Du temps où les étoiles brillent, le soleil n'est pas loin
Je change de sujet de conversation en proposant de passer à table. Les garçons sont enthousiastes à l'idée de m'aider. Ils se divisent en deux groupes avec une rapidité déconcertante : Nabil, Yon et Kim viennent à la cuisine pour finir de disposer les plats tandis que Park, Chin, Jung Wan et Jun installe la table à l'extérieur. Kim goûte à chacun des plats que Nabi a concocter avec moi puis hoche la tête en disant que c'est bon. Son attitude me fait sourire. Je me rends compte que je n'ai jamais autant sourit que ces derniers jours. Les garçons semblent avoir un effet bénéfique sur moi. Je me suis même remise à écrire. Il faut dire que je me sens mieux depuis que je me suis installée ici. Même si je ne parviens pas à revoir les visages des personnes qui m'entourent, le voisinage m'aspire confiance. Il ressemble à une équipe soudée à toute épreuve. Chacun semble avoir un rôle précis, déterminé en fonction de sa personnalité. J'ai parfois la sensation d'être une pièce rajoutée à un puzzle déjà complet. Je sais qu'ils veulent être gentils avec moi, surtout depuis que je leur ai dévoilé mon secret mais je ne voudrais pas leur imposer une telle contrainte. Je pense qu'après ce soir, je vais devoir prendre mes distances avec eux. Je ne suis qu'une étrangère ayant élue domicile à côté de chez eux et ayant bousculé leurs habitudes. En les voyant ainsi, évoluer dans ma cuisine avec une telle énérgie, j'ai presque l'impression que tout ceci n'est qu'un rêve. Une chimère dont je ne parviens pas à saisir le sens. Les raisons qui me poussent à décoder les traits des visages de Chin et de Nabi me sont totalement inconnues. Bien évidemment, je voudrais percer ce mystère mais je ne peux leur infliger ma présence. Tout semble si naturel entre eux que j'ai peur d'être la mauvaise plante qui pousse entre les pavés du trottoir.
Lorsque j'apporte le dernier plat, Park est entrain de mettre en place les bougies sur la table. Il s'applique tellement à la tâche qu'il ne prête même pas attention aux autres. Il semble totalement isolé du monde, comme prisonnier d'une bulle dans laquelle il serait entré volontairement. C'est la première fois que je le vois ainsi. Habituellement, il est plutôt du genre à faire des pitreries pour attirer l'attention. Ce nouveau trait de caractère de Park le rend encore plus adorable. Tentant de réaliser un dessin au centre de la table, il se mordille légèrement les lèvres pour illustrer son sérieux. Chacun de ses gestes paraît calculé afin de prouver sa sensibilité. Je l'admire, retenant presque ma respiration pour ne pas le déranger dans son travail. Je n'ose même plus avancer, de peur du faire du bruit. Lorsqu'il a terminé de mettre en place les bougies, il relève la tête avec un grand sourire qui prend toute la place du bas de son visage. Son nez en parfaite asymétrie avec ses yeux en amandes et son front large parsemé de mèches noires lui assignent une beauté presque surnaturelle. Je sens un puissant frisson m'envahir lorsque je prends conscience que je suis capable de le voir également. Je me demande ce qui est entrain de se passer. Suis-je enfin entrain de guérir ? Pour une raison que j'ignore, son visage m'est familier. Je sais pertinement que je l'ai déjà vu quelque part, reste à savoir où. En aucune façon, je ne pourrais le confondre avec quelqu'un d'autre. Il a des traits si peu communs, qu'il est impossible de se méprandre. J'ai déjà eu cette sensation avec Nabi et Chin sans pour autant que se soit aussi fort.
La sonnerie de mon télèphone retentit, me sortant de mes rêveries. La chanson du groupe Exode vient interrompre la discussion du groupe ainsi que de mon analyse détaillée du visage de Park. Je sursaute, faisant presque tomber le plat de garniture. Heureusement, je me ressaisis juste à temps et le fait glisser sur la table. Je pousse un soupir de soulagement. En voyant l'écran de mon téléphone, je m'apperçois que l'appel provient de mon agent. Je décroche, frustrée qu'il m'appelle à cette heure de la journée. Il n'a vraiment aucune notion du temps. Comme à son habitude, sa voix est chaleureuse. Je ne peux jamais lui en vouloir à cause de cette façon qu'il a de me parler avec tendresse. Jamais il ne me parle du travail en premier. Il s'intéresse toujours à ma santé et à mes activités.
