Chapitre 1 : Les meilleures rencontres sont faites de hasard
Enfin ! Un nouveau départ dans ma première maison. Un achat qui m'a coûté toutes mes économies mais qui en vaut la peine. Tout du moins je l'espère. Comme pour la fleuraison d'une relation naissante, les premiers jours sont exhaltants. Le temps n'a plus d'incidence sur moi. J'avale les heures sans en avoir conscience, prise entre la découverte de ce nouveau quartier et les cartons à ranger. J'espère couler des jours tranquilles ici, loin de l'insécurité de l'ancien appartement. Ce coin de la ville semble totalement différent de celui dans lequel je résidais avant. Il n'y a pas de déchets qui traînent, pas de cris s'envolant dans les airs. Les batisses sont plus joliment entretenues, l'herbe semble même plus verte. Peut-être est-ce simplement parce que je me sens plus à l'aise ici. J'ai vécu des moments difficiles dans mon ancien logement. Des évènements que je souhaiterais oublier le plus vite possible. Un peu comme un virus qui s'est insinué dans mon disque dur et dont je voudrais effacer toutes les traces. J'essaie de ne pas penser au passé. L'avenir me resèrve de beaux jours, j'en suis certaine. L'horizon paraît plus clair à présent. Je vais pouvoir tourner la page sur toutes ces mésaventures.
En longeant la rue qui mène jusqu'à mon nouveau chez moi, je ressens une certaine satisfaction. Je suis enfin propriétaire. Je me suis enfin débarrasser de cette noirceur qui me recouvrait tel un manteau trop épais. Je ne veux plus ressentir cette morosité. Et en sentant le soleil effleurer ma peau, je me dis que cette journée chaude est comme un bon présage. Je passe à côté de la grande maison qui surplombe le quartier. Elle est tellement immense qu'on ne voit qu'elle. En forme de cube, les pierres blanches et les baies vitrées qui semblent l'entourer lui donne un côté moderne unique. Je me demande quel genre de personne vit à l'intérieur. Ce n'est probablement pas n'importe qui vu la taille et l'entretien qui est donné à cette maison. La mienne paraît minuscule à côté. Quoique pour moi toute seule, elle me semble déjà suffisament grande. Qui a bien pu avoir l'idée de juxtaposer deux bâtiments si différents ? Tout cela est dénué de sens. Peu importe, j'ai pu bénéficier d'une petite maison dans un endroit paisible, avec un petit jardin en prime, pour un prix raisonnable. L'agent immobilier a dit que l'ancien propriétaire, un homme âgé de quatre-vingt-dix ans, voulait simplement signer le contrat avec une personne qui lui ferait bonne impression. Il voulait obtenir suffisament afin d'éviter à ses enfants de lui payer la maison de repos. Voilà, comment j'ai obtenu ce nouveau départ.
Je passe à côté de la grille devançant la demeure grandiose précédant la mienne tout en me demandant si je ne devrais pas me présenter à mes nouveaux voisins. Mes parents disent toujours qu'il faut toujours commencer par établir de bonnes connexions avec les gens qui nous sont proches géographiquement. Cela permet de pouvoir bénéficier d'un coup de main au besoin. Je ne suis pas vraiment d'accord avec eux. Peu importe combien j'ai été courtoise avec mes prècédents voisins, ces derniers ne m'ont jamais été du moindre secours. Ils ont fait l'autruche lorsque j'ai eu des ennuis. De toute manière, je ne peux pas me présenter les mains vides. Je devrais apporter quelque chose, par politesse. Le problème est que je n'ai aucune idée de ce que je devrais amener. Je n'ai aucune idée de l'identité du propriétaire. J'envoie donc un message à mon amie pour lui demander conseil. Elle me suggère aussitôt de réaliser une de mes pâtisseries : le coeur s'obtient par la bouche. Je lui fais remarquer que mon intention n'est pas d'épouser mon voisin mais simplement de me présenter. Il faut toujours qu'elle en fasse de trop. Néanmoins, elle a raison sur un point : je suis plutôt douée pour faire les gâteaux. Une fois rentrée, je prends à peine le temps de me déchausser pour me ruer dans la cuisine. En moins de temps qu'il ne le faut pour le dire, je sors tous les ustensils nécessaires à mon fondant au chocolat. Mon plan de travail devient rapidement un véritable champ de bataille. J'ai toujours été une véritable catastophe : éparpillant de la farine un partout, faisant couler de l'oeuf à côté du plat... Ma mère devenait rapidement folle lorsqu'elle me voyait cuisiner. Mais je me sentais tellement bien à confectionner de petites gourmandises pour les autres qu'elle finissait toujours par abandonner la partie. Elle finissait toujours par me mettre en garde : je devais tout nettoyer avant même espérer sortir de la pièce. Une fois le gâteau dans le four, je range donc tout le matériel avec soin. Tout cela me prend un peu plus d'une heure. Il est bientôt midi lorsque je prends mon courage à deux mains pour sonner à la porte voisine. Je suis un peu nerveuse à l'idée de rencontrer cette personne. À vrai dire, je suis assez timide. Il faut plusieurs minutes avant que quelqu'un ne réponde à l'interphone. La voix est plutôt séche même si on y perçoit une certaine douceur.
