Tu es cette fleur qui résiste à l'hiver

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Lorsque nous arrivons à la maison, je lui propose un thé glacé. C'est la première fois que je vois San s'installer chez moi d'une façon aussi intrusive. Habituellement, il est hésitant. Mais aujourd'hui il s'assoit sur le canapé sans demander et me regarde préparer la boisson. Il ne dit rien ce qui est encore plus perturbant. J'aurai envie de sortir n'importe quelle annerie pour rompre cette ambiance lourde. Malheureusement, je n'ai aucune idée de ce qui pourrait le détendre. Depuis notre converstation au café, je le trouve étrange. Il a toujours été attentionné à mon propos mais jamais de cette façon éxagérée. Alors que je m'assois à mon tour, je remarque qu'il n'a pas bougé d'un pouce. Il est resté tout ce temps à me scruter comme si il avait peur que je prenne la fuite. C'est encore plus perturbant qu'au restaurant. Il prend sa tasse, boit une gorgée avant de la reposer sur la table basse.

- J'envisage de rester ici quelques jours.

- Pardon ?

- Je veux m'assurer que tout va bien maintenant. Que tu ne cours aucun danger. Que tu prennes bien soin de ta santé. Et que cet abruti reste loin de toi. Comment tu peux m'assurer qu'il n'est pas dans les barages si tu ne vois même pas les visages ?

- J'ai mes astuces pour reconnaître les personnes que je croise réguliérement... Et son masque m'apparaît différement. C'est compliqué à expliquer mais je sais que je saurais si je l'avais croisé dans les parages.

- Ce n'est pas suffisant. Et puis, je ne sais pas si je peux faire confiance à ce voisin qui vient seul chez une jeune femme.

- Je suis capable de me débrouiller toute seule. Je t'assure, tout va bien.

- Comment peux-tu dire ça ?

- Est-ce qu'on pourrait parler d'autre chose ? Du travail, par exemple ?

- Bien mais je reste ici cette nuit.

- Que penserait ton amie ? Et un homme tout seul chez moi pour la nuit...

- C'est non négociable. Pour en venir au travail, j'ai quelque chose d'assez atypique à t'annoncer. Est-ce que tu connais le groupe Run ?

- Oui, bien sûr. Qui ne les connaît pas ? À part toi, bien entendu.

- Je les connais de nom. Enfin, bref. Ils sont au coeur d'une tourmente assez particuliére qui pourrait mettre un frein à leur carrière voire dissoudre totalement le groupe.

- Ce serait dommage... Mais je ne vois pas le rapport avec moi ?

- Les textes de leurs chansons ne seraient plus assez percutants, assez authentiques. Et leur agence à fait appel à la nôtre pour proposer quelque chose de nouveau : un partenariat entre les chanteurs et un auteur.

- Cela n'a rien avoir entre écrire une histoire et une chanson.

- En y regardant de plus près, une chanson est un peu une histoire personnelle que l'on raconte en un texte court sur lequel on superpose une rythmique.

- Vous voulez que j'écrive des chansons ? Je ne parviens même plus à écrire un conte.

- Ce ne serait pas vraiment ça... Tu serais plutôt une correctrice, une aide. Ils ont besoin d'inspiration également.

- Je n'en ai même pas pour moi.

- Laisse-moi finir. Et tu devras écrire leur histoire d'une manière romancée. Ce sera vendu en plus de leur album.

- Pourquoi moi ?

- Apparement, les membres du groupe t'ont expressement demandé.

- Hein ?

- J'ai été aussi surpris que toi. C'est pour cela que je suis méfiant à ce propos.

- Donc... Tu me dis de refuser l'offre.

- C'est assez singulier comme requête. Et ils ne veulent le faire qu'avec Eunnabi. Mes supérieurs risquent de péter un plomb si tu refuses mais je ne vais pas te conseiller de le faire. Cela voudrait dire mettre en lumière ton idée et bien plus...

- Je vois... Laisses-moi le temps de réfléchir.

