La page tournée, il suffit d'y écrire son histoire

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La réunion des anciens élèves s'est bien passée. Comme à son habitude, Kim est calme et intelligible. Les étudiants buvaient chacune de ses paroles. Un des jeunes, à l'allure plutôt singulière, nous a interpellé brusquement avant la fin de l'échange. Je ne sais comment il a su que j'étais l'écrivain l'identité cachée. Peut-être était-il présent lors de ma lecture à voix haute ? En tout cas, il nous a mis dans une situation délicate. On a dû révéler un certain nombre de choses sans y être préparé. Heureusement, comme toujours, le leader a pris les choses en main. Bien évidemment, j'ai conscience que je suis totalement dévoilée. Les jeunes avaient tous leur téléphone vu que l'un des membres du groupe Run était présent.

Sur le chemin du retour, j'envoie un message à Nabi. Je m'en veux de l'avoir ignoré durant ces quelques jours. J'ai toujours peur de perdre cette complicité naturelle que j'ai avec lui. Je m'excuse sans savoir quoi ajouter de plus. Bizarrement je me sens timide quand il est question de cet homme unique. Étonnement, il me répond quasiment instantanément. Je ressens une émotion particulière en voyant cette rapidité.

- Tu vas bien ? Je suppose que cela a dû être dur pour toi. Je parle bien évidemment du fait de ne pas avoir vu mon magnifique visage pendant aussi longtemps.

- Je vais mieux maintenant que je sais que je vais bientôt le revoir.

- Vraiment ? Comment tu le sais ?

- Kim me l'a dit. J'ai dû me retenir à ne pas sauter de joie.

- Ah tu parles de la vidéo... Je ne pensais pas à ça. Mais bon tant pis, j'ai pensé pendant une fraction de seconde qu'on était connecté.

- Hein ?

- Si je te le dis, tu risques de rougir de plaisir.

- Rien que ça ?

- Oui. Je t'attends devant chez toi avec de quoi manger.

- Effectivement je suis en passe de me transformer en tomate.

- Non il faut que tu gardes tes mains et ta bouche pour goûter mon essai culinaire.

- Je suis ton testeur, c'est tout ? C'est bon, je suis redevenue toute pâle.

Je termine à peine mon message que le bus arrive à mon arrêt. Kim avait une réunion avec son agent et j'ai refusé qu'il fasse un détour pour me ramener. Je m'aperçois que je fais de moins en moins attention aux masques blancs. Mon esprit est occupé ailleurs, ainsi je me sens moins inquiète. Probablement que la présence de mes voisins y est pour quelque chose. Je descend en faisant attention à ne bousculer personne. À cette heure-ci, il y a foule. Une fois dehors, je reçois la réponse de Nabi. II me dit que je devrais être honorée de ce privilège en ajoutant de me dépêcher sinon son plat sera froid. Tout en marchant, je réalise que ce sera la première fois que je me retrouverai seule avec lui. Je me sens nerveuse tout d'un coup.

En remontant l'allée, je découvre mon voisin attendant avec nonchalance sur les marches de mon entrée. Vêtu d'un large tee-shirts rose et d'un pantalon noir, il a le regard fixé sur son téléphone. J'en profite pour l'admirer de loin. Cette scène ordinaire me donne l'impression d'un tableau unique. Je mémorise chaque détail avec l'intention de le dessiner. Durant mon accalmie de trois jours, j'ai déjà représenté Jin, Park et Chin. Bien évidemment, je ne leur ai pas encore montrer mon ébauche. Je me pose à quelques mètres de la maison, en haut de la côte, pour le prendre en photo. Même si je suis certaine de me souvenir de ce moment pour longtemps, je préfère prendre des mesures de sécurité. Alors que j'appuie sur le bouton, il relève la tête avec son éternel sourire décontracté. Je me sens pris en flagrant délit. Nabi se lève lentement pour venir à ma rencontre.

- Tu comptes la regarder chaque soir avant de te coucher ?

- Tu ne t'arrête jamais...

- Prends-moi de plus prêt pour admirer les détails.

