CHAPITRE 2
À son réveil, Skylar certaine d'avoir rêvé l’ensemble de ces évènements, pensait et espérait profondément qu’elle se retrouverait dans son lit chez elle. Que la vue de son père les larmes inondant son visage abattu, sa détresse n’était qu’un mauvais rêve mais cette image désagréable lui paraissait bien trop réaliste et beaucoup trop imprégnée sur sa rétine pour ne pas réellement avoir eu lieu. Au lieu de cela, allongée dans le lit d’une pièce des plus étranges elle était entourée d’une multitude de machines et inventions dont elle ne connaissait pas les fonctions. L’endroit était lugubre et d’un froid crispant. La porte de la pièce s’ouvrit la faisant sursauter.
— Ah ! Vous êtes enfin réveillée.
— Oui, je crois bien je vous remercie de votre hospitalité mais qui êtes-vous ? Et où sommes-nous ?
— Je m’appelle Alistair, et nous sommes tous deux dans mon humble et temporaire demeure. Répondit-il avec fierté.
— Il faut que je m'en aille merci pour tout mais je dois partir, maintenant.
— Excusez-moi mais il serait vraiment mal avisé que l'on vous voit arpenter les rues d’Adjar.
Ce jeune homme élancé, aux cheveux d’un noir profond exprimait presque constamment une expression joviale. Il avait les yeux gris tendant vers le blanc total. Une couleur assez inhabituelle.
— Et pourquoi en serait-il ainsi ? S’indigna la jeune fille.
— Eh bien, comment vous dire que le roi Damian a mis votre tête à prix, l'ensemble des gardes de la ville vous recherche actuellement ajouter à cela les brigands en recherche de fortune. Croyez-moi, vous ne feriez pas long feu dehors. Toute la ville connaît votre nom, votre famille.
Ne sachant pas si elle pouvait lui faire confiance, Skylar prêta une attention toute particulière à ne pas lui exposer sa situation dans les moindres détails mais le roi, elle le connaissait personnellement. Avec lui, Tristan et d’autres héritiers et héritières d’éminences, ils passaient leurs soirées ensemble au palais à déguster, découvrir plats et histoires de régions lointaines. Mais tous ces bons et lointains souvenirs dataient d’avant sa terrible accession au trône. Depuis, ils se croisaient parfois lors d’évènements royaux ou bien directement chez elle quand le roi avait à s’entretenir avec le père de la jeune fille.
— Savez-vous pour quelles raisons ? Questionna Skylar essayant de cacher son angoisse naissante.
— On dit officiellement que vous avez tenté de porter atteinte à la vie de votre père au moyen d'engins proscrits dans le palais mais officieusement des rumeurs racontent que vous semblez avoir certaines aptitudes peu communes.
Skylar cessa instantanément de soutenir son regard afin de cacher son mécontentement, comment était-il au courant de cela ? Son père avait raison se dit-elle intérieurement, malgré le fait qu’elle se refusait à accepter que la ville a été mise à sac juste pour elle. C’était absurde.
— Je n’ai rien fait de tout cela, c’est faux. Il resta silencieux comme attendant une réponse.
Encore incertaine des évènements de la veille, une prime avait déjà été mise sur sa tête. Si des gens savaient également ce qu’elle pensait avoir fait avec ses mains, au vu de l’acharnement à son encontre cela semblait n’augurer rien de bon pour elle. Assise et silencieuse, elle essayait encore de dissocier ce dont elle croyait se souvenir et ce qu’il s’était réellement passé.
— Et que savez-vous de ces fameuses aptitudes ? Questionna-t-elle revenant à lui tout en essayant de paraitre la moins intéressée possible.
— Certaines personnes en possèdent, d’autres non. Ecoutez, c’est un peu compliqué à vrai dire, vraiment très compliqué.
Skylar senti alors son cœur battre à tout rompre, Elle se leva et se mit à faire les cents pas dans la pièce la tête entre les mains. Pour aucunes raisons rationnelles elle n’aurait été capable accepter cela, son esprit dédaléen se refusait à entrevoir ne serait-ce que l’infime possibilité qu’elle ait certaines aptitudes. Cela lui était impossible. Tout cela n’était qu’une mauvaise blague et cet individu lui faisant face, rien ne lui prouvait qu’il lui ait dit la vérité se dit-elle.
— Il faut que je m’en aille maintenant ! Reprit-elle ne sachant pas comment réagir à toutes ces informations. Je refuse c’est impossible, tout ça n’est pas réel ! Je n’ai absolument rien fait, ni blessé qui que ce soit, qu’importe l’accusation j’en suis innocente.
— Respirez, et reprenez votre calme, tenta Alistair sans réussite.
