Chapitre 28 - Mercredi 8 avril

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La piscine

Je ne sais pas ce qu’il m’a pris, mais puisque nous sommes condamnés à vivre sans cesse la même journée, j’ai décidé d’installer la piscine hors sol dans le jardin. C’est un peu idiot, car le soleil de ce début avril n’est pas très ardent. Malgré tout quand on s’emmerde il faut s’occuper, et Éva est tout à fait d’accord avec moi sur ce point.

Cette piscine bon marché a fait ses preuves à la campagne, il faut l’adapter maintenant à la topographie des lieux. Il lui faut dix heures de soleil par jour et un terrain plat.

À moins de couper les pins parasols, mais là on part sur un autre projet, je ne vois qu’un emplacement : devant l’entrée de la maison, à quinze mètres de la fenêtre de la cuisine.

Éva approuve.

Reste le problème du nivellement. Un terrain plat ça n’existe pas. Ça n’a jamais existé et ça n’existera jamais. Sauf chez les jardiniers-maçons bien sûr. Bref, il faut sortir pelle et pioche.

Éva acquiesce.

En matière de piscine, Éva est d’accord sur tout.

Nous nous mettons au chantier. Mon géomètre étudie le sol avec moi.

- Regarde, ici c’est super droit et il n’y a même pas de fourmis.

- Tu as raison. Ici c’est à peu près droit et il n’y a que de la terre aussi dure que du béton et des cailloux. Mets une marque au sol, je vais chercher une corde pour délimiter le terrain ou pour me pendre, je vais voir.

- Tu crois qu’on pourra se baigner cet après-midi ?

- Si Dieu est disponible, c’est possible.

Je plante quatre sardines dans la terre et Éva tire la corde. Nous avons un beau rectangle de trois mètres sur quatre.

- Éva, ça fait combien trois mètres sur quatre en superficie ?

- Ça fait pas une super grande piscine, mais ça va.

- Oui, ça fait à peu près ça douze mètres carrés.

Elle rigole et se voit déjà en maillot de bain.

Depuis l’instant même où j’ai eu ce projet en tête, je savais que c’était une très mauvaise idée. Je ne suis pas déçu. Je vais au garage chercher les outils de terrassement. Ils n’en ont que le nom. La pioche est une piochinette et la pelle a mon âge. C’est parti.

La pioche rebondit sur la terre. C’est étrange comme texture. C’est à la fois dur et élastique. J’y mets un peu plus de force. Je suis récompensé, l’équivalent d’un demi-verre de terre s’expulse. Je redouble d'énergie.

Au bout d’une demi-heure, il fait déjà trop chaud. J’ai perdu plus de sueur que de terre.

Éva m’encourage et part me chercher une bouteille d’eau. Je continue. Quel con !

Il est onze heures et trois seaux de pierres et de terre. Je chantonne du Brel, le plat pays qui est le mien. C’est le sien, pas le mien.

À midi, je suis exténué et découragé. L’un ne va pas sans l’autre. Je décide d’abandonner, dans un dernier coup de pioche héroïque et rageur. C’est la seule décision sage de cette matinée.

Non seulement le terrain n’est toujours pas nivelé, mais en plus il y a des trous.

- Tu sais quoi Éva ? Il n’est pas si pentu que ça le terrain. On ne mettra pas de l’eau à ras bord et puis voilà.

Elle n’est même pas déçue et m’aide à reboucher les trous.

Je pars à la recherche des trente kilos de toile que je charge sur la brouette. Robin sort sa tête du premier étage et nous regarde perplexe. Je saute malgré tout sur l’occasion pour lui demander une aide précieuse. Il va y réfléchir devant son bol de Chocapic.

Ça nous laisse le temps de mettre une double bâche, de dérouler la toile au sol et de monter les renforts latéraux qui vont être sacrément sollicités. Robin sort dans le jardin les épaules tombantes, à croire qu’il a creusé toute la matinée. Il est d’accord pour me donner un coup de main, si c’est rapide.

- Tu vois le tuyau vert ? Tu vas tout au bout et tu verras un robinet. Tu le tournes.

Il le tourne et remonte dans sa chambre. L’eau coule, il est temps de préparer à manger.

Éva garde un œil sur l’eau. C’est sa mission. Elle m’appelle de temps à autre pour que je vienne tirer sur la toile, pour éviter les trop nombreux plis. Il faut faire ça avant qu’il n’y ait trop d’eau. Il y aura quand même des plis.

Au vu du débit, Éva semble abandonner l’idée de se baigner aujourd’hui. Elle a raison.

Dans l’après-midi, Robin accepte de m’aider à mettre en place la tuyauterie et le filtre à sable. Il traîne des pieds, mais pas suffisamment pour raboter la terre. De toute façon, il est trop tard pour ça. Nous discutons un peu, assez pour qu’il prenne le soleil. Il lui arrive même de sourire et de courir mollement après sa sœur quand celle-ci vient l’embêter.

Peut-être se baigneront-ils ensemble ? Mais pas aujourd’hui.

À vingt heures la piscine est remplie à moitié. Il y a plus de pression dans ma bière qu’au syndicat intercommunal de la distribution d'eau.

J’envoie à mon éléphant la photo d’un hippopotame avachi, flasque et bleu. À côté, pose un Pangolin la main sur une échelle. Tout ça dans un soleil couchant. Un vrai safari.

Elle appelle Éva, elle me parle aussi. Elle rentre vendredi.

- Prends les maillots de bain avant de repartir.

- Promis.

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