Chapitre 7 : Le rendez-vous raté

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Délia errait dans les rues sombres, la nuit se fondait à l’horizon. Sans destination précise, elle cherchait un moyen de contacter Anoki. Elle arriva sur une place vivante et illuminée, avançant avec précaution. Au loin, le seul banc vide l’attendait au centre, trop exposé mais elle s’y installa quand même. Elle observait les gens autour d’elle qui profitaient de la vie, tel un spectacle. Beaucoup de jeunes entouraient les restaurants et les bars. Elle vagabondait dans ses pensées quand une présence l’envahit. Elle se leva puis recula d’un coup. Juste devant, elle reconnut le jeune geôlier du laboratoire. Prête à la confrontation, elle le fixa d’un regard revolver.

— Ne t’inquiète pas, n’aie pas peur, j’suis pas là pour te capturer, dit-il d’un ton calme et rassurant.

— Ah bon ? Et je dois te croire sur parole, c’est ça ? ironisa-t-elle.

— Non, bien sûr. Mais fais-moi confiance, j’ai téléphoné à Anoki, il ne va pas tarder.

— Anoki ! répéta-t-elle, très surprise.

— Oui. Je le connais très bien. On était voisins quand on était petits. Ensuite, on a pris chacun un chemin différent.

— Je vois ça, il n’a rien à voir avec toi, je confirme qu’il a pris le bon chemin.

— Le bon chemin ! Je ne sais pas. Écoute, ne restons pas là, nous sommes à la vue de tous. Tu es recherchée, ils sont à tes trousses, il ne faut pas trainer.

— Non, non ! J’reste là, je n’ai pas confiance en toi. Qui me dit que c’est pas un piège que tu prépares ?

— Mon prénom, c’est Maikan. Tiens mon téléphone, regarde c’est le numéro d’Anoki. Vas-y prends le et Appelle.

Elle saisit le téléphone avec ferveur et fit un bond en arrière, par précaution. Elle vérifia le numéro affiché avant d’appuyer sur la touche « appel ». Anoki décrocha au bout d’une seule sonnerie, un grand soulagement envahit tout son être. Entendre sa voix la rassura. Il lui demanda de se mettre à l’abri des regards et de faire confiance à son contact sur place. Il lui confirma qu’elle ne risquait rien. Elle exécuta ses recommandations sans rechigner, elle avait une grande confiance en lui.

Elle suivit le geôlier jusqu’à sa voiture. Ils prirent une direction lugubre et sinueuse. À sa question sur la destination, il ne répondit pas ; il lui demanda, une fois de plus, de lui faire confiance. Il lui concéda seulement qu’Anoki allait bientôt les rejoindre.

Au bout de quelques minutes, ils arrivèrent au front d’un petit chemin de terre. Une petite maison en bois se dressait dans la pénombre d’un petit bois. Elle s’inquiéta, la peur de l’inconnu l’accaparait. Pour se réconforter elle pensa fort à son seul espoir, Anoki. Après quelques minutes, Anoki arriva. Elle l’attendait de pied ferme, à sa vue, elle courut vers lui et sauta dans ses bras.

— Délia, comment ça va ?

— Bien. Je suis lessivée, mais j’me porte bien.

— Malika est très inquiète pour toi, elle a hâte de te revoir.

— Comment elle va ma petite chérie ?

— Je lui ai donné de tes nouvelles, elle est rassurée. Et pendant ton absence, elle n’a pas chômé, elle a géré toute l’organisation de l’occupation et de la manifestation. Elle a fait du bon travail.

— Ça va, elle est toujours à la hauteur de ses ambitions.

— Allez, il faut filer maintenant.

Ils se dirigèrent vers le campement où un grand comité d’accueil les attendait avec impatience. Délia était tellement pressée de rejoindre le camp, que la route lui paraissait longue. Fatiguée physiquement et surtout psychologiquement, elle tomba rapidement dans les bras de Morphée.

