FLEUR
J’arrose la fleur, des années durant,
Sous le soleil lourd, sous les vents tremblants.
Elle grandit, silencieuse, comme un espoir,
Tissant sa vie dans l’ombre d’un doux devoir.
Puis soudain, des herbes jaillissent sans fin,
De mille couleurs, dans ce jardin incertain.
La pluie descend de cieux aux tons multiples,
Et mes yeux se noient dans des merveilles simples.
J’attends, patient, ce miracle de croissance,
Comme on attend l’amour ou la délivrance.
Et quand la tige devient bois, droite et fière,
Elle me rend grâce — je sens sa lumière.
Condensée en fleurs, en éclats de tendresse,
Je l’offrirai, sans haine ni paresse,
À Germaine, à Mimie, à toutes mes marâtres,
Et même à celle qui fut parfois ingrate.
Car je ne sais rien, non, rien du lendemain,
Je n’ai pas la taille de Dieu dans mes mains.
Je ne peux voir derrière ce mur opaque,
Et si je le pouvais, ma vue serait flaque.
Le futur pour Dieu est un soleil ardent,
Pour moi, une nuit longue aux pas hésitants.
Il voit d’un trait ce que j’effleure en larmes,
Et moi, je vis guidé par de frêles charmes.
J’espère qu’un jour, aux carrefours du temps,
Les circonstances viendront doucement,
M’offrir des réponses, peut-être un chemin,
Où mes yeux liront, dans le silence, un destin.
En attendant, je sème et j’arrose encore,
Même sans savoir ce que cache l’aurore.
Je n’ai que la patience, l’ombre et la foi,
Et ce doux vertige de marcher sans voix…
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