- C'est pourquoi ?
- Je vous ai fait un gâteau.
- Elles sont de plus en plus audacieuse, dis-donc. Je me demande comment elle a fait pour trouver notre adresse. Elle n'a pas l'air très futée pourtant.
- Pardon. Excusez-moi, monsieur mais je voulais simplement me montrer polie. Si je vous dérange à un moment peu propice, ce n'est pas une raison pour être insultant.
- Polie ?
- Je suis simplement venue me présenter, en tant que nouvelle voisine.
- Une voisine ?
Un blanc qui me paraît être une étérnité s'installe. Il pourrait se montrer plus courtois. Ce n'est pas comme-ci j'empiétais sur sa vie privée. Je devrais dire à mes parents que de nos jours ce genre de pratique n'a plus aucun sens. Si j'avais su que cet homme me réserverait un tel accueil, j'aurai gardé le gâteau pour moi. Je suis vraiment contrariée par son attitude. Il a l'impression d'être une personnalité importante pour être autant sur ses gardes ? Quoiqu'il s'agit peut-être d'un politicien célèbre ou alors un riche homme d'affaire très convoité. Je n'en ai aucune idée. L'agent immobilier ne m'a rien dit à ce propos. Et je ne m'en suis pas vraiment préoccupée. J'avais d'autres chats à fouetter, comme on dit. Je voulais déménager rapidement dans un endroit où je me sentirais à l'aise. C'était la seule requête que j'avais. Peut-être aurais-je dû faire plus attention au voisinage, finalement. Au bout d'un moment, la grille s'ouvre dans un grincement désagréable. Je suis tellement surprise que j'en fait presque tomber le plat dans lequel repose fiérement mon fondant. La voix dans l'interphone me demande d'entrer. Et bien, on peut dire qu'il est plutôt direct. J'avance dans l'allée en soupirant. Il ne pourrait pas être plus bizarre. Est-ce un schizophrène ? Je secoue la tête. Ce n'est pas le moment de laisser libre court à mon imagination. Je vais simplement me contenter de déposer le gâteau et de saluer le propriétaire avant de retourner me réfugier chez moi. Je déteste rencontrer de nouvelles personnes. Je ressens une trop grande pression. La grille se referme derrière moi. J'ai un nouveau sursaut. Pourquoi faut-il qu'il referme cette barrière, comme-ci il avait peur que je ne m'enfuis ? Un frisson me parcourt. Il s'agit peut-être bel et bien d'un malade mentale. Dans quel pétrin me suis-je encore fourrée ?
Au moment où je m'apprête à frapper la porte, celle-ci s'ouvre brusquement. Je suis tellement surprise de la scène qui s'offre à moi, que j'en ai un pas de recul. Ce n'est pas un homme mystérieux qui se tient devant moi, mais carrèment une bande entière. Ils sont sept ou peut-être huit, regroupés tels des groupies excitées de voir leur idole passer dans la rue. Je cligne des yeux à plusieurs reprises. Je ne sais pas vraiment où regarder. Il y a beaucoup trop de monde pour moi. Je me sens terriblement mal à l'aise. Une bouffée de chaleur m'envahie et ce n'est pas seulement parce qu'ils sont beaux. Je voudrais faire demi-tour, prendre mes jambes à mon cou et retourner me terrer chez moi. Ils me scrutent tous de la tête aux pieds, comme-ci j'étais un nouveau jouet en ligne. Je secoue la tête. Mon esprit ne doit pas s'emballer. J'essaie de calmer mon coeur qui voudrait lui aussi déguerpir le plus vite possible.