Quand elle ouvrit les yeux, elle regarda vers sa gauche et vit Anoki à l’extérieur de la voiture. Il lui fallut quelques secondes pour comprendre qu’elle venait d’arriver sur le terrain où elle avait laissé tous ses amis. En moins d’une seconde, la voiture fut entourée par une foule venue l’accueillir. Submergée par l’émotion, elle resta un moment dans la voiture. Elle salua d’un regard timide tous les membres qu’elle croisait. Elle surgit lorsqu’elle aperçut Malika, postée à une vingtaine de mètres. Elle la serra très fort, des larmes chaudes coulèrent sur leurs joues.

— Tu nous as fait très peur, quelle joie de te voir ! s’émut Malika.

— Je sais. Moi aussi, j’suis très heureuse de vous retrouver, répondit-elle en essuyant ses larmes.
— Allez, rentre, Délia, tu dois avoir faim. On t’a préparé un bon repas.

Après ce moment intense de retrouvailles, la foule s’éparpilla telle un tas de feuilles emporté par la brise. Les filles gagnèrent un chapiteau aménagé d’un confort rudimentaire. Délia observa le changement survenu sur le terrain durant son absence. Elle constata un aménagement sur toute la surface occupée. De hauts chapiteaux en guise de salon ou de cuisine, avec tout le confort et le matériel nécessaires. Elle s’émerveilla du travail accompli. Elle aperçut des légumes fraîchement sortis des parcelles de terre qui jalonnaient des lignées de tentes installées avec une parfaite minutie.

Alors qu’elle scrutait ce beau paysage, Anoki les rejoignit et l’apostropha pour lui divulguer une information importante. Son père s’inquiétait pour elle, il avait téléphoné plusieurs fois pendant sa captivité.

— Au dernier moment, j’ai mis ton père au courant. J’estimais qu’il devait savoir, déclara Anoki.

— Tu as bien fait. Il a dû se faire un sang d’encre.

— Oui, c’est sûr. Il s’est tellement inquiété qu’il a sauté dans le premier avion. Il arrive d’ici une heure et je me suis proposé d’aller le chercher. Tu viens avec moi ?

— Quoi ? Il arrive dans une heure ! Bien évidemment que je viens !

— Je n’ai pas encore eu le temps de lui apprendre ta libération, tout est allé trop vite.

— Tant mieux, c’est l’occasion de lui faire la surprise !

— Allez, on y va, on va être en retard.

L’idée de revoir son père l’immergea dans une grande joie. Elle se propulsa d’un geste dans la voiture, prête à rejoindre l’aéroport. En chemin, elle racontait ses mésaventures pendant sa captivité, Anoki était choqué. Elle se demanda à voix haute comment expliquer tout cela à son père. Il lui conseilla d’être la plus sincère possible, de dire les choses naturellement. Une autre question lui taraudait l’esprit, pourquoi le jeune geôlier était-il venu à son secours alors qu’il la maintenait prisonnière quelques temps auparavant ? Anoki répondit que ce dernier lui devait beaucoup, qu’il lui avait sauvé la vie par le passé, sans plus de précision. Un long silence envahit l’habitacle. Son esprit volait à la rencontre de son père.

À peine arrivés devant le terminal, elle vérifia sur son smartphone la position de l’avion, l’atterrissage était confirmé. Elle se dirigea hâtivement vers le hall des arrivées. Anoki, largué loin derrière, dut doubler le pas pour la rattraper. Ils se placèrent enfin devant la porte d’où devait arriver son père. Les voyageurs commencèrent à déboucher dans l’allée centrale ; Délia scrutait chaque visage, mais son père n’apparaissait pas. La foule se diluait à vue d’œil, le flux s’éclaircissait, sans laisser paraître l’être tant attendu. Plus le temps passait, plus elle s’inquiétait. Elle patienta encore, espérant un retard. Une heure s’écoula, plus personne ne sortait. L’avion ne devait plus avoir d’âmes à son bord. Elle ne comprenait pas, son père n’était jamais descendu.

Sans attendre, elle se rendit au comptoir de la compagnie aérienne. En traversant le hall, elle aperçut, derrière la grande vitre, le tapis à bagages. Instinctivement, elle jeta un coup d’œil et s’arrêta net à la vue d’une valise solitaire. Elle reconnut celle de son père, seule, tournant sans que personne ne s’en souciait. Elle s’approcha et posa ses mains sur la vitre. La valise fit un nouveau tour, toujours seule. C’était bien la sienne. Elle regarda Anoki d’un air désespéré, sans dire un mot. Il lui répondit par un regard assombri, il comprit très vite son désarroi. D’un geste synchronisé, ils se précipitèrent au comptoir pour demander des explications.

