte. Je m'observe dans le miroir. J'ai la sensation de porter un déguisement. Ce qui est presque le cas.

– Dernier shooting et la journée est terminée, chuchoté-je pour moi-même.

Notre septième album sort dans trois semaines. Ça fait maintenant cinq mois que nous travaillons dessus. Les musiques ont toutes été validées et les différents concepts aussi. Les enregistrements sont faits. Les danses sont apprises. Nous nous sommes entraînés sans relâche et nous continuons. Cela fait trois jours que nous effectuons les shootings photos après un changement de dernière minute. J'espère que Tae-Jin ne va pas vouloir reprendre ses photos individuelles, il est tellement perfectionniste qu'il pourrait tout recommencer. Les photos en groupe ont été faites en premier. Puis certaines des photos individuelles, en duo ainsi qu'en trio. Il ne reste que les photos de Seong-Won et moi ensemble.

Tae-Jin me sourit quand nous nous croisons dans le couloir. Il pose sa main sur mon épaule en m'encourageant. Je lui adresse un semblant de sourire. Tae-Jin est notre maknae et pourtant c'est lui qui passe son temps à nous encourager. À la fois déterminé, travailleur et d'une gentillesse inouïe, Tae-Jin est le petit frère que je n'ai jamais eu tout comme Seong-Won.

– Les photos sont géniales. Je suis content !, s'enthousiasme-t-il en frottant ses mains.

– Pas trop fatigué ? Repose-toi en rentrant, lui conseillé-je.

– Je pensais filmer une démo, me dit-il en passant sa main dans ses cheveux.

– Tu devrais te reposer, insisté-je. Profite de cette soirée avant qu'on enchaîne le tournage.

Il acquiesce en hochant la tête en souriant. Je me remets en marche vers le studio quand il m'interpelle :

– Hyung ? T'es chou comme ça, me charrie-t-il me décrochant un rire.

– A plus tard !

Je m'incline pour saluer toutes les personnes présentes. Seong-Won est déjà entre les mains du photographe qui lui explique ce qu'il doit faire. Lorsque j'arrive à leurs côtés, l'on me donne les consignes aussi.

Quelle idée d'avoir voulu un concept aventurier ! J'entends Seong-Won rire quand le photographe revient vers moi et me dit qu'il me faudrait finalement plus de peinture sur le visage et le cou. Je fusille du regard mon camarade qui continue de se moquer. Il faut l'avouer certains concepts sont… tirés par les cheveux et pas qu'un peu. Je trouve que ce sont des choses inutiles et superficielles. Je suis d'accord avec le fait d'avoir un photoshoot pour chaque album et même différentes versions, mais ces derniers temps j'ai du mal avec tout ça. Depuis quelques mois, ma passion, mon dynamisme et mon envie ne sont plus les mêmes.

La maquilleuse arrive en courant et fait ce que le photographe a demandé. Une fois terminé, je me mets en place. Allez, place à Yun. Yun, puis-je réellement encore être Yun ? Je vais faire de mon mieux pour les gars, les fans et l'ensemble des personnes qui ont bossé sur l'album, comme j'en ai pris l'habitude.

– Hyung, les photos sont vraiment biens, viens voir, me dit Seong-Won en scrutant l'écran.

– Est-ce que les photos sont correctes ou vous voulez en refaire ?, demande le photographe en me regardant avant de se tourner vers le manager Song qui analyse les clichés.

– Elles sont bien. Pour moi, c'est bon. Toi ? La seconde série quand tu as ce regard est vraiment superbe !

– C'est bon pour moi aussi, répond Seong-Won en souriant. Merci tout le monde, vous avez bien travaillé. Merci, ajoute-t-il en remerciant les personnes présentes.

Je m'incline aussi en remerciant tout le monde avant de m'éclipser, rêvant seulement de m'éloigner de cette agitation. J'informe la maquilleuse que je vais me démaquiller seul. Seong-Won arrive en chantonnant l'une de nos nouvelles chansons, juste après qu'elle soit partie. Il ne nous faut que dix minutes pour être dans la voiture.