Nabi prend mon téléphone des mains et se place à côté de moi pour prendre un selfie. Ensuite il s'envoie le cliché sur son portable. Je me sens encore plus intimidée. Il fait toutes ces choses tellement naturellement que j'en suis déconcertée. Je me demande si lui aussi ressens cette connexion. Après être rentrée, j'installe la table pour deux tout en lui proposant de me raconter ces derniers jours. La conversation revient naturellement sur l'incident avec Stan. Je réalise que je parle ouvertement de mes sentiments avec l'homme qui est assis devant moi. Je n'ai pas envie de lui cacher les choses. Je n'ai pas envie de me cacher. Tout comme je désire tout connaître de lui. Je lui pose tout un tas de questions sur ses goûts, ses habitudes, sa famille. Cela le fait beaucoup rire apparemment. Il finit par me faire remarquer que je le questionne encore plus que mes parents, ce qui me fait rougir instantanément.

Au moment de débarrasser, quelqu'un frappe à la porte. Je me surprend à ressentir une certaine contrariété. Ce moment privilégié avec mon voisin me plaisait bien plus que je ne pouvais l'imaginer. Même si au début j'étais nerveuse, tout me paraît naturel avec lui. Je suppose qu'il s'agit des autres membres du groupe. Ils veulent probablement prendre des nouvelles ou alors ils s'inquiètent de ne pas voir leur ami revenir. C'est assez rare de les voir séparer même si Nabi m'a confié que certains d'entre eux sont partis voir leur famille. Je vais donc ouvrir la porte sans grande crainte. Je m'apprête à leur faire la remarque que leur intérêt pour le membre le plus âgé du groupe pourrait s'assimilerd'assimiler à de la jalousie mais m'arrête net en voyant qu'il ne s'agit pas d'eux. Je suis prise au dépourvue. Jia avec sa tenue décontractée mais chic se tient devant moi tout sourire. Elle me pousse gentiementgentiment sur le côté pour entrer, visiblement préssée de visiter ma maison. Je n'ai pas le temps de lui dire qu'il y a déjà quelqu'un dans mon salon. Elle s'exclame en disant que la piéce est à mon image : mignonne et débordante d'imagination. Si je n'étais pas aussi perplexe par la disparition de Nabi, j'aurai probablement rit à sa remarque. Alors que je m'apprête à partir à sa recherche, mon voisin sort de la salle de bain sans tee-shirt. Je pousse un cri de surprise tandis que mon amie est prête à lui sauter au cou.

- Tu m'étonnes que tu n'as toujours pas fait ta pendaison de crémaillère, tu étais bien trop occupée à ce que je vois petite cachotière! Il est totalement canon, j'approuve à trois cent pour cent.

-Hein ?

-Rien que ça ?, interroge Nabi. Je ne te trouve pas généreuse. Je pense que c'est l'effet de surprise qui fais que tu me sous-évalues.

-Ah. Mais attends, on dirait...

-Nabi du groupe Run, enchanté.

-Enchantée... Attends Hana, tu ne m'as dit que tu sortais avec un des gars les plus prisé du pays.

- Calme-toi, Jia. C'est mon voisin et... Je ne sais pas ce qu'il fait torse nu dans mon salon ?

- Ah, j'avais une tâche et je croyais que c'était les gars.

-Les gars ? Parce qu'ils viennent tous chez toi ?

-Oui... Enfin, tu sais on doit travailler ensemble sur le projet...

- Ah oui, oui. Donc ce que tu m'as dit la dernière fois, c'est vrai ? Tu vois leur visage ? Ce n'était pas pour écrire un conte ?

- Ah... Non, je vois bien leur visage... Nabi, tu pourrais remettre quelque chose sur ton dos ?

-Pourquoi, tu es trop éblouies ?

-Disons que si tu ne veux pas te faire dévorer par ma meilleure amie, tu devrais te couvrir.

-Tu l'as laisserait faire ? Je suis tellement déçu, moi qui croyais que tu connaissais ma valeur.

-C'est juste que je n'ai pas envie de devoir la tuer pour te protéger.