— Madame, l’avion XW355 s’est posé il y a plus d’une heure. Mon père s’y trouvait, mais il n’en est jamais sorti. Que se passe-t-il ? demanda-t-elle, paniquée.

— C’est quoi son nom et son prénom ? répondit l’hôtesse.

— Alan Briton.

— En effet, il a bien embarqué à Paris-Charles-de-Gaulle.

— Oui, ça on le sait. Mais où est-il maintenant ?

— Je me renseigne auprès des douanes, il a peut-être été retardé par un contrôle.

Elle saisit son téléphone avec une grande hésitation. Après quelques secondes de conversation, elle regarda Délia d’un air surpris et observa un long silence avant de reprendre :

— Je suis désolée, mais il n’y a personne au contrôle douanier.

— Quoi ! C’est pas possible. Il y a forcément une erreur, mon père n’a pas pu se volatiliser. J’exige de voir un responsable de la police. Il aura certainement une explication plausible, ordonna-t-elle.

Devant sa hargne et sa détermination, l’hôtesse s’exécuta sans mot dire. Au bout de cinq minutes, deux policiers arrivèrent et proposaient de les suivre jusqu’à un bureau. Anoki, discret, ferma la marche avec une méfiance. Dans le petit local, ils s’assirent, sauf Anoki. Un des policiers expliqua, sans détail, que son père faisait l’objet d’un contrôle approfondi et qu’il fallait l’attendre dans le hall. Délia n’accepta pas cette réponse toute faite et demanda davantage d’informations. Elle souhaita notamment savoir pourquoi son père faisait-il l’objet d’un tel contrôle ? Elle avait besoin de savoir. Les policiers, froids, refusèrent d’en dire plus dès sa première question, se retranchant derrière la confidentialité d’une enquête en cours.

Ils sortirent anéantis, sans réponse adéquate, mais ils ne se laissaient pas abattre. Ils marchaient vers la voiture quand Anoki, pensif, exprima sa conviction. Pour lui, c’était sans aucun doute un enlèvement. Délia confirma. Ils firent le lien entre son père et le laboratoire qui expérimentait les puces électroniques, cela ne pouvait être autre chose.

Alors qu’elle ouvrait la porte de la voiture, elle aperçut de loin un 4x4 noir démarrer en trombe. À sa hauteur, elle jeta un regard furtif et distingua son père assis à l’arrière.

— Il est là, dans la voiture noire ! Poursuis-la ! cria-t-elle.

Sans répondre, il accéléra à fond et la pourchassa.

— Ok, je ne la lâche pas. Mais tu es sûre que c’est lui ?

— Oui, certaine. Je reconnaîtrais mon père entre mille. Accélère, vite !

Anoki se concentra sur la voiture qui filait à vive allure. Il prit des risques, ne la quittant pas des yeux, dévoilant tout son talent de pilote. Soudain, une main sortit de la vitre arrière du 4x4, un revolver pointait vers eux. Il esquiva les balles du mieux possible. La situation devenant trop dangereuse, il décida d’arrêter la poursuite. Du moins, c’est ce qu’elle crut. Une fois le véhicule immobilisé, Anoki portait sa main sur sa hanche droite. Il la releva, elle était couverte de sang. Choquée, c’était la première fois qu’elle voyait un blessé par balle, elle se précipita pour l’aider à s’asseoir côté passager. Elle prit le volant et fonça vers l’hôpital, mais Anoki lui déconseilla de s’y rendre. Arriver là-bas avec un blessé par balle aurait déclenché un appel à la police, et ils n’avaient pas le temps pour ça. Il lui proposa de se diriger vers le nord, chez un médecin qu’il connaissait depuis l’enfance et qui pourrait le soigner dans l’anonymat. Elle apprécia son courage et fonça. Elle s’arrêta sur le bord de la route. Elle improvisa un garrot avec les moyens du bord, il perdait beaucoup de sang.

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