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Lorsqu’elle se réveilla, Gaëlla vit d’abord le tas de prunes, puis le dos de Romikéo, assis face à l’ouverture dans la roche. En l’entendant bouger derrière lui, le jeune homme se retourna. Ses yeux étaient soulignés de profonds cernes, et la barbe de trois jours qui lui grignotait les joues lui donnait un air d’ours mal léché.

– Bien dormi ?

Gaëlla réalisa alors qu’il ne l’avait pas réveillée pour le relever au milieu de la nuit, et se redressa sur un coude, prête à lui faire la remarque. Romikéo ouvrit cependant la bouche avant elle :

– J’ai préféré te laisser récupérer. Tu avais l’air si paisible, je n’ai pas eu le cœur de te tirer du sommeil…

La jeune fille secoua la tête, mi-irritée, mi-reconnaissante.

– Tu aurais dû, rétorqua-t-elle, si tu comptes toujours réintégrer les Ediles de l’Ombre, il te faudra toutes tes capacités mentales et physiques.

À la tête de son compagnon, elle comprit qu’il avait voulu lui témoigner son affection, après leur querelle de la veille à ce sujet. Elle se redressa, le dos voûté sous la paroi rocheuse qui les protégeait, et s’assit à côté du jeune homme.

– Où as-tu trouvé ces fruits ? demanda-t-elle en désignant les prunes.

– Je suis descendu poser de nouveaux pièges dans les alentours, et j’ai découvert un prunier vers le bosquet, de l’autre côté de la montagne. Rassure-toi, je ne suis pas parti très longtemps et je n’ai pas arrêté de surveiller le ciel, ajouta-t-il devant l’air réprobateur de la jeune fille. Je voulais juste qu’on ait un petit-déjeuner correct, ce matin.

Gaëlla n’eut rien à répliquer, et se contenta de déposer ses lèvres contre celles du jeune homme, en guise de remerciement. Ce dernier passa un bras derrière son dos pour l’attirer dans une étreinte, et leurs langues se trouvèrent un instant plus tard.

La jeune fille frissonna en sentant les mains de Romikéo effleurer ses bras, et la cadence de leur baiser s’accéléra. Le souffle court, elle s’agrippa à la nuque du jeune homme et caressa ses cheveux avec un empressement passionnel, tandis qu’il laissait ses mains dériver jusqu’à sa poitrine. L’envie de parcourir son corps, de sentir sa peau sous ses doigts, fit naître une flamme brûlante dans le ventre de Gaëlla. Un désir lancinant anima ses gestes lorsqu’elle glissa ses paumes sous le tee-shirt de Romikéo, et remonta jusqu’à son torse, tout en scellant l’alliance de leurs lèvres plus intensément encore.

Tel un ostinato langoureux, le rythme de leurs caresses les enveloppa dans une mélodie envoûtante, et ils basculèrent en arrière pour prolonger leur étreinte sans l’importunité de leurs vêtements.

La petite grotte où les deux fugitifs avaient trouvé refuge s’avérait être une bénédiction ; trois jours durant, une épaisse pluie, à laquelle le sable du Sud se mélangeait, s’abattit sans discontinuer sur la région, gorgeant le vallon séparant les deux montagnes d’un torrent boueux. Leur antre ne les protégeait que partiellement, mais c’était toujours mieux que de reprendre leur marche dans ces conditions.

Romikéo avait renoué contact avec les Ediles de l’Ombre, et avait exposé l’histoire montée de toutes pièces par Gaëlla et lui, pour justifier son long silence. Malgré les craintes de la jeune fille, les terroristes n’avaient pas remis en question leur version, appuyée par les informations relayées par la presse, à propos de l’arrestation d’un membre du groupe, et ses soi-disant aveux.

S’il avait été suspecté de quelque chose, ç’avait plutôt été d’être responsable de la fuite des documents top-secrets, mais Romikéo était parvenu à détourner les soupçons, et de toute manière, l’entité rebelle avait d’autres préoccupations, il l’avait vite senti.

Petit à petit, à travers des échanges virtuels, le jeune homme était parvenu à retrouver leur confiance, et dialoguait avec eux depuis, faisant montre de bonne volonté, afin qu’ils s’ouvrent à nouveau et lui confient de nouvelles missions.

Ce midi-là, un vent glacé charriait la pluie brune jusque dans la petite grotte. Gaëlla ne parvenait pas à se réchauffer depuis son réveil, et le feu qu’ils avaient tenté d’allumer pour le déjeuner n’avait jamais pris, leur laissant la prise du jour sur les bras, immangeable en tant que telle. Faute de mieux, ils avaient avalé quelques prunes en attendant de pouvoir faire cuire la viande, mais doutaient que le bois sèche rapidement.

C’était donc d’humeur bougonne que les deux rebelles discutaient stratégie afin d’envisager la suite des événements, serrés l’un contre l’autre pour se protéger des rafales et se tenir chaud.

– Si le soleil ne se montre pas bientôt, mon EC n’aura plus de batterie, et je ne pourrai plus joindre le groupe, pesta Romikéo.

– Ce serait désastreux, grommela Gaëlla, espérons que ce fichu vent finisse par chasser les nuages avant…

Comme pour les narguer, une gerbe de pluie charriée par une bourrasque les éclaboussa un instant plus tard. Ils maugréèrent de concert, et se collèrent encore davantage, tout en tentant de tenir l’EC hors de portée des gouttes.

– Ah, un nouveau message, s’exclama alors Romikéo.

Il désigna un point rouge qui clignotait dans sa messagerie, à côté du groupe « Les rats sortent de l’ombre », la conversation des Ediles ; et cliqua sur l’icône. En lisant le contenu du message, ils frissonnèrent tous les deux.

– C’est bien ce que je craignais, dit Mik, atterré. Un nouveau projet d’attentat… Je me doutais qu’ils préparaient quelque chose, mais j’espérais qu’ils ne viseraient pas les civils, cette fois.

Gaëlla déglutit avec peine, encaissant l’information. De nouveaux messages s’affichèrent alors sur le fil de la discussion, puis s’enchainèrent en cascade. Les yeux de Romikéo parcouraient l’écran à toute vitesse, et il faisait défiler l’écran si vite pour suivre le rythme que Gaëlla n’avait pas le temps de lire.

– Où prévoient-ils de le faire ? demanda-t-elle à brûle-pourpoint.

Le hackeur mit un temps avant de répondre, absorbé par le flux d’informations.

– Je ne peux pas croire qu’ils… Bon sang, quelle bande de tarés, s’indigna-t-il. C’est impensable…

– Mais parle, enfin ! s’impatienta la jeune fille, paralysée par l’angoisse.

– Ils visent le Quartier des Pouponnières. Ils veulent éliminer tous les nourrissons, Gaëlla.

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