- Alors comme-ça, tu serais notre nouvelle voisine ?
- Vous êtes combien exactement ?
- Tu réponds toujours à une question par une autre.
- C'est juste que je m'attendais à une seule personne, un couple à la rigueur. Pas une tribu.
- Une tribu ?
Ils s'exclament tous à l'unisson. On dirait des robots programmés pour répondre d'une seule voix. Le premier, à la voix ferme et douce, semble m'analyer avec détermination. Ses larges épaules et sa grande taille lui donne un aspect assez intimidant. C'est pile, le genre de personne que je n'aimerais pas compter parmi mes ennemis. J'ai vraiment la sensation d'être face à un ours géant. Ou alors c'est moi qui le voit ainsi à cause de cette situation inconfortable dans laquelle je me trouve ? J'ai l'impression d'avoir commis une erreur sans avoir la possibilité de la réparer. Je suis face à une impasse, sans aucun moyen de revenir en arrière. Il se tient droit face à moi, comme-ci il voulait être l'image d'un mur protégeant ses camarades. Je me râcle la gorge, tentant de me donner une contenance.
- C'est juste que... Si j'avais su que vous étiez aussi nombreux, j'aurai fait un plus gros gâteau.
- Nous ne pouvons pas l'accepter.
- Pourquoi ? Vous avez peur qu'il soit empoisonné ?
- Exactement.
- C'est ridicule. Ce n'est pas comme-ci vous étiez un politicien dont la vie serait en danger. Vous n'êtes qu'un groupe de garçons qui se comportent comme des personnes précieuses. Vous entraînez à devenir des stars de la chanson ou quoi ?
- Elle est drôle, Kim., s'exclame une voix à l'arrière.
- Je ne vois pas ce qui est amusant. Enfin, bref, je vous laisse le gâteau. Mangez-le ou non, c'est votre problème.
Je pose le gâteau entre les mains du fameux Kim, et me retourne pour partir. Je suis restée bien trop en leur présence. Mon corps ne va pas supporter la pression plus longtemps. J'ai dû mal à gérer une seule personne alors sept d'un coup, c'est beaucoup trop. Ma vision commence à devenir floue, ce qui est mauvais signe. Je ne peux pas m'évanouir ici. Ces hommes sont bien trop étranges pour que je tombe inconsciente dans leur cour. Au dernier moment, je me rends compte que je ne me suis pas du tout présentée. Je finis par leur lancer mon prénom avec un signe de la main. Comme pour conclure cette rencontre surréaliste, la barrière s'ouvre dans le même bruit désagréable qu'un peu plus tôt. Une fois passée, je pousse un profond soupir. Ces garçons ont un sacré problème. Il s'agit peut-être d'un centre de détention pour esprits défaillants. Je souris à cette image. Je devrais vraiment stopper mon imagination débordante, par moment. Au moins, ce scénario, je n'y avais pas songé. Un peu de surprises dans ma vie ne fait pas de mal. Enfin, j'espère qu'il s'agit d'une bonne surprise. Je sais désormais que j'ai sept voisins. Le nombre me semble impressionnant tout d'un coup. Je ne pense toutefois pas les revoir d'aussitôt. Ils semblent discrets. En soi, cela ne me pose pas de problème mais il pourrait être un peu plus ouverts sur le voisinage. J'ai eu l'impression d'être une espionne entrée en territoire ennemi. Je me retourne furtivement pour m'assurer que je n'ai pas rêvé cette partie de l'histoire. Les sept garçons me regardent depuis le bas de leur porte. Ils ont l'air d'une bande d'enfants face à un tableau énigmatique. Ils sont bien plus mystérieux que moi, en somme. Je remonte l'allée pour rejoindre mon havre de paix. Au moins là-bas, je sais à quoi m'attendre. Plus jamais je ne suis les conseils de mes parents, je peux vous l'assurer.