Je bois une gorgée de mon thé, soucieuse. Depuis que j'ai emménager ici, ma vie prend une tournure étonnante. Jamais je n'aurai pensé que ma vie prendrait cette direction lorsque j'ai acheté cette maison. Je voulais mener une existance tranquille et je suis perpétuellement embarquée dans de drôles d'aventures. Je me demande pourquoi les membres du groupe m'ont expressement demandé. Cela n'a aucun sens. J'ai la sensation d'être au coeur d'un typhon trop épais pour que je n'en discerne les contours. Le silence s'installe à nouveau. Je suis très nerveuse à l'idée d'avoir San à côté de moi. Son téléphone interrompt à nouveau le mutisme dans lequel nous sommes plongés tout les deux. Je vois qu'il s'agit de sa petite amie. Il décroche sans hésiter et se lève pour sortir. Je ne sais pas pourquoi il fait ça chaque fois qu'il est en conversation avec elle. En tout, je n'ai dû la voir que trois fois dans ma vie. Lors de la soirée où il me l'a présenté, une deuxième fois par pur hasard dans un magasin et une fois où elle est rentrée plus tôt que prévue. Je ne sais pas pourquoi c'est aussi compliqué pour mon ami de me laisser discuter avec elle. Á travers la petite baie vitrée qui donne sur ma terrasse, je le vois faire des allers-retours. Je savais bien que cela aller créer des problèmes quand il m'a dit qu'il allait dormir ici. Je n'aime pas lui créer des difficultés dans sa relation. La conversation semble partie pour durée un bon moment. Je m'installe donc au fond du canapé et prend mon ordinateur sur les genoux. Je vais surfer sur Internet le temps qu'ils se mettent d'accord. Je ressens le besoin d'aller à la pêche aux informations sur le fameux groupe de musique qui m'a sollicité. Je tombe sur des commentaires à propos de leurs dernières chansons. Si la plupart disent que leur musique est comme une boisson énergissante, de nombreux reflétent les propos de San. D'après les fans, leurs chansons seraient de plus en plus éloignées de leur personnalité. Je trouve que les gens sont particulièrement durs envers leurs idoles. Si c'était si facile que cela d'écrire une chanson, tout le monde en serait capable. Je me retrouve redirgé vers le compte du chanteur Ping qui a publié un message pour annoncer qu'ils prenaient le temps de travailler davantage pour leur prochain album. Qu'ils avaient besoin d'une pause pour mieux se retrouver. Les réponses sont nombreuses. Bien trop importantes pour que je prenne le temps de les lire. Certains s'alarment en annonçant la fin du groupe. En même temps, ils en seraient un peu responsables. Le mot laissé par l'artiste date de plusieurs jours. Je devrais aller voir plus souvent les réseaux sociaux, se sont des mines d'information. On apprend même des choses que l'on ne veut pas savoir. Je remonte un peu dans la page pour voir si d'autres indices ont été laissés. Je suis choquée à la vue de la dernière publication.

" Connaissez-vous ce conte ? : Devant cette explosion de couleurs, il n'y en a qu'une qui retint son attention : le rose. Il su dés lors qu'elle deviendrait sa couleur préféré parmi tant d'autres. Lui qui n'avait jamais vu que le gris, fut subjugué devant ce rose.Non pas parce qu'elle était la première à lui être parvenue mais à cause de celle qui la portait. "

Je ne peux m'empêcher de sourire. C'est l'un des premiers contes que j'ai écrit, lorsque je l'étais à l'université. Ce n'est pas forcément l'un des plus connus mais je dois avouer que le fait qu'il soit cité par quelqu'un d'aussi reconnu me fait sentir importante. Je rougis instantanément devant le commentaire laissé par Ping. Surtout qu'il ajoute ensuite que lorsqu'il ne va pas bien, il aime retourner en enfance. C'est aussi la raison pour laquelle j'écris des contes : pour retourner à cette période où tout paraissait facile et accessible. Je laisse un message à son attention en signant de mon nom de plume. C'est la première fois que j'écris sur ce réseau qui sert à communiquer avec des personnalités. Habituellement, je préfère lire les derniers informations en direct. San m'a souvent reproché de ne pas me servir de ce moyen de communication pour entretenir ma relation avec mes lecteurs. Il n'a toujours pas compris que j'écris avant tout pour le plaisir. Même si le fait de gagner ma vie avec mes textes est gratifiant, je ne suis pas faite pour la vie sous les projecteurs. Je suis bien trop timide et maladroite pour cela. J'ai toujours peur de dire quelque chose qui ne va pas. En continuant mes investigations, je tombe sur un message d'une autre personnalité du groupe. J'essaie de me mémoriser les membres mais tout ce qui me vient est une image floue, perdue dans l'abîme de mon incapacité à reconnaître les visages. Je sais qu'ils sont sept, comme mes voisins. Et dans mes souvenirs, ils semblent plutôt beaux. Le problème quand on perd la faculté de voir les visages, c'est que l'on oublie ceux que l'on connaissait avec le temps. J'essaie de ne pas me focaliser là-dessus mais par moment c'est difficile. Surtout lorsque l'on veut se rapprocher de certaines personnes. Je me demande si je serais capable de reconnaître mes voisins sur une photo. En tout cas, pour les membres de ce groupe mes souvenirs sont assez vagues. Je reconnaitrais leur chanson parmi des centaines d'autres mais je serais incapable de les distinguer si je les croisais dans la rue.

