Chapitre XII

5 minutes de lecture

Lindelle réveilla ses compagnons de fortune aux premières lueurs de l’aube. À peine éveillés, elle et Thèoffric se prirent le bec pour une histoire de petit déjeuner. Thèoffric insista pour concocter quelque chose et ne pas reprendre la route le ventre vide.

— Je vous l’ai dit, dame Lindelle, notre seule peur et de manquer le petit déjeuner ! Je ne partirais donc pas avant d’avoir mangé quelque chose !

Thèoffric croisa les bras devant lui tel un enfant capricieux. Face à son attitude, Lindelle leva les yeux et les bras au ciel.

— Très bien ! Faites comme bon vous semble… mais faites vite !

Satisfait d’avoir eu gain de cause, mais aussi d’avoir mis Lindelle en pétard, Thèoffric attrapa le chaudron et courut à l’extérieur en dodelinant.

— Prions pour qu’il ne nous fasse pas son thé aux mûres… lança Chris avec un rire jaune.

Les rayons du soleil léchaient l’épaisse canopée au-delà la cime des grands arbres, et sa douce chaleur, mêlée à la fraiche humidité de la nuit, formaient de petits nuages de brume épars. Lorsque Thèoffric se pencha vers la rivière pour nettoyer le chaudron des restes du repas de la veille, il remarqua que la forêt était étrangement silencieuse.

Soudain, une énorme créature aux longs poils noir, semblable à un loup, surgit d’un bosquet derrière lui. Elle faisait facilement deux-cent-cinquante kilos, et trois rangées de dents acérées perlaient sa bouche béante.

Thèoffric eut juste le temps de projeter le lourd chaudron de métal entre lui et la gueule de la bête, avant qu’elle ne le fasse basculer dans la rivière avec un rugissement féroce.

Alerté par son hurlement, Lindelle et Chris vinrent au secours de leur ami.

Lindelle dégaina son étincelante épée d’or et l’agita devant la bête pour tenter de l’éloigner, tandis que Chris courut aider Thèoffric à remonter sur la rive qui s’avéra trop abrupte. Soudain, la pierre que la nymphe lui avait offerte se mit à briller et une vague le souleva jusque sur la terre ferme.

Sans leur laisser le temps de s’attarder sur ce qui venait de se passer, la bête se jeta dans leur direction. Chris repoussa Thèoffric sur le côté avant qu’elle ne leur tombe sur le râble. Elle se tourna vers lui, les babines dilatées de rage et les yeux brillant d’un éclat rouge de fureur. Chris tendit la main dans sa direction et sentit à nouveau l’énergie parcourir ses veines. Un souffle mystique invisible se dégagea de son membre tendu et repoussa l’animal vers la rivière.

Avec un rugissement de rage, la créature s’ajusta, prête à lui bondir dessus, lorsque Lindelle vint planter son épée dans son flanc. Elle laissa échapper un cri de douleurs et, dans un rapide mouvement de tête, projeta la jeune femme dans les airs, la faisant percuter violemment un arbre.

Lindelle tomba durement au sol, inconsciente.

Le monstre s’avança vers elle, toutes dents dehors. Chris tendit ses deux mains en avant pour la retenir, l’immobilisant brusquement par sa seule volonté.

Avec un geste vif et précis, presque chorégraphié, Thèoffric retira l’épée de Lindelle du flanc de l’animal et lui trancha la tête. Celle-ci tomba à quelques mètres de son corps et presque instantanément, ils s’évaporèrent en cendre, emportées par la brise du matin.

Thèoffric lâcha subitement l’épée, comme si elle lui brûlait les doigts.

— Est-ce que tout va bien, mon ami ? demanda Chris en se jetant sur lui.

— Oui… je crois…

Visiblement abasourdi, Thèoffric parcourut son corps avec ses mains pour chercher une éventuelle blessure, mais il était sain et sauf.

