Chapitre II

6 minutes de lecture

Lorsque Chris ouvrit les yeux, il était presque dix heures du matin. Le soleil brillait par la fenêtre de sa chambre, projetant lentement sa douce lumière incandescente sur les murs. Chris n’avait pas passé une nuit aussi reposante depuis longtemps, et aucun rêve ou cauchemar n’était venu la perturber.

Assis au bord du lit, il s’étira avant de se lever, direction la douche. Ne voulant pas risquer d’abîmer la clé, il la retira et la posa sur le bord de l’évier. Cette fois, son éclat ne déclina pas, au contraire, elle étincela davantage. Prenant cela pour un signe favorable, il se glissa sous la douche et se délecta de l’agréable sensation de l’eau chaude ruisselante sur son corps.

Après vingt-cinq minutes, il en sortit et se sécha. Il prit le temps de choisir ses vêtements, de s’habiller et de se coiffer, bien décidé à prendre un petit déjeuner en ville. Lorsqu’il reprit la clé, elle avait à nouveau cet aspect charbonneux et terne, mais son éclat reparut dès qu’elle fut en contact avec sa peau.

— Une clé magique hein… mais pourquoi m’avoir choisi, moi ?

Il se rendit au Café de la Tour, à quelques rues de son appartement. L’endroit s’appelait ainsi, car il se trouvait dans l’ancienne salle de garde d’une tour défensive de l’époque médiévale de la ville. Les anciennes pierres apparentes étaient mélangées au mobilier en bois et fer forgé dans un style industriel très en vogue. Il y avait aussi de faux boucliers décoratifs et des épées accrochés aux murs, ainsi qu’une armure de taille réelle, juste à côté du bar. De grandes baies vitrées donnaient sur la rue et permettaient un éclairage plus naturel quand le soleil était clément. À cette heure, le café n’était pas très animé.

— Hey, salut Chris, lança Florian, le barman, avec un grand sourire.

— Salut Flo, répondit Chris en se penchant sur le comptoir pour l’embrasser.

Ils se connaissaient depuis plusieurs années. Après la disparation de Yann, ils s’étaient perdus de vue. Mais Florian ne lui en avait jamais tenu rigueur. Il faisait partie des quelques amis sur lesquels Chris pouvait encore compter.

— Comment vas-tu ? demanda Florian.

— Ça va bien, merci. Et toi alors ?

— Eh bien, justement, j’ai un truc de fou à t’annoncer. Tu te souviens de Noémie, la fille avec qui je sors depuis cinq ans ? le grand et beau jeune homme aux yeux marron marqua une pause pour créer un effet, on va avoir un bébé !

— Oh, woaw ! C’est une merveilleuse nouvelle ! Toutes mes félicitations ! Et il arrive quand ?

— Pour le 10 mai, comme moi, et c’est un petit mec en plus !

— Je suis sûr que tu vas être un super papa ! dit Chris en se relevant pour serrer son ami dans ses bras.

— Ah, ben voilà Noémie justement, dit Florian en pointant l’extérieur du café.

Chris n’eut pas le temps de reconnaître la jeune femme, qu’un énorme camion fonçait droit sur elle tandis qu’elle traversait la rue.

Sans vraiment s’en rendre compte, il leva les bras dans sa direction, et au moment où le projectile d’acier allait la percuter, il s’arrêta en une fraction de seconde.

Florian courut rejoindre sa bienaimée. La pauvre avait basculé en arrière en remarquant le véhicule fonçant sur elle. Mais au même moment, Chris sentit une sensation de chaleur l’envahir, et il remarqua que la clé rougeoyait tel un fer chauffé à blanc. Il lui fallut plusieurs secondes pour baisser les bras et reprendre ses esprits, avant de courir à l’extérieur où Florian vociférait sur la camionneuse. Après s’être assuré que Noémie allait bien, Chris tenta de le raisonner. La conductrice se confondit en excuses, assurant qu’elle ne l’avait vu traverser qu’au dernier moment.

Elle devait avoir une quarantaine d’années et était de forte corpulence, avec de courts cheveux marron cachés sous une casquette en jean. Lorsque son regard croisa celui de Chris, il eut à nouveau l’étrange impression de la connaître.

Florian finit par se calmer et remercia le ciel que le camion eut de bons freins. Sans plus de discussion, la femme sauta derrière son volant et reprit sa route.

Chris s’installa sur une banquette du café face à Noémie, pendant que Florian leur préparait une boisson chaude.

— Tu es certaine que tout va bien ? Tu ne veux pas que j’appelle une ambulance ? demanda Chris.

— Non, c’est inutile, je t’assure, je n’ai rien de cassé, juste une grosse frayeur, répondit-elle, le teint pâle et la voix tremblante.

Florian apporta deux chocolats chauds fumant et s’installa aux côtés de sa bien-aimée, puis la serra dans ses bras.

