Jour 16

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    Luce ne pouvait pas bouger. Pas parce qu'As' avait encore trouvé un moyen de s'étaler encore plus sur elle, alors qu'elle s'était endormie dos à lui, à l'autre bout du lit. Mais parce qu'elle souffrait atrocement de ses courbatures, situées à des endroits impensables. Pourtant elle ne pourrait pas passer la journée au lit, comme cela était arrivée certains jour durant le mois précédent. Elle devait effectuer un voyage, officiellement pour ne pas s'effacer, officieusement pour voir sa famille et aller assister à une messe. La blonde commença à se demander s'il n'avait pas fait exprès d'agir ainsi, car il n'était pas impossible qu'il se doute des raisons de son aller-retour sur Terre. Ils ne parlaient jamais de sa foi, en fait ils ne parlaient pas beaucoup, à part lors des repas. C'était un peu étrange comme relation, elle si bavarde d'habitude se retrouvait apaisée par ce silence. Il faudrait un jour qu'ils s'expriment, mais pour le moment ils se contentaient de cette simple routine. Elle appréciait particulièrement quand il venait la chercher à la bibliothèque, elle pouvait discuter avec lui de ses recherches et lui poser quelques questions. En fait, cela lui fit un peu mal au cœur de se rendre compte qu'elle attachait une réelle importance à tout ces petits moments, elle les affectionnait. Par leur biais, c'était lui qui finissait par lui plaire.

    Prenant son courage à deux mains, puisqu'elle commençait à vraiment avoir besoin de faire un tour, elle s'extirpa difficilement du lit. Cette fois elle ne s'amuserait pas à jouer au chat et à la souris avec la police, elle n'était pas en état. Un vertige la prit, dû à l'épuisement. Elle se ressaisit et profita d'un  regain d'énergie pour se préparer et sauter dans sa bassine. Elle apparut dans sa chambre et retint de justesse un juron devant le saccage. Elle descendit rapidement les escaliers pour voir ses proches, mais une envie de vomir la prit subitement par surprise. Luce atteignit les toilettes à temps et vida son estomac de sa bile. Se relevant, suspicieuse face à son état, elle commença à faire une liste des raisons pouvant causer un vomissement. Ce fut ainsi qu'elle faillit percuter son petit frère, qui poussa un petit cri de stupeur en la voyant.

« Luce !

— Oh salut, désolée j'étais entrain de...

— C'est toi qui as vomi dans les toilettes à l'instant ? la coupa-t-il, une moue dégoûté au visage.

— Oui, marmonna-t-elle en détournant le regard de gêne. Je ne sais pas trop pourquoi, je ne suis pas spécialement malade ou fiévreuse.

— T'es enceinte ? suggéra-t-il en rigolant.

— Mais non voyons, contra-t-elle du tac au tac.

— Tu tombes bien... »

Elle n'entendit pas la suite de la phrase, trop perturbée. Il était parfaitement possible qu'elle soit enceinte, après tout, ils ne se protégeaient pas. Mais c'était impossible non ? C'était un ange déchu, il ne pouvait pas être fertile et elle était quasiment certaine que les êtres en dehors du temps et de l'espace ne pouvait concevoir. Pas vraiment rassurée par cette excuse, elle se dit qu'acheter un test de grossesse ne ferait de mal à personne et au moins elle serait rassurée. Sortant de ses pensées à la vue de la table de petit déjeuné occupée par l'intégralité de sa famille, elle prit le temps de les saluer, de leur donner des nouvelles. Elle parvint à ne pas évoquer sa Promesse, bien dissimulée son sa manche, et où elle vivait actuellement.

« Luce, l'interpella sa mère avant qu'elle ne parte. Il faut que tu arrêtes de voyager dans la maison...

— Je vais le faire, ne t'inquiètes pas. Je m'en irai de l'église et vous pourrez venir me voir de temps en temps le dimanche. Je vais essayer d'être régulière et d'aller à la messe au moins une fois par mois. »

Le regard de sa mère était si triste, la jeune femme sentait à quel point elle souffrait de ne pouvoir profiter plus de sa présence. Du bruit quelques rues plus loin, la fit redouter la police et elle préféra déguerpir au plus vite. Ce fut dans un état de mélancolie important qu'elle finit par rentrer dans l'église.

    Elle se réceptionna parfaitement, et compris rapidement qu'elle était de retour dans la chambre. Mais elle ne voyait pas Asmodée, alors qu'elle voyageait toujours vers lui lorsqu'elle venait dans sa demeure et qu'il y était. Peut-être n'était-il pas là ? Ou peut-être... Une main se posa brusquement sur son épaule, la faisait sursauter, pousser un cri de surprise et lâcher sa bassine. Sans qu'elle n'est le temps de comprendre, elle se retrouva soulevée dans les airs, puis poser sur une épaule comme un sac à patate, avant d'être étalée sur le lit. Les yeux dans les yeux, elle fronça les sourcils en voyant l'expression d'As'.