Joy, le deuxième membre du groupe, semble inquiéter la fandom. Il a posté un message plutôt émouvant, il y a une semaine puis plus rien. Il s'excuser de ne pas arriver à donner à sa communauté tout ce qu'elle mérite malgré le travail fourni. Je suis touchée par le mot qu'il a laissé. J'ai envie de lui répondre, même s'il y a peu de chance que j'ai des nouvelles de lui. Je ne sais pas pourquoi je suis tellement préoccupée par leur situation. Peut-être parce que j'ai été dans la même, il n'y a pas si longtemps : incapable d'avoir une bonne idée, d'aligner des mots pour former une phrase. Une période à vide qui nous rempli de doutes et durant laquelle on se sent incapable et illégitime. En tant qu'autrice plutôt populaire, les gens attendent tout de même quelque chose de moi. Et le fait de ne pouvoir leur offrir ce qu'ils attendent, même si j'essayais de rester détâchée de tout cela, me frustrais d'autant plus. Je n'ai pas vraiment donné de nouvelles à quique ce soit durant ces deux années parce que je me sentais stupide pour tout un tas de raisons. Je remettais en question mon parcours et mon avenir. Je ne me sentais légitime par rapport à cette chance que j'avais eu d'avoir vécu cette ascenssion en tant qu'écrivain. Dans un sens, je peux comprendre ce qu'ils ressentent c'est pour cela que je me sens aussi désolée pour eux.

" En amour, il y a des hauts et des bas. Le fait d'avoir cette période de doutes montrent à quel point vous aimez ce que vous faites. J'en suis passée par là aussi. Gardez la tête haute cela vous rendra plus fort- Eunnabi"

J'espère que cela pourra les aider si je ne peux accepter leur partenariat. Ce n'est pas tant le fait qu'ils m'aient demandé expressement et que San trouve cela étrange qui m'empêche de travailler eux. C'est plutôt de devoir affronter ce que je redoute le plus : le public. Je ne me sens pas à l'aise avec des inconnus et cela s'est aggravé avec mon handicap. Le fait de ne pas voir sur leur visage leurs expressions me rend encore plus nerveuse. Je ne suis pas certaine de pouvoir affronter ce genre de situation en l'état actuel des choses. En même temps, si je sais que c'est la meilleure solution pour moi, je me sens désolée pour le groupe. Ils semblaient vraiment tenir à ce projet puisqu'ils en ont fait la demande personnellement. Je quitte le réseau pour aller consulté ma boîte mail. Cela fait un moment également que je n'y suis pas allée. Généralement, je laisse mon agent faire le tri parce que je n'ai pas la patience de lire tous les messages que m'envoient la maison d'édition. Je regarde les échanges avec mon ami. Visiblement, le fait qu'il est dit que la proposition du groupe soit une mauvaise idée n'a pas plu à l'éditeur. Ce dernier lui demande de tout faire pour me convaincre, que la maison d'édition a besoin de cette publicité pour se développer... La baratin habituel quoi. Par moment, j'ai l'impression d'être une vulgaire marchandise disposée sur une étagère d'un magasin afin de faire accroître les ventes des autres produits. En lisant le contenu, j'apprends que le débat entre mon agent et la maison d'édition dure depuis un moment déjà. Je regarde la date du premier message et il se trouve qu'elle correspond pile-poil au moment où je suis arrivée dans cette maison. San a mis un moment avant de me parler de ce projet. Je me demande pourquoi il a autant hésité. Ce n'est pas dans son habitude. Tout comme de me dire de refuser une telle opportunité. Je me demande pour quelles raisons exactement, il me freine cette fois-ci. Décidément, il est de plus en plus mystérieux. Il ne savait pas encore pour mes problèmes il y a quelques heures, alors pour quelle autre raison me déconseille-t-il de travailler avec ce groupe ?

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