– Demain n'oubliez pas les deux réunions à l'agence. Vous devez vous entraîner aussi avant, soyez à l'heure à la salle d'entraînement, nous informe le manager Song après être monté dans la voiture. Vous avez bien travaillés les garçons. Jung-Min la prochaine fois soit un peu plus souriant. Ne sortez pas ce soir, je sais que vous rentrez tôt pour une fois, mais restez à l'appartement. Je passerai vers 23h pour…

Il continue de parler, mais je ne l'écoute plus. J'entends vaguement Tae-Jin lui répondre. J'entends mon nom mais je ne réagis pas. Mes écouteurs dans les oreilles, j'ai besoin de penser à tout sauf celui que je suis.

Vous vous êtes déjà demandé si tout ce que vous aviez fait jusqu'à maintenant était juste ? Si tous les sacrifices que vous aviez pu faire dans le passé pour en arriver où vous êtes étaient louables ? Ça fait des mois que je me questionne, que je me demande si les choix que j'ai pu faire étaient raisonnables ou même censés. Et si je m'étais trompé de voie ? J'ai bossé depuis mes quinze ans, jour et nuit pour être qui je suis. Lee Jung-Min alias Yun de LYS. Pourtant, je ne sais plus. Je me sens perdu.

Durant toute mon enfance, j'ai tout fait pour accéder à cette vie. J'ai appris à danser seul entre le canapé et la table basse du salon que je poussais quand je voulais m'entraîner et m'améliorer. J'avais un rêve et il s'est réalisé. Moi qui voulais être chanteur, être sur le devant de la scène, je le suis depuis maintenant quatre ans et demi. Notre groupe a connu une notoriété impressionnante quand la pop coréenne a conquit le monde. Pourtant même en étant membre d'un groupe idolâtré par des milliers de fans, je suis en plein doute. J'ai toujours pensé que réaliser mon rêve me comblerait mais et si je voulais autre chose maintenant ?

Seong-Won me frappe l'épaule pour me prévenir que nous sommes arrivés. Je salue rapidement le manager Song et l'assistant Kang avant de rentrer dans l'immeuble. Seong-Won sautille sur place devant l'ascenseur en regardant son téléphone. Les portes s'ouvrent et je m'y engouffre suivi par mon ami.

– Hyung ?, m'interpelle Seong-Won avec un ton que je ne lui connais pas.

Je relève la tête vers lui qui me fixe avec un regard… soucieux ?

– Tu me le dirais si quelque chose n'allait pas ?

Je fronce les sourcils, ma bouche devenant soudainement sèche. Je pensais avoir maintenu l'illusion face à eux. Est-ce que je me suis trompé ? Se pourrait-il que je ne donne plus le change ?

– C'est juste que depuis quelques semaines, tu as l'air différent. Enfin, non, tu es différent. Tu parles et ris moins qu'avant. Je suis inquiet, m'avoue-t-il en observant ma réaction.

– Je suis simplement épuisé, nié-je en haussant les épaules sans le regarder. Ne t'en fais pas ça ira mieux quand tout sera fini, le rassuré-je en tentant un sourire convaincant.

– Tu sais aussi bien que moi que la partie la plus fatigante n'est pas encore passée, renchérit-il en levant les yeux devant lui. Mais on est là Hyung, tu le sais n'est-ce-pas ? C'est vrai qu'après le décès de Tan-Ho nous avons dû travailler sur l'album en jonglant avec la tournée mondiale, japonaise et…

– Je vais bien, le coupé-je en baissant la tête. Ça va. Je sais que si j'ai besoin, vous êtes tous les trois là pour moi et je vous en remercie. Tu n'as pas à t'inquiéter.

Seong-Won me surprend en me serrant dans ses bras. Je l'enlace aussi en tapotant son dos. J'espère avoir été convaincant un minimum. Je refuse d'être une inquiétude pour eux. Peut-être que je devrais leur parler de ce que je ressens ? Non, je ne suis pas prêt, pensé-je.

– Bah alors, on est sentimental, commente Dong-Shik quand les portes s'ouvrent.

– Bien dormi hyung ?, le questionne Seong-Won en s'écartant de moi tout souriant.