« Apparemment, tu peux encore bouger. Ravie de constater que je peux augmenter le rythme puisque tu sembles t'être habituée. »

Son ton neutre ne lui permettait pas de savoir s'il était irrité qu'elle se soit faufilée sans rien lui dire, ou s'il était juste amusé. Elle pâlit un peu rien qu'à l'idée d'intensifier leurs ébats, de façon très réaliste, elle n'avait jamais été très sportive et mourir ainsi ne lui paraissait pas très glorieux. Déglutissant, elle chercha quelque chose à dire ou à faire pour lui échapper. Peut-être avait-elle de la chance, mais quelqu'un vint les interrompre à ce moment-là alors qu'il n'y avait jamais personne chez l'ange déchu.

« SIDONAYYYYYY, appelait l'inconnu, OÙ TE CACHES-TUUUUU ? »

Luce l'entendit jurer à propos de son invité imprévu. Elle allait lui demander de la libérer, mais il le fit de lui même, la poussant vers une porte qui venait d'apparaître dans le mur.

« Va à la bibliothèque, je viendrai te chercher. »

Et juste avec cette phrase, il la laissa en plan. Haussant les épaules, la blonde prit son bloc note et passa la porte, elle devait continuer ses recherches. Arrivée dans la bibliothèque, elle songea qu'il lui fallait aussi faire le test de grossesse et qu'il serait bien plus pratique de le faire pendant que son compagnon était occupé.

    Elle repoussa ce test durant plusieurs heures, avant de finalement craquer, car même si elle ne voulait pas le faire de peur de trouver un résultat positif, sa situation l'empêchait de se concentrer réellement. Elle céda à son anxiété, et la gorge nouée elle attendit le résultat. Un bruit la fit sursauter, elle se redressa et quitta les toilettes en dissimulant le test dans une poche intérieur. Quelque chose se brisa, une vitre ou un verre. Elle se précipita à l'intérieur de la bibliothèque et vit Asmodée tenir quelqu'un d'autre au-dessus du vide. Son regard croisa celui de la créature et elle perçut qu'il était de même nature que son agresseur.

C'était un des seigneurs des Enfers.

Il avait les cheveux d'un blanc éclatant et un sourire carnassier. Une vague de rage atteignit la jeune femme, et elle soupçonna que cela venait du lien qu'elle entretenait avec As'.

« Oooh voilà la souris, déclara l'inconnu. Tu nous présentes Sidonay ?

— Dégage d'ici, menaça le concerné, les dents serrées.

— Tu n'oserais pas me balancer, hein ? Pas alors que je pourrai murmurer au sujet de ton engagement à Satan et Belzébuth...

— De toutes manières, ils seront bientôt au courant. »

Le démon aux cheveux blanc ouvrit de grands yeux et s'accrocha fermement à son bras, l'air fou.

« Tu vas quand même pas faire d'une humaine catholique la... »

Luce n'entendit pas la fin de la phrase, car l'intrus fut lâché dans le vide. Elle poussa un couinement de surprise, pas d'inquiétude, car il était probablement encore en vie. Asmodée se frotta la main, ne s'intéressa même pas au parasite qu'il venait de jeter et se tourna vers elle.

« Bien, s'exclama-t-il d'un ton joyeux. Où en étions-nous avant que cette chose nous interrompe ?

— Nulle part, l'arrêta-t-elle en s'avançant vers lui. Donne-moi ta main. »

Il obtempéra, l'incompréhension peinte sur son visage. Elle prit, examine et siffla pour appeler une créature.

« Il me faudrait une pince à épiler et un cristal d'eau. Pas besoin de pansement je suppose ? »

Il secoua la tête, un peu sidéré qu'elle prenne la peine d'enlever le verre incrusté dans sa main. Il avait oublié qu'elle était compatissante. C'était exaspérant et adorable. Enfin cela le semblait, car elle ne mit absolument aucune délicatesse dans ses gestes. Il serra les dents, jurant mentalement, ce n'était pas douloureux, juste désagréable. Pour remuer ainsi la pince dans ses plaie elle devait se venger de quelque chose, non ?

« Maintenant imagine cette douleur en pire, peut-être six fois plus importante que de simplement retirer des bouts de verre d'une plaie.

— Oui, confirma-t-il prudemment.

— Je souffrais à ce point-là ce matin, et ce n'était pas la première fois. Donc, nous ne sommes pas dans l'obligation d'augmenter la fréquence de nos ébats. »

Il grimaça et prit rapidement la fuite, peu désireux d'argumenter face à la jeune femme en colère. Il aurait plein d'autres occasions de la faire pencher en faveur de cela. Elle soupira de soulagement et s'affaissa, une migraine atroce la harcelait depuis un petit moment. Elle s'installa dans son recoin et appela encore une fois une créature pour remplacer la fenêtre cassée. Appuyant son front contre la vitre froide, elle s'endormit sans s'en rendre compte.

