CHAPITRE 21 - Un réveil quasi impossible

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Jeudi 18 juillet 2013
9 h 17, moulin des Brumes, Bully, Seine-Maritime


Ma tête est lourde, excessivement lourde. Un mal de crâne lancinant me cogne entre les tympans. Je peine à émerger de mon sommeil, puis je perçois distinctement des pas précipités qui m’obligent à sortir de ma torpeur. Cependant, mon corps reste inerte. De longues caresses prodiguées sur mon cou et le visage produisent leurs effets. Pourtant je continue de dormir et je peux entendre au loin le son d’une voix off qui m’intime l’ordre de me réveiller.

— Olivier, tu dois commencer à t’activer ! Il est déjà plus de neuf heures… Il faut absolument que tu te lèves et que tu te prépares… Rien à faire… À toi, Claire, essaie de lui faire n’importe quoi, pour qu’il puisse enfin ouvrir les yeux.

Je sens que quelqu’un s’assied sur le bord du lit. Après une série de soufflets appliquée sur chacune de mes joues, je consens à soulever mes paupières. Je perçois, au milieu de la brume épaisse, l’esquisse d’une chevelure blonde postée à quelques centimètres de mon nez, ainsi que les fragrances d’un parfum qui me chatouillent les narines. Je crois reconnaître l’amie d’Isabelle dans ce brouillard encore diffus. C’est Claire qui continue de me gifler. Or, je déteste les doctoresses qui humilient les patients. Immédiatement, je retourne dans le non-être, ayant ce sentiment étrange d’abandonner mon enveloppe charnelle pour le plonger dans une sorte de léthargie.

Quelle sensation bizarre ! Jamais, de toute ma vie, je n’avais expérimenté une telle impression. Ce ressenti est si surprenant qu’il me laisse conjecturer que mon esprit, comme relié par un fil invisible, s’est désolidarisé de mon corps. Quelques êtres de lumière paraissent me veiller. Ces entités semblent m’alerter que je vais devoir me battre contre les fantômes du passé. Dès lors, je comprends que je suis sur le chemin d’un parcours initiatique.

Je perçois distinctement les paroles de Claire qui, s’inquiétant de mon état, se dit prête à appeler le centre de secours de Neufchâtel-en-Bray.

— Isabelle, es-tu certaine qu’il ne fume pas du hachich ou du cannabis, ton chéri ? J’ai pu discuter longuement avec lui, mardi, au téléphone, mais cela ne m’a pas permis de le connaître davantage.

— Je t’assure Claire, Olivier n’est pas le genre d’homme à se lancer en l’air avec de la drogue… Sa drogue, c’est moi.

— Bien ! Ce ne doit pas être triste chez toi ! Bon ! Pour ma part, je pense qu’il va reprendre ses esprits, car son pouls est régulier. Mais si jamais tu t’aperçois que je sprinte vers l’escalier, tu composes le numéro que je te laisse sur la table de chevet. Tu demandes à joindre Philippe ! Si tu lui communiques mon nom, à Philippe, il saura à qui il a affaire. Aussitôt, il enverra les secours pour qu’on l’emmène en observation à Rouen.

— D’accord ! J’ai compris. Au fait, Philippe, n’est-il pas le médecin-chef que tu avais invité à une soirée ?

— Oui ! C’est lui ! Ma petite Isabelle, je vais rester présente avec toi quelques instants, mais si ton copain ne s’est pas réveillé d’ici dix minutes, je vais devoir m’échapper pour aller récupérer la sacoche. Encore heureux qu’elle se trouve dans la voiture ! Par contre, si j’ai besoin du défibrillateur, je vais être obligée de galoper jusqu’à la maison. Dis donc ! Elle n’est pas banale ma visite qui ne devait durer que cinq minutes, rien que pour faire connaissance avec ton admirateur.

— Je suis désolée, Claire !

— Si tu m’avais prévenu qu’il fallait que je grimpe à l’étage pour le retrouver dans cet état-là, j’aurais directement pris ma sacoche en descendant de la voiture… Je t’avoue qu’il me fiche la pétoche, ton amoureux. Maintenant, son cœur semble ralentir. Je n’explique pas ce qui se passe et j’ai l’impression qu’il va nous faire le même coup que l’autre nuit… Attendons quand même un peu pour voir…

Réaliser que les deux pimprenelles s’activent autour de moi me rend hilare. En même temps, par bribe, mon esprit parcourt et fouille le temps : de longs cheveux bouclés flottent très près de mon visage et je me revois courir derrière les pigeons du parc Monceau. Je concrétise que j’ai 3 ans et ce voile opaque qui entrave mes souvenirs glisse pour me révéler la figure ravie de mon oncle Alexandre qui tape joyeusement dans ses mains. Il est dans sa tenue de jeune prêtre et veille sur moi comme la prunelle de ses yeux. C’est lui qui va m’inculquer les meilleures manières et me faire découvrir la Bible et la foi après que la gouvernante fut congédiée sous prétexte qu’elle méconnaissait les bons principes nécessaires à une parfaite éducation.

