Chapitre 7 – Juste un jeu

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Je crois que je savais déjà. Mais je ne voulais pas nommer ce que je ne comprenais pas encore.

Alors je laissais faire.

Ce soir-là, j’étais sorti de la douche avec la sensation étrange d’avoir laissé un peu de moi dans la vapeur. Mes cheveux encore humides me collaient à la nuque. Je portais un t-shirt trop grand et un short qui me tombait presque aux genoux. J’avais l’air d’un gamin. D’un garçon qu’on ne remarque pas.

Mais Christian m’a vu.

Le salon était plongé dans une lumière douce. Il était là, assis sur le tapis, torse nu, une canette à la main, jambes allongées comme s’il était chez lui depuis toujours.

— Viens, on se met un film, a-t-il dit sans se retourner. Y a que toi et moi ce soir.

J’ai hésité. J’ai regardé autour. Personne. Maman n’était pas rentrée.

Je suis entré doucement, me suis assis à distance, sur le coin du canapé. Il a tourné la tête vers moi et a souri.

— Tu vas pas rester là-bas comme un invité timide… Allez, approche.

J’ai obéi. Je me suis assis par terre, à côté de lui, un peu tendu. Il a ri.

— Détends-toi, Aurore. J’vais pas te bouffer. C’est moi, Christian.

Il a tendu la main, a effleuré mes cheveux.

— Encore mouillés, hein ? T’as toujours les cheveux doux, toi… C’est toi ou le shampoing magique ?

Je n’ai rien dit. J’ai souri, gêné.

Puis il a murmuré, presque sans me regarder :

— T’as jamais été amoureux, hein ?

J’ai baissé les yeux. J’ai serré mes mains sur mes genoux.

— Non.

— Jamais ?

— Non… jamais.

Il a acquiescé doucement, comme s’il comprenait. Mais il a laissé un silence s’installer, un silence plein. Il m’a observé, longtemps. J’ai senti son regard descendre lentement, de mon visage jusqu’à mes bras, puis revenir à ma bouche. Puis il a souri.

— C’est beau, tu sais. Quelqu’un qui n’a pas encore été touché. C’est rare. Ça donne envie de prendre soin.

Sa voix était chaude. Grave. Elle vibrait juste au creux de mon ventre.

Je ne savais plus si c’était une parole gentille, ou autre chose. Mais je l’ai crue.

Il s’est rapproché un peu. Son genou a effleuré le mien. Pas un geste brusque. Juste un contact. Léger. Mais assez pour me faire oublier comment respirer.

— T’as une manière d’être… fragile, a-t-il soufflé. Comme si t’étais pas encore tout à fait dans ce monde.

Il a passé la main sur ma nuque, lentement.

J’ai frissonné.

Puis, il s’est penché et a murmuré tout près de mon oreille :

— Faut pas que t’aies peur de ressentir.

J’aurais dû dire quelque chose. Mais j’avais la gorge nouée. Et une chaleur étrange dans la poitrine.

Alors je suis resté là, à écouter son souffle, à laisser ses doigts effleurer ma peau comme on touche un livre précieux.

J’étais troublé. Mais je ne voulais pas partir.

Parce que c’était la première fois que quelqu’un me regardait avec autant d’attention.

Et même si je ne comprenais pas tout, j’avais besoin d’exister dans ses yeux.

Alors j’ai laissé faire.

Juste un jeu, ai-je pensé.

Juste un jeu…

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