— Pourquoi m'avez-vous aidé ? Vous auriez pu me laisser là-bas.
— Je n'allais tout de même pas laisser une dame qui plus est noble s'effondrer en pleine rue sans rien faire.
— Vous n’êtes certainement pas d’ici n’est-ce-pas ? Nous ne sommes pas particulièrement appréciés de certaine gens pour ne pas dire tout le monde.
— En effet je ne suis qu'un visiteur, répondit-il.
— Et d'où est-ce que vous venez ? Le toisa Skylar.
— Venez descendons, j’ai quelque chose qui pourra répondre à votre question, mais avant prenez ses vêtements on vous reconnaîtra facilement avec cette robe, je vous attends en bas.
Skylar n’ayant d’autres solutions pour le moment décida de le suivre à contrecœur dans sa demeure parsemée de plans de machines plus étrange les unes que les autres, au centre d'une pièce était posé un établi lui aussi plein de feuilles, de plans et d'outils étranges. L'endroit était plutôt spacieux et bondé à la fois. Alistair lui dévoila un accès caché derrière une fausse horloge menant au sous-sol de la maison. Elle se méfia et commençait même à se demander si cela était une bonne idée de descendre avec lui. Skylar ne le connaissait pas et elle tenait naturellement à sa vie.
— Ne vous inquiétez pas, il n’y a aucun danger. Lui dit Alistair sentant sa réticence.
Tous ses sens aux aguets, elle se tenait prête à s’enfuir si il tentait quoique ce soit. Un dispositif était installé dans le sous-sol, une sphère en argent peut-être d'après sa couleur grise, ornée d'étoiles gravées à sa surface ainsi que d'autres signes étranges. Elle tenait sur un ensemble de mécanisme lui permettant de rester stable. Skylar n'avait jamais vu un tel objet et il l'intriguait de plus en plus à mesure qu’elle s’en approchait.
— Je travaille dessus depuis très longtemps, c'est une carte d’une partie de l’univers. Depuis la fin de la guerre, nous avons perdu tant de notre envie d’apprendre des étoiles, j’ai vu la traque et l’élimination de très grands esprits. Skylar observait sa déception profonde tandis qu’il caressait l’orbe de sa confection. Aujourd’hui on ne m’abattrait rien qu’en me sachant en possession de celle-ci. Attention aux murs, ne vous y adosser pas, les morceaux de miroirs que j’ai mis sont tranchants.
En s'approchant d’un levier qu’il abaissa, les lampes murales de la pièce s’éteignirent doucement laissant place à la sphère qui se mit à tourner de plus en plus vite. Sur plusieurs axes, elle s'ouvrit petit à petit émettant de plus en plus de couleurs virant du bleu turquoise au jaune vif en une fraction de seconde créant un spectacle de lumière époustouflant. Les représentations qui étaient au début floues devinrent de plus en plus nettes. L’univers s'était en quelques instants formé tout autour d’eux. Skylar émerveillée ne put retenir sa surprise à la vue d’un tel spectacle.
— Alistair, c’est tout bonnement splendide. Il lui sourit en guise de réponse.
— Cela n'a pas été chose aisée de rassembler les pièces mais j’en suis assez fier.
— Comment fonctionne-t-elle ? Demanda Skylar curieuse d’en apprendre toujours plus et dont la méfiance s’était atténuée.
— Caché à l'intérieur il y a un liquide, de l’Irisar pouvant délivrer une puissance phénoménale et je ne parle même pas d’autres applications pouvant utiliser ce fluide ! Dit-il plein d'enthousiasme ayant même oublié de reprendre sa respiration.
Elle ne put s’empêcher de remarquer à quel point ses yeux pétillaient en parlant de ses inventions, même si elle ne comprenait pas tout ce qu’il disait. Il l’éteignit puis ils regagnèrent le rez-de-chaussée. Pendant qu’Alistair étaient encore dans ses théories Skylar passant sa main sur le bois ornementé d’une horloge, elle s’arrêta sur les finitions de cette dernière. Quelques motifs circulaires dorés venaient s’apposer à un fond de couleur beige. De jolis lettrages s’inséraient dans un petit cercle en bas du cadran avec les initiales N et B. Les longues aiguilles en forme de plumes indiquaient dix-huit heures et trente-neuf minutes. En les observant, Skylar fut prise d’un hoquet de surprise. Dix-huit heures, c’était à cette même heure que Tristan et elle avait pris le chemin du palais royal.
— Alistair, depuis combien de temps suis-je ici ?
Il mit quelques instants avant de finalement dire tout doucement.
— Aujourd'hui cela fait quatre jours que vous êtes alitée, la garde pourpre a déjà mis la ville à feu et à sang pour vous retrouver, là dehors presque tout a été mis à sac.
