Jour 8
Tous les regard étaient posés sur un nain à la peau parcheminé, marqué par des cicatrices et des rides. Sa barbe blanche dissimulait sa bouche, on ne pouvait que deviner qu'il parlait par la voix caverneuse leur parvenant. Il lança le début du rassemblement et d'une main lourde de nombreuses bagues, il désigna les différents participants.
« Et pour finir, voici des représentants du peuple de Midgard accompagnée de Thémis la Sage, Voyageuse. »
Des murmures se rependirent dans l'assemblée, Luce essaya de supporter l'attention des nains et de ceux avec qui elle avait navigué, car eux même avaient douté du fait qu'elle avait bu à la source. Elle se demanda comment les nains pouvaient affirmer ainsi quelque chose qu'elle ne leur avait pas dit. Et comment leur parole pouvait avoir assez de valeur pour changer les opinions.
Elle avait été mise à l'épreuve sans le savoir.
« Nous l'avons mise à l'épreuve durant son séjour parmi nous et son comportement est celui d'une fille de Mimir. Ce point maintenant éclaircie... »
La jeune femme ne fit pas attention à la suite des propos du nain, car elle chercha désespérément quelle avait été cette épreuve. Revisualisant son séjour à Nidavellir, elle finit par en déduire qu'elle n'était pas consciente lors du test, puisque dès son réveil, les nains avaient témoigné un respect envers sa personne.
Hedda devait savoir.
Sans vraiment le comprendre, Luce savait qu'il lui fallait cette information. C'était important, mais pourquoi ? Cela lui permettrait-il de saisir un peu mieux sa nature transformée depuis qu'elle s'était quasiment noyée ? Se retenant de trahir son exaspération face au chantier de sa vie, elle se reconcentra juste à temps sur les déblatérations du nain.
« Nous en avons fini avec les allégations du peuple de Midgard, passons pour finir, à celle de Thémis la Sage. »
Se mettant debout, de nouveau au centre de l'attention, la Voyageuse sentit que le choix de ses mots seraient important, tout comme la dose de vérité. Il lui fallait penser à intégrer un minimum de politesse si elle voulait que tout se passe bien, car après tout, elle restait une humaine.
« Pour ma part, commença-t-elle d'une voix forte, je souhaite aller à Helheim. Même si Nidavellir a beaucoup à offrir, je ne peux m'éterniser ici.
— Les dernières personnes étant passées par ici pour aller à Helheim disaient la même chose...
— Il me faut les rejoindre avant qu'ils ne commettent une erreur pouvant être à l'origine d'un grand chaos. »
Des conflits éclatèrent à différents endroits de la salle, obligeant le nain présidant l'assemblée à faire revenir le calme. Des discussions apaisées prirent place et après un long moment de débat et de concertation, une décision fut prise.
« Nous te guideront jusqu'au passage vers le monde de Helheim. »
Et ainsi, l'assemblée prit fin.
Hedda marchait à côté d'elle, en direction de la salle de banquet. Luce lui jeta un coup d’œil avant de se lancer, elle avait trop de questions et peu de temps pour obtenir des réponses.
« J'avais quelques questions, Hedda, si cela ne te dérange pas de me répondre. »
La guerrière lui signe de continuer, imperturbable.
« Quelle épreuve les nains m'ont-il fait passer pour que vous croyez au fait que j'avais bu à la source Mimir ?
— Nous avons assisté au retrait de Jörmungand au moment où il a croisé ton regard, signe incontestable que tu avais la prestance nécessaire pour arrêter la tourmente. Certains avaient encore des doutes, mais les nains ont profité de ton sommeil pour te soumettre à un artefact révélant la vérité. Et tes notes contiennent des croquis de l’œil d'Odin se trouvant au fond de la source lorsqu'il fait nuit. »
Tout l'air quitta ses poumons à l'instant où elle comprit pourquoi cet œil hantait ses songes. Elle savait enfin, et cela ne la soulageait qu'à moitié. Quelle était la raison pour que ce détail revienne dans ses rêves régulièrement ?