Une fois chez moi, je m'écroule sur le canapé. Je suis épuisée par cette simple conversation. J'ai l'impression d'avoir travaillé deux jours de suite sans aucune pause. En voyant les cartons accumulés dans la pièce, je me sens encore plus abattue. Il me reste encore tellement de choses de faire que j'en ai les bras coupés. J'appelle ma meilleure amie, Jia, comme promis. Elle aime toujours connaître mes histoires dans les détails. Je n'ai pas besoin d'attendre bien longtemps avant qu'elle ne décroche son téléphone. On pourrait presque penser qu'elle patientait, son portable à la main, pour avoir de mes nouvelles. Je l'imagine sans trop de mal faire les cents pas en poussant des soupirs, trouvant que je suis bien trop longue à venir lui rapporter les détails de ma nouvelle aventure.
- Alors tu as rencontré ton voisin ?
- Tu parles... Ils sont sept.
- Hein ? Tu veux dire que tu habites à côté de sept bels hommes ?
- Je n'ai jamais précisé qu'ils étaient beaux.
- Donc ce sont bien tous des hommes... Ma pauvre, ton coeur ne va pas résister. Au fait, tu peux m'inviter sans problème.
- Ne parle pas trop vite, ils ont un sacré caractère.
- Encore plus intéressant. Tu ne vas pas t'ennuyer, dis-donc. Cela va peut-être t'aider dans ton travail : imagine une romance à huit.
- Tu ne t'arrêtes jamais, toi. J'ai cru que j'allais mourir là-bas.
- Ils ne t'ont pas mangé.
- Seulement parce que je me suis enfouie avant.
- Tu ne changeras jamais.
-Je suis déjà submergée avec une personne alors sept...
- Dis leur que c'est chacun son tour.
Je ne peux m'empêcher de rire. Elle sait comment me remonter le moral. Je me souviens de la première fois où je l'ai rencontré. J'ai pensé qu'il s'agissait du genre de fille qui aimait attirer l'attention en faisant beaucoup de bruit. En réalité, elle a simplement une personnalité légère, rafraîchissante. Elle aime rire et faire rire. C'est une personne généreuse et plein de bon sens. Si je n'étais pas restée ouverte d'esprit, je serais peut-être passée à côté de cette belle amitié. Les premières impressions ne sont pas toujours les bonnes. Il en va peut-être ainsi aussi pour ces garçons. Ils ont peut-être une bonne raison pour être aussi méfiants. Peut-être ont-ils trop de succès auprès des filles. Il faut dire qu'ils ne sont pas moches, même si je n'ai pas pris le temps de les observer plus que ça. J'étais bien trop occupée à essayer de survivre. Ou plutôt à rester debout. On ne devrait jamais juger sur une première approche. Je ne vais pas rester bloquée sur ce fiasco. Ce n'est pas dans mes habitudes. Je suis plutôt persevérante. C'est mon point fort. Je veux absolument que cette nouvelle page de ma vie que je suis entrain d'écrire soit meilleure que la précédente. Et bien m'entendre avec mes voisins semblent être une première étape. Je ne connais personne de ce côté-ci de la ville. En y repensant, peut-être n'aimaient-ils tout simplement pas le chocolat. J'aurai probablement dû leur demander leurs goûts avant de me lancer dans la préparation d'un gâteau en guise de cadeau d'arrivée. Non, si tel était le cas, le crime serait bien plus grave. Sérieusement, comment ne peut-on pas aimer ce goût à la fois amer et sucré ? C'est la saveur de la vie, après tout.
- Hana, tu m'écoute ?
- Désolée, j'étais partie ailleurs.
- Ailleurs ? Où ça ? Dans tes pensées ?
- Oui...
- Je te demandais si ça c'était si mal passé que cela ?
- Juste, ils m'ont pris pour une harceleuse. Ils ont même dit que mon gâteau était peut-être empoisonné.
- Tu m'étonnes. Tu as la tête de la parfaite perverse de service.
- Tu n'es pas obligée de m'insulter.
- Non mais sérieusement... Ils vont un peu fort. Tu as une tête toute mignonne.
- Enfin... J'aurai essayé. Bon, je te laisse, il faut que je finisse de ranger.
