1.11

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Nous sommes sortis de notre bulle, posant le pied dans ce monde que nous avions ignoré pendant toutes ces semaines. Je restais quelques jours de plus, j’avais une mission à achever.

Thomas et Charlotte sont rentrés chez eux, avec la promesse de se revoir bientôt.

Manon et Roxane sont reparties, chacune de leur côté. Dès le début, j’avais envoyé à mes parents l’adresse du site de ma « copine ». J’étais sûr du résultat. Ils ont été conquis par sa ligne. Chaque fois que je prenais de leurs nouvelles, ils ne me parlaient que de ma « copine », impatients de la rencontrer. Quand j’avais annoncé ce résultat à Manon, elle m’avait sauté dans les bras. Je l’avais refroidie en lui disant que mes parents étaient redoutables en affaires. Pas financièrement, cette fois, car elle était ma « copine », mais sur les choix esthétiques. Je lui expliquai leurs fonctionnements. J’en rajoutais, bien que plutôt confiant, car je me souvenais de scènes épouvantables avec certains fournisseurs.

J’ai donc accompagné Manon chez mes parents. Elle a pu assister à mon accueil : ma trentaine n’avait plus d’importance, je redevenais le petit garçon de dix ans. Je la voyais sourire devant ce spectacle du brillant Usem ramené à son état d’enfant. Ma vengeance intervint peu après, quand ils l’accueillirent à son tour. Les facondes de la Méditerranée sont étonnantes pour des Nordiques !

Ils se mirent au travail, m’oubliant complètement. Cela semblait bien démarrer pour les deux camps adverses. Quelle chance de tomber sur cette fille douée ! Mes parents cherchaient depuis longtemps.

***

J’ai fait venir Mabula. Sa boite est toujours fermée et Charles a besoin d’un coup de main. L’entente a été immédiate. Charles me dit qu’avoir ce beau, très beau, black derrière le comptoir va être un atout essentiel. J’ai interdit à Mabula d’approcher Alex. Je leur fais confiance.

Les confidences d’Alex m’ont touché. La scène lors de l’orgie m’a choqué. Charles est fatigué, mais je veux parler avec lui de tout ça. Ce n’est pas mon affaire, mais ma tendresse pour Alex m’empêche de rester indifférent. Une fois de plus, je m’occupe de choses qui ne me concernent pas.

Je lui tiens donc compagnie, parlant de tout et rien. Petit à petit, je l’amène sur l’histoire de leur hôtel. Il me raconte leurs débuts difficiles, avec des emprunts énormes pour monter d’emblée un lieu de qualité. Les premières années, ils en tiraient à peine de quoi vivre. Puis la réputation s’est installée, avec des habitués. Cela était devenu plus facile. Alex était petit et il dormait sous le comptoir, silencieux. Puis ils ont fait appel à une babysitteuse, mais Alex avait pris l’habitude de cette petite niche douillette à proximité de ses parents, indifférent aux bruits. Des invités l’ont remarqué et il est devenu la petite mascotte. Il faut dire qu’il était mignon. Plus grand, il s’endormait plus tard et tournait entre toutes ces grandes personnes qui l’intriguaient, mais qui lui souriaient. Il aimait être adulé par toutes ce monde. Un client lança l’idée de le costumer. Il avait adoré. Chacun arrivait maintenant avec un déguisement pour Alex. Beaucoup le laissaient à moitié nu. Il s’amusait et tout le monde le cajolait, le caressait. Ils n’avaient pas fait attention, mais, des fois, certains messieurs l’avaient entrainé à l’écart. La première fois, ils s’étaient laissé surprendre. Alex était revenu en pleurant et en se plaignant d’avoir mal aux fesses. Le responsable était un journaliste très connu. C’est lui qui proposa de laisser un cadeau à Alex, pour sa majorité. Que pouvaient-ils faire ? Ils ont cédé. La somme attend les dix-huit d’Alex. Il a oublié. Après, ils ont été hyper vigilants. Ils l’ont récupéré plusieurs fois, à la limite. Le coupable, le plus souvent, était confus. Il ne restait pas, après avoir signé un chèque pour s’excuser. Il était ensuite blacklisté à jamais. Une seule fois, l’homme les avait accusés de mettre Alex en évidence, en tentation. Il avait même ajouté : « en libre-service ». Un homme politique réputé. Le ton était monté et Charles s’apprêtait à le frapper. Heureusement, les amis de cet homme l’avaient emmené. Il n’était jamais revenu, ne s’était jamais excusé. Quand un scandale éclata plusieurs années après, Charles et Clarence envoyèrent leur déposition. Il n’y eut pas de suites…

Attention, ils ne mettaient pas Alex en avant ! Jamais ! Il était heureux de son effet, des compliments, des attouchements, surtout des femmes, des baisers. Il fallait juste le surveiller. À la puberté, il a arrêté. Cela était mieux pour tout le monde. Par contre, l’hôtel était sa vie. Il n’avait jamais eu de copains, d’amis. Il disait que comme il ne pouvait pas les ramener ici, autant ne pas en avoir. En fait, ils l’avaient appris à la fin de l’année, en primaire, il avait été ostracisé, rejeté par tous ces camarades, car il était le « garçon du bordel » ! Ils l’avaient changé d’école, mais il s’était renfermé.

Entre cette retenue, le choc de la mort de sa mère, Charles n’arrivait plus à parler avec lui. Il ne savait plus quoi faire. Il était désemparé.

Je n’étais pas psychologue, mais il était tellement évident que chacun n’avait qu’une envie, renouer l’affection. Je lui glissais cette idée ! Il en fit bon usage.

***

Le plus surprenant était mon rapprochement avec Doron. En fait, nous n’avions jamais rompu. C’étaient des broutilles matérielles, mais la communion, la fusion était trop forte. La séparation m’avait fait oublier combien il était central dans ma vie. Vivre ensemble, au milieu des autres, m’avait apaisé. Je n’avais plus envie d’aller accumuler les conquêtes. Nous en avions parlé. Il avait suivi le même chemin, m’exprimant son attachement. Ses yeux me confirmaient ses dires. Nous avons donc décidé de nous remettre ensemble, pour longtemps, en véritable couple. Nous avions annoncé cette nouvelle à nos nouveaux amis, voulant partager notre joie.

Je vais partir en mission, pour trois mois. Chaque weekend, je reviendrai. Nous ne savons pas encore si ce sera chez lui ou chez moi, mais je retrouverai Doron chaque semaine.

La vie reprenait, tellement différemment pour moi ! Je crois que je garderai un excellent souvenir de ce confinement.

Je ne savais pas encore que le déconfinement m’apporterait d’autres bouleversements.

Tu dois commencer à voir que je deviens responsable !

Pourtant, cela ne suffira pas !

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