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Lorsque le jour se leva et réveilla Romikéo, Gaëlla étira ses membres ankylosés et se frotta les yeux, épuisée par son tour de surveillance nocturne. Ils remballèrent leurs affaires et furent prêts à quitter les lieux en quelques minutes. Alors qu’ils étaient sur le départ, le jeune homme bâilla et dit :

– Allons vérifier si mes collets ont été plus efficaces au cours de la nuit qu’hier soir.

Ils s’enfoncèrent dans les bois proches, et cueillirent sur leur passage quelques baies et plantes comestibles, qui leur firent office de petit-déjeuner. En faisant le tour des pièges, ils eurent le bonheur de trouver un écureuil, capturé et encore vivant.

– Enfin un peu de viande ! s’exclama Gaëlla.

Son estomac gargouilla à la vue de ce qu’elle considérait comme un festin, désormais accoutumée au rude régime de la vie sauvage.

– Ce sera pour midi, dit fièrement Romikéo, en détachant puis abattant la bête d’un coup sec sur la nuque. Mais il faudra faire attention à la fumée que dégagera notre feu… Bien, mettons-nous en route, maintenant qu’on a le déjeuner !

Depuis qu’ils avaient dépassé les collines au creux desquelles ils s’étaient arrêtés pour la nuit, le paysage avait évolué autour d’eux. La végétation se rarifiait, les roches se teintaient d’une coloration ferreuse, et les reliefs s’accentuaient. Des montagnes se détachaient derrière un ciel de plus en plus sombre, laissant deviner de nombreuses anfractuosités sur leurs flancs stériles.

– Le temps se gâte, dit alors Romikéo, essayons de rejoindre la montagne la plus proche et de la longer. Si l’orage éclate, nous n’aurons qu’à nous abriter dans les cavités rocheuses un peu plus haut.

Gaëlla approuva, sans se plaindre de ses pieds douloureux, ni de la faim qui la faisait souffrir. Elle était si impatiente de dévorer leur prise et de faire une pause, qu’elle espérait que l’orage les contraigne à s’arrêter au plus vite.

Elle fut exaucée à peine une heure plus tard, lorsqu’une violente averse s’abattit sur la vallée. Par chance, ils avaient atteint la montagne, et purent se réfugier dans un creux de la roche suffisamment large pour les protéger des gouttes.

Serré l’un contre l’autre, ils contemplaient le précipice à quelques mètres d’eux, tandis que la pluie et le vent redoublaient d’intensité.

Gaëlla hésita un instant, puis déposa sa tête contre l’épaule de Romikéo. Ce dernier lui prit délicatement la main, et ils demeurèrent immobiles et silencieux jusqu’à ce que les gargouillis de leur estomac ne retentissent si fort qu’un ours aurait pu croire à l’appel d’un congénère.

Ils avaient fort heureusement eu la présence d’esprit de collecter du petit bois et des branchages secs sur leur chemin, avant l’orage, et parvinrent sans trop de peine à allumer un feu au fond de la cavité, à l’aide du briquet emporté par Romikéo.

Lentement mais sûrement, l’écureuil, que le jeune homme avait au préalable dépecé puis planté sur une branche verte, commença à dégager un alléchant fumet, à mesure que sa chair dorait au-dessus des braises. Quelques racines et champignons, récoltés dans les bois au cours de la journée, grillaient à côté de la petite bête.

Lorsque la viande et les accompagnements furent bien cuits, Romikéo les découpa en parts égales avec son couteau de chasse. Gaëlla, qui salivait plus férocement que jamais, tenta de ne pas se jeter sur sa portion. Les premières bouchées qu’elle prit furent un régal pour ses papilles trop peu sollicitées depuis des semaines.

– Mmh… Ça m’avait manqué, s’extasia Romikéo, la bouche pleine. Tu ne dois pas connaitre cet animal, mais je trouve que l’écureuil a la saveur du lièvre, ma viande préférée. Ce serait incroyable qu’on parvienne un jour à en attraper un, pour que je te fasse goûter…

Gaëlla, qui mastiquait un morceau filandreux, avala sa bouchée pour répondre.

– L’idéal, ce serait quand même de retrouver un semblant de confort à moyen terme… Au fait, on fuit pour s’éloigner de la civilisation, sans destination précise, mais on pourrait peut-être s’arrêter ici quelque temps, non ? On est protégés par la roche, le versant de la montagne opposée me parait trop proche pour qu’un hélicoptère se risque à raser les flancs. Et en survolant les sommets, il ne pourrait pas nous voir, ici.

Romikéo considéra sa proposition en mâchouillant un champignon grillé, avant d’approuver :

– Tu as raison, cette espèce de petite grotte nous offre un semblant de sécurité, alors autant en profiter. Mais on ne pourra pas rester très longtemps, au risque que la fumée de nos feux soit repérée, à terme.

Il fixa les braises encore rougeoyantes du foyer, l’air perdu dans ses pensées, puis reprit :

– Tu sais, il m’est venue une idée pendant la marche, aujourd’hui. C’est ton initiative de diffuser tous les documents secrets qui m’y a fait penser.

Gaëlla lécha ses doigts pour être certaine de ne pas gaspiller un gramme de nourriture, et leva les yeux vers le jeune homme, en attente de la suite.

– Comme tu le sais, juste avant l’attentat au Centre des Séances d’Approche, je… j’ai coupé tout contact avec le groupe des Ediles de l’Ombre. Mais je suis certain qu’ils ne s’arrêteront pas là pour parvenir à leurs fins, et que la population sera en danger tant qu’ils seront libres. Malgré tout, je pense que leurs actions ciblées pour impacter l’Etat peuvent servir la cause qu’on défend : la justice, pour faire basculer le système, à partir du moment où les civils ne sont pas touchés.

– Je suis d’accord là-dessus, même si je déteste profondément ces terroristes, dit Gaëlla. Où veux-tu en venir ?

– Je pense qu’il faudrait tenter de les empêcher de commettre des actes de barbarie tel que des attentats sur le peuple, mais ne pas les arrêter pour des attaques directes du gouvernement, afin de les laisser faire le sale boulot, tout en laissant les citoyens en dehors de ça. En gros, c’est ce que je croyais qu’ils prévoyaient, quand je faisais partie de l’organisation.

– Bien sûr, ce serait parfait, mais comment veux-tu faire ça ? Ne me dis pas que tu comptes m’embrigader dans leurs rangs ?

Romikéo changea de position, pour se mettre en tailleur, avant de répondre.

– Toi non, certainement pas, mais je pourrais retourner parmi eux et essayer d’influencer leurs décisions.

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