Les deux amis coururent alors sur Lindelle pour s’assurer qu’elle était toujours vivante, mais lorsque Chris la pris dans ses bras, une horrible flaque de sang se rependait inexorablement dans le dos de la jeune femme. Elle avait heurté l’arbre à l’endroit où une branche s’était cassée, laissant un ergot acéré ressortir de quelques centimètres, et ce dernier lui avait transpercé le dos.

Elle se vidait de son sang avec une effrayante rapidité.

Paniqué, Chris appuya sa main sur la plaie pour tenter d’arrêter l’hémorragie et Thèoffric fit de même. L’amulette de Balata se mit à nouveau à briller à son cou et Chris sentit une vague d’énergie le traverser. Leurs mains irradièrent une lueur chaleureuse et en quelques secondes la plaie se referma.

Soudain, le cœur de Lindelle se remit à battre sous leurs doigts. Elle ouvrit brusquement les yeux en prenant une grande et bruyante inspiration.

— Que s’est-il passé ? Où est la bête ?

— Elle est Morte ! Thèoffric lui a coupé la tête ! Elle vous a projeté contre cet arbre… vous vous vidiez de votre sang !

— Une blessure ? Du sang ? Je ne sens rien !

Elle regarda autour d’elle, affolée et ouvrit de grands yeux de stupeur en voyant la flaque pourpre sur le sol.

— Ne vous inquiétez pas, avec Thèoffric et son talisman, on a réussi à refermer la plaie avant que vous n’en ayez perdue de trop.

Chris lui sourit pour tenter de la réconforter. Elle dévisagea ses deux compères de ses grands yeux émeraude, puis les tira vers elle en les attrapant par le cou. Elle les serra si fort que Chris en eut le souffle coupé.

— Merci, infiniment… je vous dois une vie… dit-elle avec un sanglot dans la voix en reprenant son souffle.

Elle relâcha son étreinte et leur sourit. Thèoffric courut à la rivière chercher de quoi les désaltérer et les trois compagnons reprirent doucement leurs esprits. Après plusieurs minutes, Lindelle se releva d’un bond et épousseta sa tunique blanche maculée de rouge pourpré.

— Où est la dépouille de L’animale ? Je dois l’examiner.

— Il a disparu en fumés, comme vaporisés... Je ne sais pas ce qui s’est passé…

— Un illusoire ?

Lindelle se gratta le menton avec une expression d’incompréhension sur le visage.

— Un quoi ? demanda Thèoffric en grimaçant.

— Un illusoire. C’est une sorte de projection spectrale, souvent animal. Il est censé délivrer ou représenter un message, une pensée. Il faut de grandes connaissances en magie pour en matérialiser un aussi gigantesque. A-t-il dit quelque chose ?

— Je ne crois pas… répondit Chris en repassant le film des événements dans sa tête, mais ses yeux brillaient d’un éclat rouge très menaçant.

Lindelle croisa les bras devant elle, semblant chercher quelque chose dans le vide.

— a personne qui nous l’a envoyé ne nous veux pas du bien. Le Liout et un animal féroce et sanguinaire, un des nombreux monstres qui peuplaient jadis les terres impies. Nous devons redoubler de prudence et rester sur nos gardes.

Son air inquiet n’avait rien pour rassurer ses compagnons. Elle tendit la main vers Chris et l’aida à se relever.

— Alors ne perdons pas une minute !

L’idée qu’une autre de ces créatures puisse rôder autour d’eux lui glaça le sang.

Thèoffric se racla la gorge en tapant sur l’épaule de Lindelle.

— Et notre petit déjeuner ? lança-t-il avec sérieux, je ne veux pas nous mettre en retard, mais j’ai besoin de mon petit déjeuner ! Sans quoi je ne vais pas être de bonne compagnie.

Chris lança un regard d’étonnement à Lindelle et celle-ci se mit à pouffer de rire. Ils éclatèrent d’un fou rire franc et spontané, tandis que Thèoffric secoua la tête en ramassant le chaudron à ses pieds.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Raphaël HARY ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0