La Chasseuse de Primes

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 Une femme se tenait là, assise sur le rebord de la fenêtre ouverte, entre les rideaux cramoisis qui flottaient doucement autour d’elle. Jessie et le desperado s'en trouvèrent éberlués.

— Ce n’est pas pour vous presser… fit cette dernière d’une voix narquoise, mais j’ai d’autres projets pour la journée. En fait, je suis un peu émoustillée, je vais peut-être passer par une autre chambre quand j’en aurais fini ici. Vous avez aussi des hommes qui font ce boulot ?

 Elle adressa un haussement de sourcils à la patronne, qui se demandait encore si la journée qu’elle vivait était réelle, et qui ne lui répondit donc que d’un visage hébété.

— Putain, mais t’es qui ? grogna le desperado en repoussant Jessie dans le lit comme si elle n’était plus soudain qu’une vulgaire couverture.

 Et la prostituée tomba sur le dos, cuisses et jupons à l’air, boucles torsadées en désordre sur ses épaules nues… L’inconnue, elle, semblait sereine, malgré le colosse en colère qui se redressait de toute sa stature sur le lit.

 De bas en haut, les longues jambes de la jouvencelle étaient croisées devant elle, cuisses sculptées sous les pans d’un pantalon près du corps, sa cheville se balançant dans sa botte comme la queue d’un chat ennuyé ; elle portait une chemise à carreaux rouges et blancs, ouverte d’un bouton de trop qui laissait apercevoir des petits seins d’adolescente, la gorge enroulée dans un foulard poussiéreux… Enfin, ses yeux brillaient comme deux forêts perdues en plein cœur de l’Arkansas, illuminés par un incendie de mèches rousses qui ondulaient et se reflétaient sur ses iris, à l’ombre de son chapeau usé. Détail le plus marquant du tableau : une Winchester pointée vers le haut reposait contre ses hanches et son épaule, à la manière d’un conjoint qu’elle caressait du bout des doigts.

— Je m’appelle Matilda Louise Zither, répliqua-t-elle. Ça te dit quelque chose ?

— Jamais entendu parler, railla le desperado, qui semblait plus agacé qu’inquiété.

 La nouvelle venue imprima une moue déçue à ses traits :

— Bon sang… T’es obligé d’être si honnête ? Tu viens de ruiner ma journée. Je suis venue pour ta prime, mon grand. La moindre des choses serait de t’en rendre compte.

 Le colosse ricana d’une voix grave, tandis que Jessie derrière lui se redressait en ramenant ses jupons sur ses jambes.

— Je ne savais pas qu’il y avait des poulettes aussi bien roulées dans la profession, s’étonna-t-il. Comment m’as-tu trouvé ?

— J’ai eu une vision, assura Matilda en pointant ses pupilles dilatées du bout de son index.

— Dommage pour toi, je suis le criminel le plus dange…

 La chasseuse de prime ne lui laissa jamais l’occasion de finir cette déclaration : faisant tomber sa Winchester en avant, elle en saisit la gâchette et fit feu sans la moindre sommation. À quelques pouces du visage de Jessie, le crâne du desperado fut emporté dans une grande giclée de sang qui éclaboussa les draps blancs du lit ainsi que le mur latéral du sol au plafond.

— Voici que l’Ouest compte une enflure de moins dans ses vallées, récita Matilda.

 Le teint de la prostituée perdit ses couleurs dans la seconde, alors que les épaules de la tueuse s’affaissaient avec douleur :

— La conne ! Comment est-ce qu’ils vont pouvoir l’identifier, maintenant ?

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