1.10

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Les jours s’enchainent en se confondant. Alex ne vient plus nous voir dans notre bungalow, mais nous mangeons avec lui et Charles. J’arrive à échanger quelques mots avec lui. Ses conversations avec Manon semblent plus fournies : elle doit obtenir une dizaine, voire une vingtaine de mots !

Heureusement, nous avons les longues soirées pour partager des occupations qui nous sortent de la tristesse de ce confinement.

Un matin, Alex est arrivé effrayé. Charles est malade, avec une forte fièvre. Il ne savait pas quoi faire. Nous allons voir. Sa toux n’indique rien de bon. Paracétamol, le 15, attente. Nous trouvons un médecin pour une téléconsultation. Rien à faire d’autre que surveiller et faire baisser la fièvre. L’après-midi, c’est au tour de Thomas de s’aliter. Forte température également, légère toux rauque. Il rejoint Charles dans une chambre du pavillon central. Nous nous regardons, attendant de savoir qui sera la prochaine victime. Nous avons échangé tous nos fluides, abondamment, nous avons vécu dans la même pièce, sans protection. Si le virus est là, nous sommes tous infectés. Manon perd l’odorat, Doron est fatigué, à l’extrême. Nous attendons. Rien d’autre ne survient dans les jours suivants. Thomas est exténué, la fièvre est tombée. Doron dort depuis deux jours. Charles a toujours cette forte fièvre, cette toux. Deux jours après, en pleine nuit, Alex vient nous trouver : son père étouffe. À nouveau le 15, le SAMU. Alex reste coucher avec nous, sans dormir. Si son père…

Le lendemain, nous apprenons qu’il est en réanimation, dans un état grave. Alex est effondré. Avec Manon, nous le reconduisons à sa chambre et nous décidons de nous relayer auprès de lui. Il craque, pauvre gosse abandonné. C’est à moi qu’il raconte son histoire.

Il a grandi dans cet hôtel, c’est sa vie, sa référence, sans savoir sa particularité. Petit, il se promenait parmi les hôtes, devenant la mascotte de tous, avec sa tête d’angelot, aimant les caresses et les baisers des uns et des autres. Plus grand, ses parents le déguisaient, avec toujours des costumes le dénudant à moitié. Il aimait encore plus, car beaucoup de mains le caressaient, partout. Des fois, surtout des messieurs, le pressaient un peu trop, lui touchaient le zizi. Il les voyait ensuite sur le comptoir, en train de signer un chèque. Une fois, après un épisode très désagréable pour lui, il avait entendu son père dire : « C’est la moitié de la piscine ! », sans qu’il comprenne bien. Il aimait se promener parmi ces gens, se montrer, parfois nu, devant eux, à leur demande. Il était un petit prince, choyé et admiré. Vers douze ans, intrigué par ces bungalows, il était arrivé à s’introduire et à observer ces gens. Il apprit ainsi beaucoup de choses, sans y voir la moindre perversion, la moindre gêne. C’était le seul monde qu’il connaissait. Il n’aimait pas les pièces en bas, elles lui faisaient peur. Pour le reste, il trouvait ça naturel.

Il n’était bien qu’à l’hôtel. En classe, il était médiocre, car cela ne l’intéresse pas. Il n’avait ni ami ni amie. Même pas de copains. Ils ne s’intéressaient pas aux mêmes choses que lui. Des gamins et des gamines sans intérêt. Une fois, on lui avait qu’il habitait au « bordel ». Il avait dû demander à ses parents ce que cela voulait dire.

Il avait vu plusieurs fois sa mère et son père participer à des séances. Il n’avait qu’une hâte : pouvoir faire comme eux. Qu’on l’ait invité lui avait fait plaisir. Il savait bien que j’étais quelqu’un de gentil, mais il avait appris à se méfier de tout le monde.

Sa mère est tombée malade, puis elle est morte très vite. Ce n’est pas qu’elle était une mère très présente, mais sa disparition l’a beaucoup marqué. Finalement, elle s’occupait de lui, plus que son père. Il l’aime bien, mais ce n’est pas pareil.

