après la pluie vient le beau temps

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L’année 2003 fut gravée dans les mémoires familiales. Tout d’abord, en mars, Claude Allègre, ministre de l’Éducation Nationale fit un discours tonitruant, disant qu’il allait « dégraisser de mammouth » ! Enfin, la Fonction Publique allait se débarrasser de la kyrielle de petits chefs qui jalonnaient et momifiaient la hiérarchie par leurs privilèges et surtout leur incompétence notoire. Peut-être que l’Établissement gagnerait à être plus dynamique et compétent dans son domaine. Effectivement, depuis la grande réforme de l’année précédente, le nouveau DG, nommé par le Président de la République, était un cadre supérieur issu des rangs de l’industrie automobile (Renault) ! C’est peut-être à cette occasion que l’ONF-Corse fut doté de Kangoo ?! Ah pour manier des tableurs Excel, ils sont forts ; mais pour gérer du vivant, c’est une autre paire de manches ! Finalement, ce discours ne resta qu’un effet de manche.

Puis en juillet de cette même année, la famille s’endeuilla. Lors d’une randonnée sur le GR20 dans les Aiguilles de Bavella, Anne-Marie eu un accident !! Certes elle avait quatre-vingts ans, mais cette mamy était affûtée depuis toujours, avait gardé les chèvres dans le Rizzanese du temps où elle fréquentait Paul, emmenant ses petits-enfants coucher dans les refuges de montagne, les bergeries de Palieri, d’Asinao ou de Conca. Une météo désastreuse et imprévue mit en péril une vingtaine de personnes parties randonner en montagne en différents groupes ; des orages de grêle d’une violence inouïe s’abattirent dès trois heures de l’après-midi sur le massif, alors qu’une heure auparavant, il faisait un temps estival. Nous étions le 27 juillet. Michel partit avec le PGHM pour aider aux secours. Sur la variante alpine la catastrophe lui serra la gorge ; comment annoncer ce drame à sa famille ? À vingt heures, le sous-préfet de Corse du Sud dépêché sur site, devant des congères de grêlons, annonça un triste bilan, sept personnes mortes d’hypothermie, dont trois allemandes, un ado du continent, deux enfants italiens et Anne-Marie partie en excursion avec des ados du collège de Sartène. Paul déjà diminué depuis la mort de son fils dans un attentat à la Chambre de Commerce de Bastia ne s’en remit pas. Il partit dès l’automne rejoindre "u su amore per sempre" son amour de toujours, en automne. Autant pour Anne-Marie il y eut un enterrement sobre et modeste, réservé à la stricte famille et aux amis, où Marie-Napoléone su rester digne et austère sous sa voilette noire, s’occupant des petits enfants et recevant avec tenue la famille et les proches, autant il y eut des obsèques imposantes pour l'inhumation de Paul à Lévi. Marie-Napoléone nous demanda d’y participer avec la plus grande réserve et discrétion. On aurait dit que la diaspora corse s’était donnée rendez-vous pour honorer le patriarche : confrères du corps médical, barons Corses de la politique de tous bords et autant de représentants de factions autonomistes, sans doute en souvenir de Don-Paul, mort en martyr ! On tira au fusil lors du passage du cercueil, l’Abbé de Sartène bénit l’assemblée… La famille Maestracci n’était plus, hormis quelques lointains cousins de Haute-Corse.

Dans les mois qui suivirent, des coups de chevrotine furent tirés contre les volets de maison forestière et pour la date anniversaire de la mort de Paul à l’automne 2004, revenant d’un week-end en Castagniccia, le Kangoo ONF avait brûlé devant la maison forestière. Michel porta plainte à la gendarmerie pour destruction du matériel de l’État puis rendit son registre d’ordre et son képi et demanda à partir à la retraite.

- Marie-Napoléone, partons, ils vont nous rendre fous !

Pour la première fois Michel connaîtra des moments de découragement. Il songera sérieusement à quitter l’île, la France, l’Europe et s’en aller s’oublier chez les Inuites ou les Mongols… Va-t-il se produire, se produire à la dernière heure, ce miracle ?

- C’est trop dommage, dit-il à son ingénieur de division, la Corse c’est beau, il y a 30 % de cons comme partout ailleurs mais 2,5 % d’indépendantistes qui empêchent l’île de tourner rond. Vous aviez raison, la Corse sans les Corses ce serait peut-être mieux ? Mais différent. Ah ! Le bon dieu avait raison quand il répondit à Saint Pierre qui le tannait pour cette île de beauté : tu verras quand j’aurai mis les habitants dedans !

Il avait servi l’Office National des Forêts depuis 1967. Il était rentré dans l’établissement un an après la transformation de l’Administration des Eaux & Forêts en EPIC par Edgard Pisani, ministre de l’agriculture. Comme disaient ces anciens collègues, en devenant ONF, on a perdu les eaux !

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