    Elle se réveilla, somnolente, elle constata que ce serait bientôt l'heure du dîner et As' allait venir la chercher. Puis soudainement elle se souvint du test de grossesse. Elle le sortit de sa poche, mit un moment à se souvenir de qu'est-ce que signifiait deux barres. Elle mit une main sur sa bouche en état de choc. Doucement, elle se leva, ouvrit la fenêtre et balança le plus loin possible. Il fit un joli vol plané, avant de disparaître dans le gouffre. Une fois la fenêtre refermée, elle se plia en deux, se concentrant sur sa respiration pour ne pas perdre pied. Sa vie venait de se compliquer un peu plus. La seule possibilité rassurante pour elle, était qu'il y avait peu de chance qu'elle puisse amener à terme une grossesse qui était le fruit d'une humaine et un ange déchu. Luce réussit à prendre sur elle, se calmer et se lever. Elle avait survécu à pire, assistée à des morts injustes et des trahisons cruelles. Elle pouvait donc s'occuper correctement d'elle et de cette drôle de grossesse. Il restait juste à savoir comment elle allait pouvoir mettre en place un suivit, alors qu'elle n'existait plus aux yeux de l’État. Peut-être pourrait-elle demander à cette bonne amie de sa mère qui était sage-femme... Ou trouver à Midgard quelqu'un. Sinon elle avait la possibilité de se rendre à Shishiyo, capitale d'un Monde extrêmement moderne. La métropole était si grande qu'il était impossible qu'elle tombe sur un Voyageur. Elle reprit place, un livre ouvert sur les genoux et avant de plonger dans sa lecture, elle nota mentalement qu'il fallait qu'elle se renseigne sur les récits de progéniture avec des démons ou créature de ce genre.

    Elle venait de découvrir enfin une étude mettant en relation les Promesses et les Voyageurs, quand Asmodée vint la chercher. Il n'avait plus besoin de tirer sur leur lien pour la retrouver, puisqu'elle ne bougeait pas de son coin. Elle se permit de lui offrir un petit sourire avant de le bombarder de questions.

« Dans le livre que je viens de lire, commença-t-elle, les chercheurs disent que les Promesses datent au moins de l'époque gallo-romaine. Peut-être même de la Grèce Antique. Pourtant tu m'avais expliqué l'autre jour que les Voyageurs et les Promesses étaient apparues en même temps. »

Elle le vit réfléchir, un mèche de cheveux glissant à peine devant son visage quand il l'inclina vers elle pour répondre.

« Il me semblait pourtant qu'il y avait eu des Voyageurs en Grèce Antique et des traces témoignant de leurs existences en Mésopotamie. »

Bouche-bée, le cerveau de la jeune femme tournait à plein régime. Leur avait-on mentit ? Ou était-ce un savoir perdu ?

« J-je suis un peu... Étonnée de l'apprendre, on m'a toujours dit que c'était une découverte du vingtième siècle.

— Oh non, s'amusa-t-il. Je t'assure qu'il y en a eu bien avant cela. »

Elle hocha la tête, absorbant les informations pour mieux orienter ses recherches à l'avenir. Elle avait le sentiment qu'il y avait des détails important dans cet amas de données, elle devait juste mettre les bonnes pièces ensemble.

« Cela me fait penser à autre chose ! s'exclama-t-elle, paraissant le plus naturel possible.

— Oui ?

— Que partage-t-on lors d'une Promesse ? Pourquoi spécifique ma chaleur et ta durée de vie ? Est-ce que cela à quelque chose à voir même avec le simple fait de partager des bouts de nous à travers ce lien ? Et est-ce que tous les liens sont sensibles comme le nôtre ? »

Il parut sur le point de partir en courant face à toutes ces interrogations, puis il dut penser à une bonne raison de rester.

« Je ne sais pas pourquoi on partage des bouts de sa propre personne lorsqu'on fait une Promesse, mais je sais que c'est en général des détails important pour soi ou pour la réalisation de cette Promesse. Par exemple, tu avais besoin que j'ai un chaleur corporel, c'était important. Et si tu as une durée de vie plus longue, c'est pour que cela soit plus équilibré, nous pouvons ainsi réellement profiter l'un de l'autre sinon tu ne serais qu'une étincelle dans mon existence. Quant à la sensibilité... »

Il se tourna vers elle, fit un sourire malicieux et elle eut l'impression d'avoir une bouffée de chaleur soudaine.

« Disons que c'est notre petit moyen à nous de mieux communiquer.

— Cela t'arrange bien », souffla Luce en retenant à peine son propre amusement.

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