La lueur vacillante des torches éclairait péniblement le long couloir de pierres qui menait aux cachots. Au loin, un prisonnier était interrogé et ses gémissements de douleurs raisonnaient dans une complainte morbide. Des rats fuyaient sous les pas des gardes en tentant de grappiller quelques miettes du repas des prisonniers.

Une personne vêtue de noir progressa dans les sombres corridors, escortée par un soldat. Les rangées de cellules qui défilaient autour d’elle semblaient vide tant elles étaient silencieuses sur son passage. Il s’arrêta devant l’une d’elle et le garde lui ouvrit la porte aux barreaux de fer noirci, puis la referma derrière lui avant de s’éloigner.

— Comment fais-tu pour vivre ici ? Personnellement, cette odeur permanente de latrines et de mort m’insupporterait !

Le prisonnier fit un frêle mouvement dans la pénombre du fond de sa cellule.

— Il est possible de s’habituer à tout, même à ton ignoble présence !

— Voyons, est-ce là des façons civilisées ? Ne t’a-t-on jamais appris les bonnes manières ?

L’homme le toisa d’un air hautain, un sourire sadique sur le visage. Le prisonnier était attaché aux murs par de lourdes chaînes de fer. Son visage émacié et ses mains osseuses indiquaient qu’il ne mangeait pas à sa faim depuis longtemps, tandis que ses longs cheveux gris lui cachaient le visage.

— Quel poison est-tu venu rependre ici ? lança-t-il.

— Je voulais simplement te donner des nouvelles ! D’excellentes nouvelles ! Tu seras ravi d’apprendre qu’un autre élu est arrivé dans le Vaste-Monde, et il sera au château d’un jour à l’autre !

L’homme s’assit sur un plot en pierre tandis que les yeux du prisonnier s’écarquillaient à l’évocation de l’élu.

— Que veux-tu dire par là ? demanda-t-il avec une crainte palpable dans la voix.

— Ma fille et ses hommes sont à sa recherche ! Ils ne devraient plus tarder à l’escorter jusqu’à ici !

L’homme se frotta les mains d’un air suffisant.

— Tu penses sincèrement qu’il sera dupe au point de ne pas voir tes turpides intentions ? Les forces qui l’animent sont d’une puissance tel qu’il vous détruira, toi et ton royaume corrompu, d’un simple claquement de doigt.

Le prisonnier fut pris d’une quinte de toux en ricanant à la barbe de son visiteur qui se jeta sur lui, l’attrapant à la gorge.

— Cela suffit, vermine ! Lorsque j’en aurai fini avec lui, il me mangera dans la main.

Ses longs doigts crochus se resserrèrent autour du cou du prisonnier, enfonçant ses ongles dans sa chaire.

— L’élu n’est qu’un imbécile d’humain, tout comme ses prédécesseurs ! Notre famille n’a eu aucun mal à se débarrasser d’eux une fois les sales besognes accomplies ! Il en sera de même pour celui-là !

Le prisonnier toussota en tentant de reprendre son souffle.

— Tu oublis que le dernier d’entre eux t’a filé entre les doigts comme une anguille ! Il doit probablement préparer sa revanche à l’heure qu’il est ah ah ah.

L’homme le souleva brusquement d’un seul bras.

— Je sais ce que tu cherches à faire, Billël, mais je ne t’offrirais pas la délivrance d’une mort rapide ! Tu pourriras pour toujours dans ce cachot !

— Et toi tu brûleras dans l’enfer de Cräam pour tout le mal que tu as fait ! cracha le prisonnier à bout de souffle.

L’homme relâcha son étreinte, le projetant violemment au sol.

— Mes intentions sont louables. Je ne fais que suivre les préceptes de notre grand seigneur Möth. Tu devrais songer à prier plus souvent si tu veux qu’il t’offre son pardon.

Le ton de sa voix glaça le sang du prisonnier. Le visiteur frappa contre les barreaux de la cellule et le garde vint lui rouvrir la porte.

— Tu lui a peut-être retiré une partie de ses pouvoirs, mais il finira par mettre en garde le nouvel élu ! Tu ne t’en tireras pas aussi facilement cette fois, Miriël !

Le grand prêtre lui jeta un regard de mépris avec un rictus de dédain.

— C’est ce que nous verrons, mon cher frère…