Chapitre 8 - 1/2

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Un matin, je me réveillai blottie contre lui, ma joue posée contre son épaule, et son bras autour de mon corps. Je n’osai bouger de peur de le réveiller, et restai immobile, à savourer l’instant. Son torse se soulevait au rythme de sa respiration. Lorsqu’elle changea, je sus qu’il ne dormait plus, et je m’écartai, comme prise en faute.

Mojag soupira, sans chercher à me retenir toutefois. Il s’assit, puis se leva. Je l’entendis s’habiller, tout en me disant :

« J’aimerais vraiment, Léonie, que tu cesses de me craindre.

_ Mais… je n’ai pas peur…

_ Alors pourquoi me fuis-tu ainsi ? » Dans sa voix, je sentais percer la colère. Et si toute ma vie on m’avait répété qu’une femme devait respect et obéissance à son époux, le souvenir d’André Grandjean restait gravé dans ma mémoire. Je ne voulais plus qu’on me parle ainsi ; aussi je me défendis.

« Je ne fuis personne, Mojag, c’est toi qui me repousses depuis des semaines !

_ Bien sûr que non. Mais comment dois-je prendre le fait que dès le réveil tu t’éloignes de moi, alors que pendant ton sommeil tu acceptes ma présence ? »

Vêtu à présent, il me surplombait de toute sa hauteur, moi qui étais toujours couchée. Il tourna les talons, et sortit de la maison sans un mot de plus.

Essuyant d’un revers de la main mes yeux pleins de larmes, je me levai et m’habillai à mon tour. J’entrepris de ranimer le feu dans la cheminée. La porte était restée ouverte, laissant entrer le soleil de début de journée, et la chaleur qui ne tarderait pas à s’intensifier. En attendant que l’eau bouille, je jetai un regard dehors, mais Mojag était invisible. Je retournai donc à l’intérieur, et disposai sur la table les bols nécessaires à notre déjeuner, sortis les galettes de maïs.

L’infusion était prête depuis longtemps et commençait à refroidir dans les bols. Mojag n’était toujours pas rentré. Tenaillée par la faim, je grignotai du bout des lèvres un morceau de galette sans y prendre le moindre plaisir, alors que j’aimais vraiment ce qui nous tenait lieu de pain.

Soudain il fut là. Arrivé dans mon dos sans un bruit, il se pencha pour me serrer contre lui. Ses bras forts m’entouraient, et sa bouche contre mon oreille murmurait :

« Pardon, Léonie. J’ai eu tort de m’emporter. Tu es fatiguée, je le vois. J’aime les efforts que tu fournis pour me suivre dans la forêt, pour apprendre à te servir d’une arme. J’aime t’enseigner ce que je sais, et je suis fier de la femme que tu deviens jour après jour. »

Les larmes me montèrent aux yeux, et je posai les mains sur ses bras nus qui me serraient, appuyant ma joue contre la sienne, contre ses lèvres. Il embrassa ma joue en me berçant.

Puis il enjamba le banc et s’assit près de moi sans me lâcher, tira à lui le second bol de tisane et une galette de maïs. Il en déchirait des morceaux, qu’il portait tantôt à sa bouche, tantôt à la mienne.

Je savourais l’instant, sans me poser plus de questions.

« Ce jour d’hui, Léonie, nous allons rester ici.

_ Mais, non ! Il y a du travail, et…

_ Il va pleuvoir d’ici peu, nous serons mieux à l’abri. Quant à toi, tu as besoin de te reposer. » me dit-il en effleurant ma joue du dos de la main.

Peu de temps après, en effet, la pluie commença à tomber, doucement d’abord, puis plus fort.

« J’avais pourtant l’impression que le soleil allait rester… J’ai encore beaucoup à apprendre… » soupirai-je en regardant dehors.

Mojag rabattit devant la porte ouverte le rideau que j’avais confectionné dans un des draps de mon trousseau, et qui permettait de laisser entrer la fraicheur et la lumière mais pas les insectes, et me prit par la taille : « Et tu as toute la vie pour cela… »

Je posai les mains sur ses épaules et le front contre son torse nu. Depuis le retour des beaux jours, il ne portait plus sa veste ni sa chemise. Il s’était baigné dans la rivière, comme tous les matins, et sa peau était encore fraiche.

« Léonie… »

Je levai les yeux vers lui, et il m’embrassa. Cela m’avait manqué. Je me délectai de ses lèvres sur les miennes, de sa langue douce et fraiche qui pénétrait ma bouche. Légères, ses mains enserraient ma taille, mais je sentais qu’il se retenait. Je me serrai plus fort contre lui, passant mes bras autour de son cou, nouant mes doigts derrière sa nuque, dans ses cheveux. J’aurais voulu m’incruster en lui, ne faire plus qu’un seul corps. Ce trouble que je commençais à reconnaitre me reprit tout entière, j’avais chaud et j’aurais voulu que Mojag ne cesse jamais de m’embrasser.

Justement, il s’écartait doucement de moi, entourait mon visage de ses mains pour mieux me regarder, et reprenait les baisers à peine interrompus.

Puis ses mains s’égarèrent sur mes reins, remontèrent le long de ma colonne vertébrale, descendirent à nouveau sur ma taille. Je me laissais faire, poupée de chiffon entre ses bras, les yeux fermés pour mieux profiter. Au moment où je perdais la tête, où j’abandonnais toute retenue pour répondre à ses baisers et l’embrasser, quand moi aussi je laissai courir mes mains sur son corps à demi nu, il se redressa et s’écarta.

« Doucement, Léonie, doucement…

_ Non… »

Il resserra ses mains autour de ma taille, fermement, pour m’empêcher de me hausser sur la pointe des pieds afin de l’embrasser. Blessée, je baissai la tête.

Il me fit asseoir sur l’un des bancs, et sans lâcher mes mains s’agenouilla à mes pieds.

« Mojag, ne me repousse pas, je t’en prie. » l’implorai-je.

Je levai la main gauche et caressai sa joue, mon doigt s’arrêtant presque sur la fine cicatrice qui lui barrait la pommette. Le visage levé vers moi, il se laissait faire, immobile, sans me quitter du regard. Je me penchai pour poser ma bouche sur la sienne, et je sentis ses lèvres s’entrouvrir. Alors, je glissai ma langue entre elles et l’embrassai. Pour la première fois, je prenais l’initiative.

A la fin du baiser, il me demanda si j’avais peur.

« De toi ? Jamais, Mojag. »

Il sourit, et se releva en m’entrainant dans son mouvement. « Léonie, tu sais que je ne veux pas te faire de mal. Tu ne dois pas hésiter à me parler. »

Je hochai la tête, et alors tout s’enchaina.

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