« Comment me considérez-vous alors ? murmura Luce avec hésitation.
— Pour nous tu n'es plus totalement humaine. Seul Odin et les gardiens de la source ont déjà absorbé de l'eau de Mimir. Tu n'es pas une déesse, on ne le devient pas en obtenant la sagesse absolue et tu n'es pas une prophétesse n'ont plus. Par ta beauté, on pourrait penser que tu es une Valkyrie, mais tu n'es pas une guerrière. Tu es un cas auquel nous n'avons jamais été confronté, alors nous t'avons simplement attribué l'épithète de Sage. »
Méditant ces paroles, elle suivit Hedda dans la salle de réception. Il était temps de goûter à la fameuse bière des nains. Peut-être qu'elle trouverait des réponses à ses questions. La sensation de retomber en adolescence était particulièrement désagréable, devoir retrouver ses repaires et comment elle se voyait alors qu'elle avait déjà dû le faire durant des années... Sa vie était quand même plus tranquille quelques années auparavant, et en cet instant, cela lui manquait un peu.
Le passage vers Helheim était un trou, protégé par une lourde trappe d'acier. Des runes étaient sculptées dessus et l'énergie s'en dégageant rappela à la jeune femme que ce n'était pas un jeu. Elle risquait sa vie, et à minima, son âme. Mais elle se devait de continuer pour rattraper ses erreurs. Un regret pinça son cœur, elle aurait aimé être accompagnée. Chassant l'image d'Asmodée, elle sauta dans l'inconnue. Son sac était lourd de provision et des cadeaux nains, elle avait essayé d'expliquer qu'elle serait obligée de repasser par Nidavellir, cela n'avait servit à rien. Glissant de plus en plus profondément vers ce qui semblait être l'Enfer nordique, elle poussa un petit cri de surprise en ne sentant plus le toboggan de pierre. Elle chuta brièvement dans le vide, terrifiée, avant d'atterri sur un monticule de branche. Grimaçant, elle se redressa un peu et activa la pierre lumineuse que lui avait donné les nains. Un sentiment d'horreur se saisit d'elle lorsqu'elle comprit qu'elle n'était pas sur des branches, mais sur un monticule d'os. L'odeur de cadavres en décomposition lui fit avoir un haut-le-cœur. Luce s'extirpa au plus vite de ce monticule macabre, et tomba nez à nez avec le corps mort purulent d'un des Thésée avec qui elle avait voyagé jusqu'au monde des géants. Elle ne sut si ce fut ce constat ou le relent qui vint à bout d'elle, mais elle recula d'un pas, se pencha ressortit violemment tout ce qu'elle avait avalé précédemment. Essuyant sa bouche avec un mouchoir, elle s'éloigna le plus rapidement possible, les jambes tremblantes. Peu importait là où elle se rendait, il fallait qu'elle trouve un endroit vide pour reprendre ses esprits. S'affalant contre un mur de roche lisse et sombre, elle se concentra sur sa respiration. Ils n'étaient plus que deux et elle.
Ils pourraient mourir avant qu'elle ne les rattrape.
Un frisson descendit le long de son dos. Prenant son courage à deux mains, elle se releva en saisissant la petite croix qu'elle portait. Celle-ci avait été déplacée à son poignet, pour plus de discrétion. Priant à mi-voix, elle s'enfonça dans la brume épaisse. Elle avançait à l'aveuglette, s'attendant à croiser un mort qui pourrait lui indiquer le chemin.