- Je trouve cela bien que tu t'entendes bien avec ton voisinage mais n'oublie pas de m'inviter aussi la prochaine fois.
- Je t'inviterais avec Jia... Mais dis-moi pourqui est-ce que tu m'appelles ?
- J'ai besoin de te voir. Mercredi, c'est possible ?
- Oui, bien entendu. On se rejoint à notre café ?
- Cela ne te feras pas trop loin ?
- Non. Non.
- Tu as quelque chose d'important à me dire ?
- Oui. J'ai plusieurs points sur lesquels je veux discuter avec toi. C'est assez important.
- Stan... Tout va bien ? Ta voix est bizarre.
- Ça va. On en reparlera demain. Profites de ta soirée.
Stan raccroche en premier. C'est la première fois qu'il fait cela. J'espère qu'il n'y a rien de grave. Enfin, j'en serais plus mercredi. Je lui envoie tout de même un message pour lui dire de se reposer et de prendre des cachets s'il est malade, avant de retourner voir mes invités. Park a dessiner une belle étoile avec les bougies, ce qui suscite les exclamations de ses camarades. Je fois dire que cela ajoute du charme à la table que les garçons ont préparé. Je me sens extrêmement chanceuse de les avoir comme voisins. Depuis l'incident avec mon ex, j'ai dû mal à me sentir en sécurité. Peu importe où je me trouve et avec qui je suis, je ne suis jamais totalement sereine. Mais avec eux, c'est tout l'inverse. Sans que je ne sache pourquoi, j'ai la sensation de pouvoir être confiante maintenant qu'ils sont là. Comment de simples inconnus peuvent nous faire sentir si différent tout d'un coup ? Ont-ils un pouvoir dont j'ignore l'étendu et la provenance. Je ne pensais plus guérir et me voilà entrain d'espérer à nouveau. Je suis tiraillée entre mon envie de les laisser tranquille et celle de voir dans quelles mesures je serais à nouveau capable de voir des visages. Si tout ceci a réellement avoir les garçons ou si ce n'est qu'une coïncidence. Peut-être vais-je aussi revoir le visage de Stan mercredi ? Dans ce cas, cela voudrait dire que je vais enfin pouvoir retrouver une vie normale. J'ai seulement peur d'être déçue si tout cela n'est qu'un faux espoir. La seule chose dont je suis certaine c'est que je vois les visages de Chin, de Niba et maintenant de Park.
La soirée se passe vraiment bien. Je suis contente même si j'étais un peu nerveuse. Je ne suis pas très à l'aise avec les gens que je ne connais pas bien. C'est la raison pour laquelle je n'ai jamais fait de dédicaces et que j'évite de dévoiler ma véritable identité. J'ai peur de ne pas pouvoir me confronter à des inconnus. Pourtant cela me semble si facile avec eux. Ma timidité a toujours été un grand problème. Je n'étais pas comme ça lorsque j'étais plus jeune. J'étais à l'inverse très sociable. J'aimais accueillir de nouveaux amis, faire de nouvelles connaissances. Je ne sais plus à quel moment tout ceci est devenu difficile pour moi. À partir de quand exactement les autres sont devenus aussi intimidant ?
Après avoir joué un moment, mes voisins s'en vont. Ils semblent également avoir passé un moment. Je suis contente que tout se soit déroulée de cette façon. Même Kim qui semblait distant avec moi semble se sentir plus à l'aise. Je ne vois pas en quoi je pourrais représenter un danger pour eux. Ce serait plutôt l'inverse. C'est la première fois que j'invite autant de monde chez moi. En tout cas, ils sont très serviables. Ils ne sont pas partis avant d'avoir débarassé la table. Yon et Park ont même fait la vaisselle. Je leur avait dit que ce n'était pas nécessaire mais ils ont incisté. Une fois seule, je m'affale sur le canapé. Avoir autant de personnes à mes côtés m'a épuisé. J'envoie un message à Jia pour lui dire que je me suis rapprochée de mes voisins et qu'ils sont même venus chez moi. Je lui demande finalement si je peux l'appeler. J'aimerai discuter avec elle du fait que je peux voir leur visage. Il n'y a que Jia qui connaisse mon secret. Enfin, plus maintenant. Je ne sais toujours pas pourquoi je le leur ai dit.