– Hmm, on va dire ça. Ça a été le shooting ?, nous interroge Dong-Shik d'un signe de tête.

– Oui. Tu vas quelque part ?

– Il semblerait que quelqu'un ait bu tout mon jus de goyave. Je vais en acheter au coin de la rue, me répondit-il en mettant sa casquette et des lunettes. On a bien notre soirée de libre ? Pas de changement ?

– Aucun changement.

– À tout de suite, nous dit-il en montant dans l'ascenseur.

Je referme la porte de l'appartement derrière moi, j'entends Seong-Won raconter notre séance photo à Tae-Jin. Je me dirige vers la cuisine pour prendre un verre d'eau.

– J'ai besoin de ta voix. J'ai composé quelque chose et j'aimerai voir ce que ça donne. Tu veux bien venir ?, demande Tae-Jin à Seong-Won qui arrive dans la cuisine.

– Oui, je te rejoins après m'avoir fait une infusion. Tu te joins à nous ?

– Non, j'ai un truc à faire, lui répondis-je en lui tendant sa tasse favorite.

Je m'allonge sur mon lit, un bras sur mes yeux. Je respire lentement. Une autre journée de fait. Je soupire bruyamment en me relevant. Mon regard s'attarde sur la photo de Tan-Ho et de moi lors du nouvel an.

Je me lève et je regarde par la fenêtre. Le soleil se couche, le ciel prend des couleurs orangées. Tan-Ho adorait les couchers de soleil. J'ai toujours préféré l'aurore moi. Je me retourne en me demandant quoi faire. C'est vrai qu'on a eu très peu de temps libre ces derniers mois, seulement jusqu'à maintenant ça ne m'a pas dérangé. Dès que je me retrouve seul, je cogite trop. Mes pensées partent dans tous les sens et je me remets en question sans pouvoir m'arrêter.

Autant avant j'aimais la solitude, j'aimais me retrouver seul avec moi-même et prendre du temps pour réfléchir, méditer, me retrouver. Autant maintenant, je ne la supporte plus. Depuis la mort de mon meilleur ami d'enfance, je fais tout pour ne pas être seul et me plonger dans la préparation du nouvel album m'a aidé à m'occuper. Mais nous sommes à un moment où les autres trouveraient étranges que je continue de m'entraîner alors que nous maîtrisons. Tout comme, ils trouveraient bizarre que je devienne d'un coup perfectionniste. Ce n'est pas mon genre et ils le savent mieux que n'importe qui. Je ne peux pas me permettre qu'ils remarquent quelque chose alors que Seong-Won se questionne déjà.

Je devrais être heureux avec ma vie. Beaucoup veulent cette vie. Alors pourquoi je n'y arrive pas ? Quand Tan-Ho était là, il me soutenait en me répétant que j'avais réussi et que je devais être fier. Ce qu'il ne savait pas c'est que je m'interrogeais déjà, mais je n'ai pas eu le temps de lui en parler car il est parti… Trop tôt, trop vite. Je sais mieux que quiconque ce qu'il m'aurait dit : si ce que tu fais ne te rend pas heureux, alors cesse tout et fait ce qui te fait te sentir vivant et qui te fait sourire. C'est ce qu'il m'a toujours dit, depuis que nous étions enfants.

J'observe le ciel. Il y a tellement de personnes qui comptent sur moi que je n'ai pas le droit d'être égoïste. Mais jusqu'à quand arriverai-je à continuer ? Même auprès des garçons, je me sens seul, comme si j'étais seul au monde. J'inspire. Je sais que le manager Song ne veut pas que l'on sorte ce soir, mais j'ai besoin d'air !

– Tu sors encore hyung ?, me surprend Tae-Jin en me voyant mettre ma veste noire à capuche.

– Je serai là dans deux heures, lui répondis-je en quittant l'appartement.

Les garçons ont pris l'habitude de me voir partir le soir, même quand nous avons une énorme journée ou qu'on nous interdit de sortir. J'ai commencé à avoir cette manie après la mort de Tan-Ho, j'avais besoin de me rendre à notre endroit à nous. Là-bas, je me sens apaisé et plus proche de lui. Ce soir, j'ai besoin de cette dose d'apaisement.