Cependant, elle marcha trois heures, sans voir à plus d'un mètre devant elle et ne croisa personne. Pas une âme de damné, juste de la glace et un où deux fossés vides. Tout était vide, presque propre si on ignorait la boue couvrant les fonds de chaque fosse. Elle n'avait revu aucun cadavre, aucun os... Était-ce un juste un accueil spécial pour dissuader de s'avancer dans les ténèbres ? Lasse d'ignorer où aller, fatiguée de ne voir que de la brume et de la boue, elle faillit tomber dans un fossé. Se ressaisissant, elle se concentra sur le chemin défilant sous ses pas et lorsqu'elle promena de nouveau son regard sur son environnement, elle vit un immense palais. D'un noir d'encre brillant, il avait de grands vitraux teintés. Luce préféra ne pas s'attarder sur les motifs dessinés et les scènes qu'ils étaient sensés représenter. Elle prit les escaliers, dangereusement glissant, qui menait à une porte à deux battants. Chaque porte semblait peser plusieurs tonnes, leur épaisseur visibles parce qu'elles les trouva entrouvertes. Les sculptures représentaient les différents supplices des Enfers. Songeant qu'elle ferait des cauchemars durant les prochaines nuits, elle s'introduisit. Le hall avait un plafond si haut qu'elle ne pouvait que le deviner. Deux escaliers flanquaient une nouvelle porte, celle-ci fermées.
Il ne vaut mieux pas ouvrir ce qui est fermé, pour ne pas se risquer à réaliser le mythe de Pandore.
Ce n'était pas de la peur, mais de la prudence. La jeune femme n'avait jamais été aussi peu en confiance durant les différentes épreuves qu'elle avait traversé. Décidant d'opter pour l'escalier de droite, elle se figea en entendant un bruit de pas. Ils étaient légers et rapide, ce devait être une petite créature, bonne ou mauvaise ? Tomber sur un diablotin de serait pas une rencontre agréable. Les sens en alerte, Luce fut surprise de voir un être semblable à ceux qu'elle avait croisé chez Asmodée. La bestiole s'arrêta en la voyant, la scrutant de ses trois grands yeux globuleux. Puis, sans qu'elle n'ait le temps de réagir, elle la vit se précipiter vers elle. Pour une raison lui appartenant, la créature se mit à tourner autour d'elle. Quelle ne fut pas sa surprise en l'entendant s'adresser à elle.
« Vous êtes de retour, vous êtes revenue. Maîtresse Hel sera heureuse, maître Asmodée non, mais maîtresse Hel veut absolument vous rencontrer. »
Sa voix était atroce, une sorte de grincement lugubre et parfois, lorsqu'il disait le nom de ses maîtres, le grincement devenait suraiguë. Se retenant de plaquer ses mains sur ses oreilles, Luce prit sur elle, car elle pourrait ainsi rencontrer la maîtresse des lieux. Ce n'était pas prévu, mais puisque le passage vers Niflheim n'était pas indiqué avec de grands panneaux lumineux et que personne d'autre n'était là pour lui indiquer la route, elle jugea que c'était sa meilleur option. Se mettant au niveau de ce bipède étrange, elle lui demanda de la guider. Son cœur battait trop fort, l'inquiétant qu'il puisse être entendu. Pourtant, cela ne perturbait pas son compagnon qui l'entraîna à travers le dédale des couloirs avant de s'arrêter. Les portes s'ouvrirent sans que personne ne les aident, rappelant à la Voyageuse qu'elle se trouvait dans l'entre du diable.
« Mais qui voilà..., serait-ce la jeune amie de ce cher Asmodée ? »
Le ton moqueur provenait du trône au fond de la pièce. Posé sur une plateforme le surélevant par rapport au reste de la salle, des barres d'or étaient installées derrière de manière à suggérer un rayonnement similaire à celui du soleil. Les dalles étaient grises, les piliers étaient du même onyx que les murs et les vitraux ressemblaient à ceux qu'elle avait perçut à l'extérieur. Il n'y avait que les teintutes rouge sang, pendant d'une colonne à une autre qui tranchaient avec le ton de général. Hel était assise sur le trône, sa robe était un mélange de soies fluides noires et broderies dorées. Elle suscita un mélange d'horreur et de fascination chez Luce, cela lui laissa une forte impression.
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