- Allô, ma belle. Alors comme ça tu as invité tes voisins à dîner ?
- À vrai dire... Ils se sont plutôt invités.
- Dis-moi, ils sont combien ?
- Sept.
- Tu as sept garçons pour toi toute seule. Tu n'aurais pas pu penser à m'inviter ?
- J'avais peur qu'ils soient mal à l'aise... Ils semblent assez inquiet face à de nouvelles têtes et comme je peux les comprendre...
- Tout s'est bien passé ?
- Oui... Il faut que je te parles de quelque chose. Mais je te demande de ne pas t'emballer.
- Quoi ? Tu as embrassé l'un d'entre eux ?
- Je t'ai dit de ne pas te faire de film... En plus, je ne les connais pas vraiment.
- C'est vrai... Tu es plutôt du genre prudente.
- C'est juste que j'arrive à voir leur visage. Enfin, à trois d'entre eux.
- Sérieux ? Pourquoi ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Je ne sais pas... C'est assez étrange vu que je ne les connais pas. Je me demande si je devrais continuer à les voir ou si je devrais les laisser tranquille.
- Si ils peuvent te permettre de guérir, tu devrais les suivre à la trace. Tu dois reprendre une vie normale, cela fait deux ans déjà.
- N'exagére pas... Je ne veux pas les mettre dans une situation embarassante. Ni même leur imposer ma présence.
- Hanna. Tu ne sais pas la chance qu'ils ont d'avoir une voisine comme toi ?
- Hum... Ce serait plutôt moi qui suis chanceuse. Ils sont vraiment gentils. Même si au début, j'avais l'impression d'être un parasite... Au fait, tu as eu Stan récemment ?
- Stan ? Pourquoi ?
- Il veut me parler et il avait une drôle de voix.
- Tu verras avec lui... Bon je dois y aller. Bonne nuit.
Décidément tout le monde semble me raccrocher au nez ce soir. Pourquoi ai-je l'impression que quelque chose dont j'ignore l'aboutissant est entrain de se produire ? Aprés avoir pris une douche, je m'effondre sur le lit. Je suis à bout de force. Beaucoup de choses se sont passées depuis que j'ai emmenagé ici. Si le fait d'avoir repris l'écriture est une bonne chose, les heures que je passe devant l'écran semblent avoir un impact sur mon sommeil. Le manque d'hibernation commence à se faire sentir. Mon cerveau a besoin d'une bonne dizaine d'heures de pause. Le problème est que je n'arrête pas à réfléchir au fait que je puisse savoir à quoi ressemble les trois membres du groupe qui habite à côté de chez moi. Qui sont-ils ? Pourquoi ai-je cette sensation de déjà-vu ? Suis-je entrain de dérailler totalement ? Ou alors je suis plongée dans un rêve profond duquel je ne parviens pas à sortir. C'est aussi pausible que de me dire que j'ai un lien particulier avec mes voisins. Je ne les connais que depuis quelques jours. Le temps me paraît passer à une vitesse folle. J'ai l'impression d'avoir emménager hier. En fermant les yeux, je revois les traits de Chin suivis de ceux de ses deux alcolytes. Est-ce qu'il y a réellement une signification dans le fait que j'ai découvert Chin en premier ? J'ai beau réfléchir n'a de sens. Je suis simplement entrain de retrouver mes facultés naturelles progressivement. Le fait que j'ai vu Chin en premier doit-être un simple hasard. Une pure coïncidence. Il n'y a rien d'autre que je puisse trouver raisonnable pour l'instant. Je vais rester sur cette hypothèse pour le moment. Et je vais essayer de voir d'autres personnes afin de savoir si tout ceci n'a aucun lien avec eux. Tout ceci n'est sans doute qu'un enchevêtrement de coïncidences.
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