Je mets ma capuche en sortant de l'immeuble. Je me dirige vers l'arrêt de bus à une centaine de mètres en espérant que le prochain bus ne tarde pas trop.

J'observe un couple qui parle ensemble et qui rit. Ils sont heureux. Est-ce que c'est une femme qui me manque pour être heureux ? Non, pensé-je. Femme ou non, ça ne me rendrait pas plus heureux. Seulement, je ne sais pas ce qu'il me faudrait. Est-ce que je dois me rendre à l'évidence que ce que je fais ne me passionne plus ? Je ne peux pas faire ça aux fans qui nous ont soutenu depuis le début. Ce n'est pas correct envers eux, ce serait les insulter. Je me sens complètement perdu et j'ai l'impression que ma vie ne m'appartient plus. Quelle est la dernière chose que j'ai fait sur un coup de tête ? C'est peut-être ça qui me manque dans ma vie : l'imprévu, la spontanéité, l'inconnu. Sauf que je ne peux pas partir à l'aventure.

Au début, quand nous avons débuté, je ne pensais pas que ça allait prendre autant d'ampleur. Le penser était irréaliste. Les fans ont doublés, triplés, se comptant au fil du temps par milliers. Je ne sais pas à quel moment précisément ça a changé, mais un jour j'ai vu une différence. Les gens ne s'adressaient plus à nous normalement. Ils osaient à peine croiser notre regard, nous offraient tout ce que l'on voulait, faisaient tout pour nous faire plaisir alors que ce que j'ai toujours aimé ce sont les échanges simples, rien de plus qu'un sourire ou un regard sincère. Les gens que l'on côtoient ne font que des choses calculées pour obtenir quelque chose de notre part. Beaucoup nous parlent parce que nous sommes les membres de LYS, mais ils en oublient les quatre garçons qui sont derrière. On est simplement des mecs normaux. Tout semble si superficiel. Sortir par moment est compliqué. Nous adorons nos fans, mais, et je sais que les autres le pensent aussi, nous aimons aussi sortir et être tranquille sans avoir une foule qui nous suit. C'est un sacrifice que l'on fait en signant pour cette vie, mais la solitude et l'absence d'anonymat sont parfois difficiles à tenir. Sans oublier qu'avec la célébrité vient l'angoisse.

Je sors du bus en remontant mon col sur une partie de mon visage. Je gravis les marches en me sentant un peu plus en liberté. Je ne sais pas si les gars savent où je vais à chaque fois. Ils ne m'ont jamais questionné sur mes sorties et nous ne sommes jamais venu ici tous les quatre. La porte de Changuimun est de l'autre côté. Je suis impatient de me retrouver assis sur mon banc à observer la ville. Le soleil est encore entrain de se coucher. L'avantage c'est qu'à cette heure-là il y a peu de monde. Parfait pour moi. J'ai le cœur un peu moins lourd arrivé en haut et l'impression de suffoquer moins.

Je me stoppe quand je vois une personne sur mon banc. Pas qu'il soit à moi, mais c'est la première fois que quelqu'un est assis dessus à cette heure-ci. J'observe la fille à la robe bleue et devine qu'elle n'est pas coréenne. Une étrangère qui visite ? Je m'avance pour aller m'asseoir au pied de l'arbre derrière elle. Je rabats un peu plus ma capuche quand je vois des lycéennes passer.

La fille sur le banc sort son téléphone. Alors que la lumière baisse peu à peu, celle de son téléphone me permet de mieux la voir. Même si je n'en ai pas la confirmation, je ressens qu'elle est venue ici pour prendre l'air. Je la vois s'essuyer la joue. Est-ce qu'elle pleure ? Je me penche en avant, mais je ne distingue rien. Il semblerait que je ne sois pas le seul qui soit malheureux. Est-ce que je me lève parce que je n'ai pas envie d'être seul ? Ou est-ce parce que Tan-Ho répétait sans cesse qu'une fille ne devrait jamais pleurer seule dans son coin ? Aucune idée. Je prends le risque qu'on me reconnaisse malgré tout sans comprendre ce qui me pousse à le faire.

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