Une fois raccroché, j'allume le poste de télévision sur la chaîne musicale et laisse le son défilé. Je ne prête pas attention aux titres qui s'enchaînent. Je ne suis pas vraiment difficile en matière de musique. J'écoute un peu de tout. Le principal est que la chanson soit juste entrainante ou bien qu'elle me touche. Généralement, je ne regarde pas les clips. Je trouve que c'est une perte de temps et un frein à mon imagination. Je me dirige donc dans la cuisine pour me préparer un dîner rapide avant de me mettre au travail. Le repas sera constitué pour la grande majorité de restes pour aujourd'hui : du riz blanc, du kimchi et des morceaux d'omelette roulée. Je n'ai pas le temps de me préparer autre chose. Je finis rapidement de manger avant de me remettre au travail. J'ai l'impression de ne pas avancer. Le tas de cartons à déballer ne paraît pas se réduire. Tellement de choses se sont accumulées avec les années qui ont constitué une bonne partie de ma jeunesse. D'autant que j'ai le défaut de ne rien jeter, ou quasiement rien. Il n'y a que les affaires de mon ex que j'ai détruit bien volontiers. Cela m'a permis de me défouler. J'ai déchiqueté toutes ses photos, les habits qu'il m'avait offert ( pour le peu qu'il avait acheté, ce radin !) et mis en pièce les différents souvenirs en commun que nous avions. Parfois, je peux me montrer très violente, comme dit ma mère. Rien que de penser à lui suffit à m'énerver profondément. Je serre le poings, enfonçant mes ongles dans la peau. Puis, je secoue la tête pour me le chasser de l'esprit. Pensons à des choses plus positives. J'ai des tonnes de livres à ranger dans ma bibliothèque. Cela va me prendre une bonne partie de l'après-midi. Ensuite, il faudra que je pense à appeler l'agence pour avoir mon planning de la semaine prochaine. Je suis une femme débordée, en somme. Pas le temps de ressasser de mauvaises histoires.
J'ai vidé deux cartons remplis de bouquins, lorsque quelqu'un sonne à ma porte. Personne, à part mes parents qui habitent loin et ma meilleure amie, ne sait que j'ai emménagé ici. Lia me ferait-elle une surprise ? Je ne pense pas. Elle a beaucoup de travail en ce moment au café. Une des employées à fait faux bond à l'équipe du jour au lendemain. Du coup, elle doit assurer un double service, le temps de trouver quelqu'un d'autre. Je me lève, les jambes engourdies et ouvre la porte après un moment d'hésitation. Il n'aurait pas pu me retrouver aussi vite. Je soupire, étrangement anxieuse. Je redoute de voir mon appréhension se réaliser. Que ferais-je si c'était bien lui ? J'essayerai probablement de lui claquer la porte en pleine figure. Je lui hurlerais de toute mes forces de partir. Je tremblerais aussi, probablement. Dans tout les cas, je ne me sentirais plus jamais à l'aise ici. Je devrais probablement partir. Trouver une solution pour m'éloigner le plus possible de cet endroit. Non, la vie ne peut pas être aussi dure avec moi. Je viens à peine de reprendre pied. Elle ne va pas s'évertuer à me faire couler. Sur le palier, mon voisin est debout tout sourire. Enfin, mes voisins. Même si on a la sensation qu'ils forment une unité indissociable, je ne peux pas nier le fait qu'ils soient sept.
- Désolés pour tout à l'heure... On n'a pas été trés poli. C'est juste qu'on ne nous avez pas prévenu que le propriétaire avait changé.
- Je vois.
- Laisses- nous nous présenter, si tu le permets.
Je me pousse pour les laisser entrer. Ma maison me paraît encore plus minuscule avec eux sept à l'intérieur. Ils s'avancent dans le salon et jette un rapide coup d'oeil. Je suis gênée que ce soit autant le bazar mais je suis en plein aménagement. Ce n'est pas comme-ci c'était dans mes habitudes. Je referme la porte et les rejoins. J'ai l'impression d'avoir une belle brochette de poissons frais en face de moi. Non, je retire ce que je viens de dire. C'est tout à faire déplacer de ma part. Je me râcle la gorge pour retenir mon sérieux et attend qu'ils prennent la parole. Comme tout à l'heure, Kim, qui semble être le leader du groupe, prend la parole le premier. Il se présente comme étant le plus bavard. Ses cheveux couleur argent, placés proprement sur le côté, lui donne un côté encore plus impressionnant. Il porte une chemise à carreaux et un pantalon serré qui souligne sa taille imposante. Moi aussi, je me sens ridicule en face de lui. À côté de lui, se tient Jun qui est le plus jeune membre. Sa tenue est beaucoup plus sobre : un tee-shirt blanc, une veste jaune par-dessus et un pantalon noir. Sa silhouette est beaucoup plus fluette même si en reste pas moins agréable à regarder. C a un côté beaucoup plus jovial, sa voix fait ressortir l'effet d'une onde positive. Dés qu'il parle, je me sens plus à l'aise. Il porte un tee-shirt avec des inscriptions et un pantalon bleu clair plutôt large. Il semblerait que ce soit des vêtements de marque, même si je n'y connais pas grand chose. Tandis qu'un autre membre de la tribu tente de se présenter, l'un de ses camarades pose sa main sur mon épaule comme pour attirer mon attention. Un seul mot me vient à l'esprit en le voyant : élégance.
