Il faut se détâcher de ce qui nous fait souffrir

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 Je suis nerveuse. La sortie de mon conte est prévue pour aujourd'hui. Je n'ai pas revue Stan depuis l'incident. Sa dernière phrase m'a tourmenté ces derniers jours. Je ne comprends toujours pas pourquoi il pense qu'il y a quelque chose entre Kim et moi. Il n'est pourtant pas du genre à faire confiance à la presse. Peut-être est-ce parce que j'ai été trop dure avec lui. Il est vrai qu'il a mis Suk sur mon chemin mais je ne pense pas qu'il est été au courant de sa personnalité. Souvent, on croit bien connaître les gens et on se réveille face à un étranger. Moi-même, j'ai cru que Suk était quelqu'un de bien. La preuve, j'ai réussi à ressentir de l'affection pour lui. Je ne saurai dire si c'était de l'amour à proprement parler. En tout cas, toute cette histoire ne cesse de me pousser à me remettre en question. Je me demande sans arrêt si j'ai déjà été réellement heureuse. Ou plutôt si j'ai déjà fait quelque chose pour créer mon propre bonheur. Je me suis toujours attendue à ce que cela vienne de l'extérieur sans jamais m'impliquer vraiment. Dorénavent, je sais que je dois être le propre maître de mon bonheur. Je vais tout mettre en oeuvre pour me sentir bien. L'écriture ne doit pas être la seule chose qui me satisfait dans la vie. Je dois trouver d'autres choses pour construire mon contentement. En voyant mon oeuvre exposée sur les devantures des librairies, je ressens cette allégresse. Un mélange de satisfaction et de fierté. Comme-ci, à ma manière, j'avais contribué à l'histoire de l'humanité. Une simple goutte d'eau dans l'océan. Mais une larme qui pour moi à toute son importance. Je reste quelques instants à admirer le rendu final de mon travail. La couverture est colorée, lumineuse. Dessus, sept petits personnages ressemblant à des lutins entourent une jeune fille toute blanche. Derrière elle, une ombre noire à l'allure monstrueuse semble vouloir l'aggriper.

 Je n'entends par mon agent arriver. Plongée dans mes pensées, je sursaute en sentant sa main se poser avec hésitation sur mon épaule. Ma voix est un peu plus dure que prévue lorsque je le salue. Je sens bien à sa façon de retirer son emprise sur moi précipitemment qu'il ne vit pas bien la situation. J'essaie de faire attraction de tout ce qui s'est passé ces derniers temps mais chaque fois que je le revois, je repense à Suk. À tout ce qu'il m'a fait subir par pur égocentrisme. Je m'excuse sincèrement pour mon comportement. Je dois me reprendre. Stan n'est pas responsable de tout ce qui s'est passé dans ma vie. La seule chose c'est que je me sens trahie. Trahie et embarrassée de savoir que mon meilleur ami était au courant de mes sentiments pour lui. Avec précaution, Stan me propose d'avancer à l'intérieur du magasin pour rencontrer les lecteurs. Cela constitue ma deuxième expérience avec le public. J'ai tout autant d'appréhension que lors du premier événement. D'autant plus que la rumeur de ma relation avec Kim fait beaucoup parler de moi ces derniers jours. Pas forcément en bien, d'ailleurs. Je suis décrite comme une profiteuse. Je ne sais pas comment arranger les choses. Le leader du groupe, lui-même, semble être contrarié par la situation. Dans la boutique, une file déjà impressionnante pour moi s'entasse déjà. J'ai préféré un lieu plus petit, dans l'idée que ce soit plus intime mais je me demande si c'était véritablement judicieux. Je ne m'attendais pas à ce qu'autant de personnes s'intéressent à mon travail. Je prends une profonde inspiration et rejoint le fauteuil que l'équipe de la librairie m'a préparé. J'entends des murmures danser dans les airs tout autour de moi. Des commentaires sur ma tenue : une robe mi-longue couleur bleu roi et des collants noirs. Sur l'histoire que j'ai pu inventer cette fois-ci et mon univers fantastique bien particulier. Ou encore sur ma prétendue relation avec le rappeur. Un brouhaha général anime la libraire.

La séance se déroule sans accroc. Je ne me sens pas encore à l'aise avec tout cette agitation. Stan me demande de manger avec lui afin de pouvoir discuter tranquillement. Il marche rapidement, comme-ci il était pressé de se débarrasser d'un poids. Je le trouve de plus en plus bizarre. De dos, sa silhouette semble avoir maigrie. Je m'aperçois pour la première fois depuis l'incident que mon ami n'est pas dans son état normal. Comme-ci la distance qu'il y a entre nous me permettait de prendre le recul nécessaire par rapport à toute cette histoire. Tout ceci n'appartient désormais qu'au passé. J'ai suffisamment souffert de tout cela. La rencontre avec les garçons m'a permis de me recentrer sur le présent. Alors pourquoi est-ce que je ne parviens pas à me détâcher de cette sensation désagréable que tout n'est pas encore terminé ? J'ai ce mauvais pressentiment depuis que j'ai revu Suk. La sensation que quelque chose est sur le point d'arriver.