— Je n’en reviens pas que ce camion a réussi à s’arrêter aussi vite, dit-il en haussant les sourcils, les nouvelles technologies sont vraiment incroyables.

— Je ne suis pas sûr que ça venait du camion, lança Noémie, le regard fuyant.

— Qu’est-ce que tu veux dire par là, mon amour ?

— Je n’en suis pas certaine, mais... lorsque j’ai cru que le camion allait me percuter, j’ai vu…, elle marqua un temps et secoua la tête, comme pour trouver ses mots, j’ai vu un fantôme se dresser devant moi.

Florian pouffa de rire.

— Qu’est-ce que tu racontes, mon amour ? Tu es juste sous le choc.

— Il avait ton visage, lança-t-elle à Chris en relevant brusquement la tête en pointant un doigt accusateur dans sa direction.

Un frisson lui parcourut le corps.

— C’est impossible… c’est juste parce que tu m’as vu au loin, dans le café, bredouilla-t-il en ravalant sa salive, je ne suis pas un fantôme... et pis comment voudrais-tu que j’arrête un camion lancé à pleine vitesse ? Par magie ?

Noémie secoua la tête, comme pour chasser cette pensée de son esprit.

— Vous avez raison, je suis juste sous le choc...

Elle leva la tasse à ses lèvres et but une grande gorgée du réconfortant breuvage.

— Il est délicieux, mon chéri, dit-elle à Florian, le regard plein de tendresse.

Soudain, une sensation désagréable titilla Chris. L’intuition de devoir partir au plus vite.

— Bon, ben... si tout est en ordre... je dois me sauver ! Encore toutes mes félicitations à vous deux. On se revoit bientôt d’accord ?

Chris attrapa sa tasse et bu son contenu d’un trait.

— Tu viens tout juste d’arriver, restes encore un peu ? l’implora Florian.

— Désolé, j’ai oublié un rendez-vous important.

Il les embrassa et prit la fuite à toutes jambes.

Marchant à grandes enjambées dans la rue qui remontait vers son appartement, il rembobina le film de l’événement dans sa tête.

— C’est moi qui ais arrêté ce camion ? C’est complètement fou !

Il claqua si violemment la porte de son appartement qu’il en sursauta.

Sans prendre le temps de se déchausser ou d’enlever son manteau, il retira nerveusement la clé de son cou et la posa sur la table basse.

Assis dans le fauteuil lui faisant face, une pensée traversa son esprit :

— Si la clé dispose de pouvoirs magiques, est-ce qu’elle peut me les transmettre ? Si oui, est-ce grâce à eux que le camion s’est arrêté à temps ?

Soudain, le souvenir d’une vague d’air chaud se dégageant autour de lui au moment où le véhicule allait percuter Noémie lui revint. Mais impossible de déterminer avec certitude sa provenance, même s’il visualisait clairement la clé et son éclat rougeoyant.

Il resta figé, la fixant du regard, lorsqu’elle se mit à vibrer. Elle s’éleva brusquement au-dessus de la table basse, scintillante d’un éclat blanc aveuglant. Les yeux plissés, se protégeant avec les bras, Chris perçut la clé, avançant dans les airs jusqu’au creux de sa main droite.

— N'ayez crainte, maître Chris. Je suis votre protecteur et votre guide, ayez confiance…

Une voix irréelle raisonna dans l’appartement. Chris se tourna en tous sens, effaré, pensant que quelqu’un se trouvait derrière lui.

— Je vous en supplie, gardez-moi au plus près de vous et ne m’abandonnez plus jamais, supplia la voix, l’avenir des mondes tels que nous les connaissons dépend de vos choix…

La voix semblait à présent être dans sa tête.

— Qui êtes-vous, demanda-t-il affolé.

— Je suis le tout et le néant à la fois... l’énergie mouvant chaque être peuplant les mondes infinis... je suis la connaissance et le salut des âmes damnées... la vie et la mort…

— Qu’est-ce que vous me voulez ? Que dois-je faire ? hurla-t-il en cherchant un point inconnu autour de lui.

— Soyez patient, élu... votre destinée vous sera bientôt révélée…

Les mots résonnèrent dans sa tête pendant plusieurs secondes.

— QU’ELLE DESTINÉE ? hurla-t-il de toutes ses forces.

Mais il ne reçut aucune réponse.

La voix s’était évaporée, laissant un silence pesant régnait dans la pièce. La chaleur et l’éclat de la clé s’estompèrent, et en quelques secondes, tout redevint normal.

Incapable de se maintenir, Chris tomba à genoux, submergé par d’intenses émotions qu’il ne tenta même pas de repousser. Quelque chose venait changer en lui, et il sentit qu’un retour en arrière serait impossible. Sa vie ne serait plus jamais la même.

Délicatement, il ramassa la clé et la porta contre son cœur. Les larmes coulèrent jusque dans son cou, tandis qu’il s’écroulait, à bout de forces.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 5 versions.

Vous aimez lire Raphaël HARY ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0