5.4

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Un mois passe. Ma thèse est achevée, la soutenance programmée avant l'été. Notre vie avec Doron est douce. Plusieurs fois, il s'est étonné de ma distance, la mettant sur le compte de mes soucis pour Pierri ou de ma thèse. Il ne se rend pas compte du poison qui me ronge.

En mettant de l'ordre sur ma table, je tombe sur une carte de visite. Le nom de me dit rien. Une nuit, après m'être laissé aller dans les assauts de Doron, je revois le visage de cet homme, à l’ActiveX, qui avait partagé notre tout premier weekend, nous dans notre bungalow, lui en bas, dans les salles spéciales, avec ses petits jeunots. Doron dort et cette pensée réveille une envie obscure que mon corps exprime généreusement. Je suis très troublé par cet effet, me refusant à cette extrémité.

Le troisième confinement approche. J'ai besoin de bouger avant d'être à nouveau enfermé. J'appelle régulièrement Alex, car je suis soucieux, bien à tort, de son état. S’il apprécie mes prévenances, m’accueillant chaque fois avec chaleur, me déroulant ses aventures amoureuses avec ses deux tourtereaux. C'est toujours intense et chaste. Il est heureux. Il me manque.

J'appelle aussi Mabula, par gentillesse et par souci de la situation. Il m'apprend que le weekend prochain, ses amis organisent une dernière fête et qu'il y participera. Cette annonce provoque une belle réaction chez moi.

Hors de question de céder, mais c'est aussi l'occasion de voir Alex, avant plusieurs semaines. J’avertis Doron de mon besoin d'aller embrasser mon pupille et je pars, heureux de ce divertissement. Je sais où je vais, même si je ne veux pas y aller.

La fête que me fait Alex me fait oublier tout le reste. Je n'ai pourtant pas fait grand-chose pour lui. Un peu d'attention et d'affection, c'est si peu. De manière inattendue, Sarah et Lucas sont invités pour le diner. Charles semble heureux dans cette jeunesse tourbillonnante. Comme ils restent coucher, j'aurais droit à une chambre seule, Mabula et Charles restant ensemble. Le samedi, en fin d'après-midi, de retour d'une ballade avec les trois amis, je traine au bar. Je sais que je joue un jeu dangereux, mais ma décision est prise depuis longtemps. Albert me reconnait de suite. Échanges neutres sur la saison, l’épidémie. Il se lève. Il n'est pas plus dupe que moi.

— Tu viens ?

Sans acquiescer, je suis. Ils sont tous en bas, deux autres de l'âge d'Albert, trois jeunes, tout juste majeurs, je veux croire, mon magnifique Mabula, et moi. J'attends, me sentant comme un jeune premier.

— Tu te ranges de quel côté ? Maitre ou esclave ?

— Je ne sais pas… Qu'est-ce qui est le mieux ?

— Tout est bien, c'est selon ce que tu cherches à découvrir…

Sans un mot, je me range du côté des mignons. Je suis curieux de savoir comment ils se sont rencontrés ! À voir plus tard. Tous se déshabillent. Alors que les « vieux » enfilent des cuirs, nous restons nus. Apparemment, ces beaux gosses ont l'habitude et, comme ils ne portent pas de marques, je suis confiant. Je me dis que, malgré mon âge, je ne dépare pas la brochette, mais c'est mon jugement.

La règle est simple : soumission absolue, silence et remerciements. Un mot, un seul, à prononcer si cela devient impossible. Ce sera alors la fin de la participation, le regret de ne pas découvrir d'autres plaisirs.

Je déglutis. Je sais que je devrais remonter. J'ai une soudaine pensée pour Pierri, pour Doron. Je les avais oubliés. Cette ambiance annihile les autres souffrances. Je pars pour un moment d'apaisement.

Être attaché, être battu, être humilié, c'est s'abandonner à l'autre, ne plus être responsable, s'offrir à la jouissance. La douleur physique est nécessaire pour franchir ce cap. Ce n'est pas si terrible, ou alors apportée selon un art consommé. Une fois que l'on accepte, on recherche une sensation encore plus forte.

Le détail de la soirée est sans intérêt pour ceux qui n'y étaient pas. Je ne veux pas non plus entrainer le lecteur dans son imagination, la question principale ne porte pas sur ces pratiques. Ce qui m'amuse est la variété des mots pour décrire ces objets et chacune de leurs utilisations.

Je suis déçu par l’arrivée de la fin de la séance, car je n'ai eu droit qu'à quelques exercices. Mes compagnons, plus aguerris malgré leur âge, semblent avoir été plus loin. Si j'ai joui, la règle était posée : aucun rapport sans protection et, même, pas de rapport. Je veux être net pour Doron et pour Pierri, au cas où…

Albert me propose de partager ce qui reste de la nuit. Je décline, retrouve ma chambre. Je me rends alors compte de ce que j'ai enduré. De ce que j'ai subi, avec plaisir. Savoir que l'on souffre, mais qu'il n'y aura pas de conséquences, permet d'accepter d'aller très loin. Étrange et déconcertant, mais une seule envie : plus loin, plus fort.

Je n'ai jamais aussi bien dormi depuis cette funeste nuit. Il est près de midi quand je descends, retrouvant mes adolescents attablés. Je suis redevenu un des leurs, ce qui les amuse beaucoup. Inutile de leur dire la raison !

Je passe encore quelques heures dans cette ambiance d'insouciance. Ces jeunes-là semblent ignorer l'incohérence totale de cette époque, de cette pandémie. Leur bonheur est rafraichissant.

***

Des semaines ont passé. Pierri va mieux. Il a repris le boulot, et nous avons pu nous voir, toujours avec son molosse derrière lui, à écouter et à surveiller. Malgré la qualité de l'image, je vois qu'il a maigri. Dans ses séances de parloir, j'ai droit à quelques questions sur sa santé. Ses réponses me font comprendre qu'il s'est éloigné.

J'ai besoin de le voir physiquement, de le serrer dans mes bras, de lui parler, de l'embrasser. Je ne sais comment, mais je perçois que son envie est bien moindre.

Je fais un test. Notre station de référence, celle qui multiplie les instruments, est à Fontainebleau, au Clos du Roi. Je fais remarquer à Pierri une anomalie, qui n’existe pas. Il met du temps à la voir et à m'appuyer pour justifier une intervention. L'argument est qu'il est le seul à connaitre certains des appareils. La gardienne de l'ordre se laisse convaincre ! Je n'en reviens pas. Dans deux jours, départ de Saint-Mandé ! Je suis à la fête, cela va repartir !

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