— Quatre jours ! S’exclama-t-elle pleine d'effroi. Mais comment est-ce possible.
Comment avait-elle pu s’absenter aussi longtemps et où était son père, Tristan. Telles étaient les questions fusant dans son esprit où trop de pensées affluaient à la fois mais pour l'instant celle qui la préoccupait le plus était ce qu’elle devait faire maintenant. Alistair se tenait là devant elle, hésitant lorsque l’on toqua violemment à la porte. Les deux se regardèrent, le regard empreint d’une crainte grandissante. Alistair, lui indiqua alors une pile de coffre derrière laquelle se cacher. Elle y couru tout en essayant de faire le moins de bruit possible.
— Oui ? Dit-il Alistair en ouvrant finalement la porte.
— Par ordres du roi Damian, nous venons fouillez votre habitation, aboya férocement le premier garde. La traîtresse Skylar Hunt doit être livrée à son châtiment, ajouta la seconde.
— Très bien entrez, ne faites pas attention à toutes ses feuilles ce sont mes travaux personnels.
Les deux gardes royaux entrèrent dans la maison. L’un était un véritable géant et l’autre une femme de taille moyenne à la joue balafrée. Depuis l’endroit où elle était cachée, il lui était difficilement possible de les apercevoir seule une légère fente entre plusieurs caisses superposées lui permettait de voir ce où ils étaient. Être qualifiée de traîtresse envers la couronne eut un effet destructeur sur elle, jamais de sa vie elle n’aurait eu l’intention de trahir sa nation.
— D'où venez vous déjà ? Redemanda l'un des gardes en inspectant les lieux avec dédain.
— Greizh, Royaumes de l'Âme messieurs dames.
— Et vous dites que vous venez de vous installer c'est bien ça ? renchéri l'autre garde suspicieuse.
— C'est bien ce que j’ai dit. Ajouta Alistair d’un air heureux exaspérant peu à peu les gardes.
— Montrez-nous le sous-sol, les plans de cette bâtisse indiques qu'elle en possède un. Il serait fort malheureux qu'il cache une ennemie de la nation du Cœur en convenez-vous ?
En suivant des yeux et tant bien que mal Alistair elle remarqua qu'il tentait depuis un moment de lui faire des signes de main qu’elle ne comprit pas directement.
— Certes il en serait sûrement ainsi mais le sous-sol était déjà condamné lorsque je me suis installé ici il y a de cela un mois peut-être. Je n’y ai jamais eu accès. Alistair venait sciemment de mentir à ces gardes avec une telle assurance. Un frisson glacial parcouru Skylar de part en part, lorsqu’elle comprit ce qu’il tentait en vain de lui montrer. La fausse horloge cachant l’accès au sous-sol de la bâtisse.
— Alors ça a ne vous dérange pas que l'on inspecte d'autres pièces.
— Aucunement allez-y. Répondit Alistair peinant à cacher son malaise grandissant.
C'était le moment où jamais. Pendant qu’Alistair semblait les diriger vers l’étage Skylar profita du fait que les gardes soient tournés à l’écouter, afin de passer derrière eux pour refermer le passage. Son cœur battait fort, si fort qu’il semblait vouloir s’extirper de sa poitrine. Des gouttelettes de sueurs glissaient de son front humide, sa respiration s’accélérait. Elle atteint finalement anormalement exténuée par ses quelques pas l’ouverture qu’elle tenta de refermer. De ses deux mains elle pressa légèrement le bois pour l’enfoncer tout essayant de faire le moins de bruit possible, elle s’y attela à plusieurs reprises en poussant de plus en plus fort. Impossible de fermer le passage, elle avait beau pousser de toutes ses forces y mettre toute sa détermination, cette horloge semblait peser dix fois plus qu’elle n’y paraissait. Pourtant Alistair n’eut aucun mal à l’ouvrir, pourquoi se sentait-elle aussi fatiguée, si vide et éprouvée. Chaque mouvement qu’elle faisait semblait lui coûter le quadruple en énergie. Elle n’entendait plus distinctement les sons qui l’entouraient, ceux provenant de l’étage, de l’extérieur de partout. Tous se mélangeaient entre eux rendant le tout d’un affreux fouillis. Néanmoins une vibration rebelle se rapprochant de ce qui ressemble au bois qui craque parvint à ses oreilles, elle n’eut que quelques instants avant qu’ils ne s’aperçoivent de sa présence, Skylar rassembla le semblant de force qui lui restait afin de retourner se cacher mais après avoir effectué quelques pas à peine elle entendit derrière elle le grognement rauque et étouffé d’un garde pourpre. A bout de force, faible et tremblante elle tomba brusquement au sol.

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