Stan m'emmène dans un restaurant réputé. Il faut d'ailleurs réserver afin d'espérer avoir une table. C'est étrange, il n'a jamais été du genre à sortir le grand jeu. Il préfère nettement les lieux intimistes. Mon malaise grandit tandis que l'on s'installe près de la fenêtre. Il commande aussitôt une bouteille qui doit coûter la moitié de son salaire. Je me racle la gorge, de plus en plus inquiète.

- Stan... Tu peux me dire ce qui se passe ?

- Je tiens à fêter ce nouveau tournant avec toi comme il le faut.

- Je ne comprends pas...

- Je n'ai jamais été tout à fait honnête avec toi. Je m'en rends compte à présent...

Tout en disant cela, il me sert un verre de champagne rosé que le serveur vient de lui apporter. Je le regarde, interloqué. Qu'est-ce qui lui prend, au juste ? Stan boit une gorgée avant de reprendre :

- C'est sans doute pour cela que tu ne t'es jamais vraiment ouverte à moi. Et je dois dire que voir qu'il a réussi là où j'ai échoué m'a fait énormément de mal. Même si j'ai aucunement le droit de ressentir ça.

- Je ne sors pas avec Kim. Et je ne vois pas de quoi tu parles.

- Je ne parlais pas de Kim. Je te connais mieux que ça... Je ne crois pas un mot de ce qui est dit dans la presse. Il suffit de voir ton sourire quand il est là... Cela fait tellement longtemps que je ne t'ai pas vu avec un visage aussi lumineux. En vérité, la dernière fois que je l'ai vu c'est lorsque tu m'as rencontré et que je t'ai annoncé que ton premier livre allait être publié.

- De quoi est-ce que tu parles ?

- De Nabi.

- Il n'y a rien...

- Tu ne le sais peut-être pas encore mais c'est évident. J'espère juste... Non, rien. Si je t'ai fait venir aujourd'hui, ce n’est pas seulement pour fêter la sortie de ton livre. Je dois te dire quelque chose...

- Qu'est ce qui se passe Stan ?

- Je suis conscient d'être la cause de tes souffrances. À cause de moi, tu as rencontré Suk et tu ne vois plus les visages... Si seulement j'avais été honnête avec toi, si je n'avais pas été aussi lâche...

- Stan... Tu n'es pas coupable de tout ce qui m'arrive...

- Laisses-moi finir, s'il te plaît. Je m'étais juré de te protéger coûte que coûte. Et c'est moi qui t'es blessé... J'ai été égoïste. J'ai voulu tout avoir...

- Comment ça ?

- Je voulais être sûr que tu ne m'abandonne jamais. Que tu me regardes différemment mais tu n'a jamais porté sur moi le regard que tu as pour Nabi. Tu pensais m'aimer et je voyais que ça t'éloigner de moi.

- Qu'est ce que tu essais de me dire ? Que mes sentiments pour toi étaient faux ? Comment peux-tu me dire ça ?

- Tu comprendras plus tard... Je ne dis pas que tu ne m'aimais pas mais pas de la manière que tu pensais...Et en voulant te garder près de moi, en tant qu'amie, j'ai brisé quelque chose en toi.

- Tu oses....

- Tu as le droit de me détester. Je pense que je devrais te laisser déployer tes ailes à présent... Je quitte le pays.

- Quoi ?

- Les garçons s'occuperont bien de toi. J'ai une opportunité au Japon. Si tu veux bien, j'aimerais garder contact avec toi. Tu comptes beaucoup pour moi.

Je reste sans voix. Pourquoi Stan décide t-il tout d'un coup de partir à l'étranger ? Lui qui aime tant son pays et sa capitale. Tout me paraît tellement surréaliste. Est-ce que j'ai été aussi dure avec lui ? J'ai du mal à réaliser ce qu'il vient de me dire. Ces dernières années, il a été comme un piller pour moi. C'est comme si une nouvelle fois, tout s'effondrer autour de moi. Suis-je vraiment incapable de tisser des liens solides avec les gens ? Ou alors c'est qu'on ne peut pas m'aimer suffisamment pour rester auprès de moi sans me vouloir du mal. Je trouve cela tellement injuste. C'est moi qui ait été blessé et j'ai l'impression que c'est moi que l'on punie. Je me lève brusquement sans avoir terminé mon plat. Ma voix lointaine affirme avoir besoin d'air. Je sens tous les masques se figer sur moi. Ils semblent bien plus malfaisants que d'habitude. Ou alors est-ce moi qui est l'impression que ces masques blancs sont bien plus oppressants ? Ces derniers temps pourtant j'avais presque réussi à les oublier. Aujourd'hui, je me sens à nouveau prisonnière d'un cauchemar sans fin. Ma poitrine me brûle si fort que j'ai la sensation que plus aucune goutte d'air ne peut en sortir. Des larmes ressemblant à de la lave coulent le long de mes joues. Je sens que je suis sur le point d'imploser. Mais pourquoi tout le monde finit-il par me trahir ? Qu'est-ce que je fais de mal ?

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