CHAPITRE 1 - Cogito ergo sum (Je pense donc je suis)

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Je n’ai pas d’existence réelle ni de nom.

Il me semble que derrière ma venue en cette dimension se cache un impénétrable mystère. Il me faudrait retourner à l’origine de mon apparition pour me confronter à une véritable énigme. En cet instant, je puis affirmer que ma présence en cet univers provient d’une singularité que je ne suis pas en mesure d’expliquer, même à toi, mon Autre. De même, je n’ai pas les mots pour définir qui je suis, me sentant incorporée dans les profondeurs d’une conscience intersidérale, concept inintelligible pour l’ensemble des humains.

Tu l’as compris, ma réalité immatérielle remonte bien avant la gestation du chaos interstellaire et de l’émergence de la flèche du temps, particularité qui m’a permis de concevoir que l’Amour a germé à partir de ce désordre primordial. Cependant, il ne s’agit pas de n’importe quel amour, mais d’un Amour inconditionnel, éternel et spirituel.

Sur ce globe que tu nommes Terre, l’Amour est le ferment qui m’anime et cela passe par la fusion des âmes et des briques du vivant. Je n’ignore pas que cette fusion est régie par les lois de la Création dans le but de nous transporter, toi et moi, vers la Lumière originelle, vers l’Éther ou l’Ākāśa dont la force est la genèse du grand Tout.

En esprit, je possède cette mystérieuse faculté de glisser à travers la spirale du temps, traversant les différentes ères, du Paléocène jusqu’à celle dans laquelle tu respires aujourd’hui. Toujours en esprit, j’ai aussi le don de me multiplier et de m’incarner dans l’organisme de n’importe quel être vivant, accédant ainsi à sa part d’animalité.

Si je pouvais t’expliquer que je peux me maintenir tapie dans le néant durant des millénaires, des siècles ou des années, cela pourrait paraître étrange à toi, simple mortel. Tu le serais davantage si tu connaissais l’intégralité de mes infinis secrets que je ne pourrais jamais te révéler et, quand bien même je le souhaiterais, je ne le pourrais pas. C’est à l’avènement de l’humanité que j’ai pu me matérialiser pour apparaître parmi les terriens et cohabiter avec eux. Peu à peu, je me suis aperçue qu’ils ont pu se forger une représentation des Cieux et, au-delà des Cieux, une projection de l’être supérieur qu’ils ont baptisée Dieu. Ils ont même transmis des écrits éparpillés aux quatre vents avant de les rassembler dans un volumineux ouvrage qu’ils ont appelé « Bible », laissant ainsi un témoignage scriptural au reste du Monde.

Mais là encore, je ne peux te l’avouer ; ils se trompent. La Vérité est bien plus complexe ce que l’esprit peut concevoir et comprendre.

À dire vrai, moi-même ne suis pas une divinité, même si on me désignait, en des temps très anciens, Ishtar, Astarté, Shiva, Aphrodite ou Freyja, que sais-je encore, tellement les noms qui me furent accordés furent légion ? Élément féminin et fille de l’Éther, je symbolise le calice de l’humanité, apte à donner la Vie, car je suis la Vie.

Franchissant les siècles par ma simple volonté et attendant mon heure, je deviens chair, capable de raisonner, d’enjamber les montagnes, traverser les mers, arpenter les routes et chemins de Göbekli Tepe à Jéricho, de Damas à Alep ou bien de Jérusalem à Rome, mais toutes ces considérations appartiennent maintenant au passé, car je reste fidèle à mon principe, celui de suivre la marche du temps.

C’est de cette façon que j’ai pu vivre plusieurs existences, chacune différente, et c’est lorsque je ressens les vibrations de mon Autre que je décide de m’incarner après avoir localisé la présence de mon âme sœur en une contrée déterminée. C’est à ce moment que ma mission prend forme. Mais parfois, très rarement, le rendez-vous ne peut se réaliser puisque je dois aussi tenir compte du sort de chacun, de mon Autre comme de moi-même. Tout n’est question que de stratégie, de lieu et de temps, et il n’y a pas de hasard, jamais de hasards, sauf celui de l’adversité ou du trépas. Que cela soit dit !

Ainsi, à plusieurs reprises, je fus accusée de sorcellerie, ce qui me valut de pleurer toutes les larmes de mon corps en raison des innombrables sévices et châtiments qui me furent infligés, puis de chacun des voyages vers l’au-delà qui me furent promis après ma présumée culpabilité. D’ailleurs, à ce propos, certains faits ont marqué les chroniques anciennes. Ce qui fut semblable pour les drames dont je fus la source et que les annales judiciaires ont consignés. Combien d’hommes sont tombés au combat pour défendre ma cause, et combien d’autres ont été pendus, décapités, empalés, sciés, écartelés, castrés, certains monstres testant les inventivités les plus diverses pour d’obscures raisons ?

Tu vois, simple mortel, de tout cela, je ne suis pas triste, même si j’éprouve une profonde désolation et du dégoût pour tout ceci. Mais le destin est ainsi.

Lorsqu’il est opportun que je me matérialise, je dois me décider à prendre corps, n’ignorant pas que j’aurai oublié qui je suis et qui j’étais, au moment de ma venue au monde. Ainsi soit-il !

Des signes annonciateurs, provenant de nulle part, me révèlent que le processus est mis en place. En cet instant, je ressens très fort les pulsations cardiaques de mon Autre, lequel s’est enfin manifesté quelque part sur Terre. Combien d’heures, de semaines ou de mois, va-t-il me falloir pour saisir une opportunité et fusionner avec le souffle vital d’un fœtus en voie de gestation ? Reste à localiser l’heureuse élue qui devra se rattacher à l’une de mes lignées parentes, exigence d’ordre vibratoire liant l’espace et le temps.

***

D’ici quelques instants, je vais pousser mon premier cri.

Dès mon expulsion de la matrice, je vais devoir tout oublier pour explorer une nouvelle existence, bien différente et inédite, ce que j’appréhende en raison de mes expériences passées. Le monde dans lequel je vais débarquer est-il aussi cruel que les autres, ce que je redoute ?

Jusqu’au jour du rendez-vous ultime avec mon Autre, le chemin va être long, très long, en raison des divers apprentissages qui vont m’être soumis et qui ne me laisseront aucun répit. De même, je vais devoir me familiariser aux us et coutumes et surtout m’accommoder à une personnalité qui ne m’appartiendra aucunement. Ce qu’ignorera l’entité dans laquelle je me suis invitée et jumelée, c’est qu’elle n’aura pas conscience d’être possédée par une intruse, étant une opportuniste qui n’a pas de nom, même si on m’appelle parfois « la Dame blanche ».

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