Maintenant, il a changé. C’est arrivé par hasard. Un soir, peu après la mort de sa mère, trop triste, il était entré dans leur chambre. Il avait l’habitude. Il a ouvert leur dressing. L’odeur de sa mère était encore présente. Il reniflait ses vêtements. Puis il a enfilé une robe, s’est regardé dans la glace. Il a vu l’image de sa mère. Il me montrer des photos. La ressemblance de cet adolescent avec cette femme est frappante. Il s’est mis à pleurer. Quand son père est entré, il a dit :

— Clarence ?

Alex s’est jeté dans ses bras, alors que son père continuait à l’appeler comme sa mère. Quand il s’est rendu compte de sa méprise, il s’est mis lui aussi à pleurer. Alex a pris l’habitude de s’habiller comme sa mère, cela le calme. Il se sent autre. Il se sent bien.

Il a tant besoin de parler ! Seize ans dans le silence, sans affrontements. Je lui dis mon coup de foudre, mon envie d’être son grand frère.

— Tu as envie de moi ?

— Absolument pas ! C’est autre chose. J’ai envie de t’aimer, c’est tout.

— J’ai senti. Mais tu me faisais peur. Il y a eu tant de gens qui disaient m’aimer et qui voulaient simplement me baiser, baiser un enfant.

— Quand tu es venu, cette nuit où… c’était ta première fois ?

— Oui ! Enfin, pas tout seul ! Je veux dire…

— J’ai compris Alex ! Deux choses : tu as été avec Thomas, avec Doron, avec Manon. Tu as des préférences ?

— Non ! J’ai vu tout le monde le faire avec les deux. C’est normal, non ?

— Il n’y a rien de « normal ». Simplement des gouts, des attirances.

— Et toi, tu as des attirances ? J’ai bien vu qu’avec Doron…

— Ça, c’est différent ! C’est de l’amour, de l’amitié !

— J’aimerais tant avoir un ou une amie, pour de vrai !

— Tu vas en trouver. En attendant, maintenant, je suis là, à côté de toi, pour tout !

— Merci. J’ai aussi envie de t’aimer, ça doit être bien !

— Bien sûr ! La seconde chose, justement, c’est notre différence d’âge. Tu es mon frère, mais tu dois aller vers ceux de ton âge. Ouvre-toi aux autres !

— Tous des cons !

— Alex ! C’est toi le con de dire ça !

Nous avons passé un temps infini à parler, entre deux appels à l’hôpital. Avec Manon, il lui racontait des petites anecdotes. En fait, me dira Manon, il la draguait gentiment, maladroitement. Elle se laissait faire, acquise aussi à ce gosse.

Doron s’est réveillé, épuisé, au bout de cinq jours. Il va rester zombie encore une semaine. Thomas va aussi mettre un temps fou à remonter. Charlotte le stimulera, pensant qu’un retour à la vie sexuelle accélèrera son rétablissement. Je la consolerai régulièrement, ne sachant comment assouvir ses besoins sans limites que l’épuisement de Thomas ne permettait pas de contenter. Pour me détendre, j’aimais me coincer entre mes deux amies. Le sexe, toujours présent, n’était plus que secondaire, par rapport à ce que nous vivions.

Charles est sorti de réanimation au bout de quinze jours, puis de l’hôpital deux semaines après. Il était méconnaissable. Sa joie de revoir Alex fit pleurer ce dernier.

Alex aussi avait changé. Il était maintenant un adolescent comme les autres. Il avait joint certains de ses camarades, qui avaient répondu. Il en était étonné et content.

Nous avons terminé le confinement et notre aventure ainsi.

Je crois que c’est à ce moment que tout a basculé pour moi, après le traumatisme de notre orgie.

Nous occuper d’Alex avec Manon n’était pas une réparation, mais une nécessité ! En plus, il est adorable !

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