Encore les Ardennes !

2 minutes de lecture

Cependant, il y avait une station météo à la maison forestière de Briquenay qui affichait tristement trois cent vingt jours "d’inclusions atmosphériques", c’est à dire que le soleil n’apparaissait que quarante jours par an ! Il fallait être natif du cru pour endurer ces « ciels bas et lourds » quasi permanents. Non, il ne pleuvait pas vraiment, juste un fin crachin, une bruine de jour comme de nuit, qui débutait généralement en septembre pour s’étioler devant les rares éclaircies d’avril/mai. Au début c’était plaisant, Michel avait vraiment l’impression que la pluie ne mouillait pas ; puis arrivait l’hiver pour de vrai, le verglas tombait, la neige était lourde, mouillée, les bottes qu’on enlevait qu’un mois par an étaient de véritables glacières ! Au printemps, la pluie reprenait et les exploitations forestières laissaient de profondes ornières, on y rentrait jusqu’à la taille. Cela faisait la joie des crapauds sonneurs à ventre jaune et œil en cœur, cousins des sonneurs à ventre flamboyant du delta Danube.

Les Ardennais sont des gens simples, durs à la tâche mais sans cesse en train de rechigner. Lors d’un vin d’honneur après la cérémonie du 11 novembre devant le monuments aux morts, les vieux du pays avaient discuté avec Michel de l’administration forestière… tout un programme !

- C’est pas que c’était mieux avant, mais vous comprenez, du temps des Allemands, la forêt était vraiment exploitée.

- Pourquoi, aujourd’hui on fait quoi ?

- Ben, y avait du travail pour tout le monde, et les Allemands, ils avaient même fait une gare à Briquenay, et les bois, tous nos beaux chênes, ils partaient directement à Berlin ! Oh ben mon gamin, t’étais ben jeune en c’temps là et p’is, c’était les Eaux et Forêts, aut’ chose ! Mais vraiment, du temps des allemands, ça marchait tout seul ! Et p’is, on les connaissait bien ces fridolins, ils nous sont passés trois fois dessus…

- C’est à dire ?

- Ben la guerre de 70...

- Ah ouais, la bataille de la dernière cartouche à Sedan ?

- T’à fait mon grandet, p’is y a eu 14 et enfin 40 ! Rhôôô, ça marchait bien de c’temps là… Non mais tu rends compte, surtout que la voie ferrée partait de chez nous pour aller directement à Berlin !

- Ça laisse rêveur…

Et ils ressortaient de la salle des fêtes à la nuit, tous bourrés. Il est vrai que Michel leur prêtait une oreille attentive et il était respecté, avec son képi et son grand uniforme, comme à la parade. Ils en étaient fiers. Le garde forestier avec l’instituteur et le maire, étaient les trois piliers de la République. Ça a bien changé, et l’Administration Forestière aussi.

Le temps passant, Michel s’ennuyait un peu - dans la vie, il y a ceux qui ont un métier et les autres qui travaillent, Michel lui avait un métier - du manque d’envergure de sa hiérarchie, des dossiers administratifs qui s’empilaient dans des armoires, et à la fin de chaque année, rejoignaient la poussière des archives (Ah ah ! C’est ça la gestion administrative), des ouvriers forestiers syndicalistes qui étaient plus souvent en réunion qu’en forêt. Alors, quitte à être fonctionnaire et en faire si peu, autant le faire au soleil ! Le système est quand même un peu pervers, non ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Mon cher Edouard ! ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0