Chapitre 4 : 17 septembre 2008

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Avec presque trente ans à ses côtés, Dhajii comprend immédiatement ce qu’il a en tête.

— Je te préviens. Changer le passé ne transformera pas ton présent. Cela va seulement créer une nouvelle dimension. Un univers où tes actes ont modifié cette ligne temporelle. Dans dix minutes, tu reviendras dans ce monde pourri que tu as détruit.

— Sauvé, tu veux dire, répond Blaine, amusé. Ne t’en fais pas, c’est parfait !

— Bien, c’est parti. Top chrono, pourriture ! réplique le génie en claquant les doigts.

Blaine et Dhajii apparaissent aussitôt dans le salon d’une modeste maison. Elle est sombre et lugubre. Le Havre de son horrible enfance. Dans la pièce contiguë, ils voient un petit garçon aux cheveux noirs, pas plus de cinq ans, assis par terre à jouer avec des cubes. Dhajii constate une certaine émotion dans les yeux de son maître. Se retrouver face à soi-même semble particulier.

— Rends-toi invisible, s’il te plait, il ne faudrait pas traumatiser le gosse, lui quémande Blaine.

Sans même se plaindre et exiger un vœu, le génie s’exécute. Soudain, les deux Blaine entendent un bruit de fracas provenant de la cuisine. Il voit les yeux effrayés de l’enfant. Son père arrive, enivré par une douceur matinale tout juste ingurgitée. Une bouteille à la main, sa ceinture dans l’autre, l'homme déboule du couloir, tel un boiteux.

— T’es où, connasse ? Si tu ramènes pas ta gueule, c’est le p’tit qui va prendre tarif... Ah ouais, tu réponds pas ? Pas de souci. Tu y passeras après. Blaine ! Viens voir Papa, j’ai un cadeau pour toi !

Il dessoûle sur l’instant en apercevant un intrus dans son salon.

— Putain ! T’es qui toi ? Qu’est-ce que tu fous chez moi ? Dégage d’ici ou je te crève !

— Salut Papa, répond le fils d’un air sadique.

Pas une seconde pour réagir. Blaine fonce sur lui à toute vitesse, l’entrainant à travers le mur. Ils atterrissent dans la cuisine chamboulée par l’impact, à l’abri désormais du regard du petit garçon. L’homme ivre et secoué n’arrive pas à se défendre. Blaine le tient fermement au sol, ses mains autour de son cou. Impossible de riposter. Son assaillant ne bouge pas d’un millimètre. C’est comme s’il essayait de lutter contre une bête gigantesque, l’ayant pris pour proie. Il commence à suffoquer. À paniquer. Distinguant seulement le regard fou de son agresseur. Le père arrive à attraper un couteau à terre mais rien à faire, la lame pénètre et ressort du corps du démon sans effet. Les plaies se régénérant en un instant.

— Hahaha c’est le pied ! Quel plaisir de te tuer de mes propres mains, Papa ! Tu aimes ? Tu aimes cette sensation ? Oh j’ai tellement rêvé de ce moment ! On a tout notre temps ! Au moins cinq minutes, dans lesquelles tu passeras de la vie à la mort ! Hahaha !

Cette torture a duré sept minutes. Blaine maintient et relâche à intervalle régulier ses serres autour du cou de son père. Technique ironiquement héritée de celui-ci. Une terrible jouissance traverse son corps. Et quand 12h04 s’affiche sur l’horloge, le démon lui brise les cervicales sans pitié. Il rejoint le génie, laissant un cadavre dans la cuisine. Apeuré, le petit Blaine s'est recroquevillé dans un coin du salon, derrière le canapé.

— Il s’en remettra. Le pire est derrière lui maintenant. On part, Dhajii !

Les deux êtres immortels réapparaissent dans leur époque. La ville irlandaise en ruines n’a guère bougé. Pas de répercussion sur son monde, comme son génie l’avait averti !

— Alors, tes pulsions vont mieux ? Tu as pu tuer ton propre père, espèce de malade ! C’est quoi la prochaine étape ?

— J’avoue, ça fait un bien de fou ! Mais ce n’était pas l’objectif premier. Je souhaitais surtout créer une dimension où un Blaine pourrait vivre normalement, sans sang sur les mains.

Une étrange sensation traverse pour la première fois Dhajii. Une sorte de compassion pour son maître qu’il haïssait habituellement du plus profond de son âme. Il distingue enfin son côté humain. Sa capacité à avoir des sentiments et se préoccuper de quelqu’un avant sa propre personne. Même si les esprits fins diront que cela reste de l’égoïsme « Sauver son soi du passé » …

— J’aurais encore un service, s’il te plait. Avec tes pouvoirs, peux-tu juste vérifier si ça a marché ! Est-ce que mon autre moi vit paisiblement dans cet univers ?

Sans même discuter du troisième vœu, Dhajii s’exécute et disparait un court instant. « Suis-je vraiment en train de l’aider par envie ? ». Son retour est marqué d’un immense rictus sur son visage.

— Tu vas très bien ! Le monde est toujours moyen. Mais tu sembles heureux. Tu as une femme, des enfants, une belle maison. Et tu es un surtout un bon père.

Les deux êtres se sourient. Malgré toutes les atrocités commises toutes ces années, le génie voit pour la première fois une once d'humanité .

— Très bien, c’est l’heure du troisième souhait et de se dire au revoir Dhajii !

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