248 - pour une transfusion
On se sent plus légères tout d’un coup, dans le silence sacré de notre Maison 72, Marie et moi, unies ici, tous les jours on revient l’une à l’autre, elle quitte sa Mairie et moi mon Ambassade laissant Clara et Ariana dans le sillage de notre existence commune. Ma commune, la Riviera, donne un peu d’âme à cette contrée éloignée du bout du monde comme les deux mondes que je porte devant moi, vers l’avant, vers l’autre, les autres, un lait autre comme une Foi qui se propage et prospère, de la page blanche d’une mère que je suis pour toutes mes filles, dans toutes leurs bouches par lesquelles elle boivent ma Parole. Mais j’ai besoin de réponses. Je demande un rendez-vous à l’Hôpital. Pendant qu’elle m’ausculte de bas en haut, je discute avec Pippa.
- Comment va Li ? Tu arrives à la voir souvent pendant sa formation ?
- Elle voulait venir pour te voir mais elle est coincé, à l’Est, encore.
- Je vais l’inscrire dans un protocole d’extraction pour la ramener.
- Il faut aussi quelques séances d’exorcisme je pense.
Pippa met à jour mon dossier et passe aux analyses et aux courbes avant se retourner pour me prendre les mains et passer aux choses sérieuses.
- Alors docteure, c’est grave ? J’ai beaucoup changée, tu trouves pas ?
- Si, je trouve. Le plus important, c’est ce qui se voit pas, se mesure pas et tu en es remplie Jenna, à commencer par tes seins. Ton lait n’a rien de béni. Il est différent parce que tu es différente. Unique même. Peut-être même mortelle. Même si tu ne vieillis pas. Tu restes fragile. Mais stable.
- Et dans mon ventre, c’est le bordel j’imagine…
- Ça dépend ce qu’on en fait. C’est le monde de tous les possibles.
Je suis la Déesse de mon propre multivers où je peux enfanter toutes les générations possibles. Je suis une sorte de Greta quantique. Greta. Je passe la voir en 44 mais elle n’est pas là. Mon monoa la localise en Principauté, dans sa maison d’armatrice sur le port. Je la trouve dans son jardin en train de tailler des rosiers. Elle brille ? Je sens sa douce odeur qui se mélange à celle des roses. Elle me regarde de ses yeux bleus intenses, ils ne sont plus gris. Elle m’accueille d’un large sourire aux dents blanches, ça me fait presque peur.
- Greta, qu’est-ce qui t’arrives ? Tu resplendis. Tu es une Déesse.
- Non, si, merci mais c’est grâce à toi. Ton lait est vraiment spécial.
- Il est différent, ça dépend de qui le reçoit. Chacune y attribut son propre pouvoir. Je ne suis qu’une messagère, une révélatrice.
Elle pose son sécateur, enlève son tablier, me prend la main et m’entraîne à l’intérieur, nos tétons se cherchent déjà pour une transfusion.
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