Un silence parfait s'installe. Je réalise le poids de mes mots. Timidement, je lève le nez vers Nabi qui rougit pour la première fois depuis que je le connais. Mon coeur fait un bond bien trop haut pour que je puisse le rattraper. Pourquoi faut-il qu'il soit aussi charmant ? Alors qu'il quitte la pièce pour retourner chez lui enfiler une autre tenue, Jia me pince en riant. Elle me demande si je ne suis pas entrain de perdre la tête. Je me pose la même question. Je dois être folle pour me rapprocher autant de lui. Je vais probablement brûler les derniers morceaux de mes ailes. Comme-ci il pouvait éprouver quelque chose de similaire pour moi. D'ailleurs, qu'est-ce-que je ressens au juste ? Jia coupe le fil de mes pensées en parlant de Stan. Elle gâche un peu l'ambiance mais je ne peux pas lui en vouloir. Apparemment mon agent l'a appelé pour lui demander d'intervenir en médiatrice. Je lui réponds que je me sens trahie pour plusieurs raisons avant de revenir sur le fait qu'il avait découvert mes sentiments.

-En même temps, tu es un véritable livre ouvert. Un livre avec plein de secrets mais en ce qui concerne les sentiments, tu es incapable de simuler. Tu ne peux pas lui en vouloir... Même s'il a été lâche, je dois l'avouer.

- Comment ça ? Je suis si évidente que ça ? Même moi, je ne sais pas toujours ce que je ressens.

-Il n'y a que toi pour ne pas le voir. Tu es plus pétillante quand tu es amoureuse et tu es prête à surmonter tous les défis. Tu as même finit l'écriture de ton livre en un temps record à l'époque pour que Stan n'est pas d'ennuis...

-Tu exagères.

-Si tu le dis... Enfin, je me demande ce qui te pousse aujourd'hui à surmonter ta phobie en dévoilant ton identité au public...

- Je leur dois au moins ça. Ils m'ont énormément aidé depuis que je suis arrivée ici.

-Tu parles du beau mec qui était dans ton salon à moitié nu ?

- De l'ensemble du groupe. Mais oui, Nabi m'a remonté le moral plus d'une fois.

-Et il a cuisiné pour toi...

-Comment tu sais ça ?

- Tes parents m'ont dit que ton charmant voisin avait pris soin de toi. J'aimerais bien qu'il vienne me préparer mes repas aussi et il n'a pas besoin de porter quoique ce soit.

- N'importe quoi !

- C'est comme-ci tu venais de me dire : pas touche, il est à moi.

Jia explose de rire. Elle est incroyable. Il faut toujours qu'elle tire des conclusions attives. Nabi n'est pas un morceau de viande que l'on peut dévorer des yeux quand bon nous semble. Même si je dois avouer que je suis la première à regarder. Seulement, j'essaie de le faire de manière décente. Pas comme ma meilleure amie qui le dévisageait de façon entendue. Je respecte énormément mes voisins. J'ai beau essayer de lui expliquer, elle ne fait que répéter que c'est autre chose pour Nabi. Je ne comprends pas ce qu'elle veut dire avec ses grands discours sur ses talents d'observatrice. Même si elle est agaçante avec son air de tout savoir sur moi, sa présence me fait un bien fou. Le reste de l'après-midi passe à une vitesse impressionnante. Ce soir, pour la première fois, je pense pouvoir tirer un trait sur mon passé. Sur ces deux dernières années. C'est comme-ci j'avais erré tout ce temps avant de me retrouver sur la route de ces personnes extraordinaires. Pour moi, elles sont bien plus que des artistes. Elles ont cette capacité d'empathie que je trouve impressionnante. Même moi, je n'ai pas été aussi tolérante vis-à-vis de mon propre vécu. En discutant du repas de ce soir, je me rends compte que Nabi n'est pas revenu. Je me demande ce qu'il fait. Peut-être a-t-il été gêné par le regard insistant de mon amie. J'ai supposé qu'il était habitué mais c'est probablement un tort de ma part. Cela doit être parfois pénible de se sentir constamment jugé. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je n'ai jamais souhaité être exposée jusqu'ici. La seule raison pour laquelle je le fais aujourd'hui c'est parce que je veux les aider à mon tour. Même si au final, j'ai toujours la sensation de recevoir sans rien donner en ce qui les concerne. J'espère pouvoir équilibrer notre relation un jour.

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