- Moi, c'est Park. Et comme tu le sais déjà, je te trouve très drôle. En plus de ça, tu es bonne pâtissière.
- Donc vous l'avez mangé ?
- Bien sûr, ce serait du gâchis autrement. Et puis, tu ne semblais pas si dangeureuse que ça. Laisse-moi finir les présentations avant qu'on ne finisse par mourir d'ennui. Celui avec le bob, c'est Jung Wang, la tête dure de l'équipe. La grand-mère du dortoir, c'est Nabi avec son sweet-shirt rose. C'est aussi le farce et attrape de la bande. Et enfin, nous avons Yon, l'amateur de rimes.
- Sérieusement, c'est ça ta présentation ? J'aurai pu faire mieux, affirme Jung Wang.
Je ne peux m'empêcher de sourire. En réalité, on dirait une bande de pote en colonie de vacances. Je me demande quel genre de souk ils peuvent créer dans leur villa. Ils ne sont peut-être pas si terrible comme voisins finalement. Je les regarde un par un, en tentant de mémoriser les informations qu'ils viennent de me donner. Mon regard se porte sur Yon, l'amateur de rimes. Un sentiment de danger émane de sa silhouette. Une nérvosité refoulée qui se dégage particuliérement au niveau ses mains. Son pantalon à trous est recouvert pzrpar un long tee-shirt couleur créme. Je sens qu'il me dévisage de la même manière, comme-ci il voulait s'assurer de mes intentions. Je ne sais pas pourquoi ils ont changé d'avis, mais je suis un peu rassurée dans un sens. Je ne vais pas avoir de problèmes de voisinnage, c'est déjà ça. Nous sommes loins de nous déclarer une franche amitié mais au moins nous ne sommes pas en guerre froide. Je vais pouvoir dormir sur mes deux oreilles. Après quelques secondes d'observation, je m'aperçois que je n'ai toujours rien dit.
- Hum... Moi c'est Hana. Je vais essayé de mémoriser tout cela mais je ne suis pas forte dans ce domaine. Je ne reconnaîtrais pas ma propre mère dans un bain de foule.
- Tu as des problèmes de vue ?, m'interpelle Kim.
- Non, non. Je ne suis pas physionomiste, c'est tout. Disons que je regarde sans voir.
- C'est évident. En tout cas, si tu veux bien nous excuser pour tout à l'heure, nous te souhaitons la bienvenue et te remercions pour le gâteau.
- Oui, tu peux nous en refaire quand tu veux, intervient Park. Seulement, la prochaine fois prévois-en plus.
- Je ne sais pas ce qu'on va faire de toi, le rappelle à l'ordre Chul.
Lorsqu'ils repartent, je me sens à nouveau épuisée. Comme-ci ils avaient aspiré toute mon énergie. Je sais que l'unique raison de cette sensation est mon malaise face aux inconnus, mais tout de même. Du moment où je n'ai pas trop à parler de moi, cela devrait aller. J'ai l'habitude de me battre contre cette partie de moi-même, surtout dans le travail. Ainsi, je suis soulagée de voir ma situation s'arranger même si cela m'a demandé beaucoup de self-control. Je ne me suis pas évanouie sous la pression. Je n'ai même pas bagayé. Je peux dire que je suis fière de moi. En tout cas, heureusement que je ne risque pas de les croiser trop souvent, sinon mon coeur ne le supporterait pas. Moi qui voulait un voisin ( ou une voisine, bien entendu) sympathique, je me retrouve avec une colonie de sept gamins. Je dois avoir loupé un paragraphe de ma vie pour toujours me retrouver dans ce genre de situations cocasses.
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