J’aime beaucoup les mathématiques, mais malgré mon attrait, je n’arrive pas à rester concentrée et je me perds dans mes pensées. Je remarque avec horreur lorsque la sonnerie retentit que je n’ai rien noté.

— Révisez bien pour le contrôle de la semaine prochaine, dit le professeur pour conclure. Ce chapitre en fera partie. Bon courage à vous, vous en aurez besoin, ajoute-t-il avec un sourire enjôleur, mais sadique.

Je suis dans le pétrin…

– Dur… souffle Lucas.

– Et ça, ce n’est que la face cachée de l’Iceberg…

– Vu ce que tu viens de penser de lui, en effet, je crois avoir saisi…

– Qu’entends-tu par-là ?

– Eh bien, pendant que tu l’écoutais vous condamner à mort la semaine prochaine, tu répétais, inconsciemment je pense, ce qu’il disait. Et tout en l’écoutant, tu ajoutais des petits commentaires, comme des annotations de ce qu’il vous a déjà fait, ainsi que ce qu’il pourrait vous faire. Et tout cela était agrémenté d’un mot qui revenait constamment : « connard ».

– Wouah, et tu as entendu tout ça, là ?

– Plus ou moins distinctement, oui.

– C’est dingue.

– Tu l’as dit.

Je range mes affaires, étonnée par les prouesses de mon esprit.

– Tu as déjà fini ta journée ?

– Oui.

– La chance…

– Après deux heures de maths, heureusement qu’on n'a rien après. J’ai beau aimer cette discipline, elle n’en reste pas moins très fatigante.

– M'explique la fille qui n’a rien suivi du cours, ricane-t-il.

– On se demande pourquoi, rétorqué-je, et avant même qu’il ne puisse répondre, je reprends : Dis-moi…

– Oui ?

– Tu es en quelle matière, là ? Je ne perçois rien.

– C’est parce que j’aime bien t’écouter. C’est plus intéressant que la philo…

Je ris.

– En effet. Merci de ne pas me la partager alors, j’apprécie.

Cette fois, bien qu’il fasse froid, il fait aussi très beau et j’ai envie de marcher un peu. Je passe devant une boutique qui commence à mettre des décorations de noël. C’est très joli.

Anniversaire.

Je fronce les sourcils.

– C’est bientôt ton anniversaire ? demandé-je à Lucas, comprenant que cette information n’est pas de moi.

– Ah, oui. Je suis né le 24 décembre 1998.

Tiens. Ça me fait penser au Lucas que je connaissais quand j'étais petite. Lui aussi, c’était le 24 décembre, non ? Je me souviens d'avoir pleuré pour lui, car il devait être malheureux de ne recevoir des cadeaux qu’une fois dans l’année.

Mais, autant de ressemblances, est-ce seulement normal ?

– Dis-moi…

– Je m’appelle Lucas Auché, répond-il à la question que je n’ai pas eu le temps de poser.

– Non ! Sérieusement ? Auché ?

Pas de doute, je reconnais le nom. Finalement, c’est bien lui.

– Oui. Maintenant que tu en parles, la Rachel que je connaissais, je l’ai rencontrée en maternelle et nous avons cotoyé la même classe jusqu'en primaire. Je crois me souvenir de toi.

Je ris, pas déçu pour un sou et un brin nostalgique.

– Par contre, tu m’as menti. Tu n’as pas dix-sept ans, mais bientôt dix-neuf.

– Qu'est-ce que tu racontes ? Je ne t’ai pas menti ! s’exclame-t-il vivement, outré. J’ai dix-sept ans !

Je sonde ses pensées pour y déceler une vérité cachée et il me reçoit avec assurance, bien qu’il semble mécontent que je le remette en question. Troublée, je poursuis ma réflexion :

– Mais alors, comment expliques-tu que nous étions dans la même classe ? La classe des élèves de 1997. Tout le monde était de 97.

– Je suis de 98. Je ne sais pas.

Je le sens respirer de manière erratique.

– Je suis de 98… dit-il avec difficulté.

– Je t’assure que dans notre classe, s’il y avait eu quelqu’un de plus jeune, ça aurait fait du bruit, renchéris-je. Mais rien.

– Étrange…

– Étrange, en effet, répété-je, mal à l’aise.