Certaines séquences oubliées ressurgissent : les bouilles rieuses de mes camarades de classes et de jeux m’interpellent. J’ai maintenant 15 ans et je cherche à contrecarrer le dressage rigide de mon oncle. Je viens de comprendre la raison : c’est l’âge de mes conflits intérieurs et je commence à me rebeller.

C’est là que, contre toute attente, s’impose le visage d’Isabelle qui s’adresse à moi pour me démontrer que je suis gouverné par un ça et un surmoi. C’est l’instinct de vie qui s’oppose à celui de mort, m’exprime-t-elle. Elle disparaît soudainement pour laisser place à Caroline qui a 15 ans. Elle régit mes premiers émois et cela me plaît. Caroline m’embrasse, Caroline se sauve. J’ai beau gambader derrière la donzelle, elle s’est envolée près de la rotonde du parc Monceau, comme les pigeons de ma petite enfance. Le temps s’accélère. Mon cœur lésé par Caroline chavire pour Cœur-de-biche. C’est ainsi que je nomme cette jeune demoiselle avant que j’apprenne qu’elle s’appelle Vanessa. Je n’ai que 16 ans et j’ai profondément le béguin pour elle, je ne sais même pas pourquoi. Elle s’en amuse, elle qui a pourtant 20 ans à peine. Et c’est avec Vanessa que je me promets de découvrir le monde des adultes.

Claire cherche à établir un diagnostic par l’observation de mes prunelles. En esprit, je me retrouve debout près d’elle et j’ai l’extraordinaire sensation d’avoir accès aux marches d’une dimension encore inexplorée, car je suis maintenant capable de tout connaître et de tout expliquer suivant mes propres interrogations.

Penchée sur ma dépouille, Claire laisse entrevoir le léger décolleté de son impeccable chemisier blanc bien repassé qui me permet de distinguer un pendentif en or sur lequel est gravée une photo de petite fille. Je peux analyser le visage d’Isabelle qui, plein d’inquiétude, me tient chaleureusement la main. Son amour est immense et tout son être est étonnamment baigné dans une sorte de lumière. C’est fort curieux, mais je détecte aussi une profonde tristesse émanant de tout son être. Je me sens partir quelque part, mais je ne sais où ?

— Son cœur bat toujours très faiblement, énonce Claire, qui a repris mon pouls.

À présent, les marches du temps me révèlent les évènements marquants de mon existence, en particulier ceux qui m’avaient construit ou déconstruit. Je constate que ma conscience le peut aisément, en raison d’infinis détails qui s’assemblent ou se désassemblent, dont certains s’estompent aussi vite qu’ils sont apparus.

J’éprouve une douce sensation au niveau de mon cou : une caresse… Isabelle m’effleure continuellement la nuque. J’aime ces caresses. Tous ces gestes chaleureux, je les ressens comme les claques qui s’abattent maintenant sur mes joues. C’est Claire qui s’investit dans cette tâche. Et cela, je n’en ai cure, car je lui affirmerais, un de ces quatre matins, que je déteste les doctoresses au cas où je retournerais à la vie. Elle l’ignore, mais l’une de ses consœurs m’a laissé un souvenir indélébile. De ce fait, je jure de lui dire mes quatre vérités à celle qui m’oblige à reprendre connaissance, à la seule condition que je revienne de la dimension dans lequel je baigne.

— Je crains vraiment qu’il nous fasse la même chose que dans la nuit de dimanche à lundi. Mon collègue, le docteur Diaz, n’avait jamais rencontré un cas pareil. Mais il me faut aller plus loin dans mes investigations.

J’admire Claire. Son premier diagnostic établi, je suis certain qu’elle va prendre ses jambes à son cou pour aller récupérer dans le coffre de sa voiture tout son attirail : stéthoscope, tensiomètre, oxymètre, et je ne sais quel autre matériel de torture. Reste le défibrillateur cardiaque… Je sais qu’elle hésite, car elle l’a laissé dans sa chambre, près de son lit, ce que je parviens à percevoir d’ici. De plus, la brume est apparue ce matin, ce qui va la retarder si jamais elle se décide à retourner chez elle en passant par la claire-voie. C’est à cet instant qu’elle s’étonne de ma tenue de nuit et demande à Isabelle de l’aider à retirer cette curieuse camisole.

— C’est moi qui lui ai suggéré d’enfiler ça pour la nuit, avoue Isabelle. Au départ, il n’en voulait pas.

— Je peux expliquer son point de vue… Tu pensais le ridiculiser ou c’est un de tes fantasmes ?

— Non, il n’avait pas emporté son pyjama et je n’avais que ça à lui proposer… Voilà pourquoi il a été fortement agité cette nuit.

— C’est même probable ! Perso, je n’aurais pas supporté.

— Claire, je préférerais que tu ailles récupérer ta sacoche maintenant, cela va me rassurer. Pendant ce temps-là, je me débrouille toute seule pour lui enlever son habit, tu me suis ?

— Parfaitement que je te suis ! Je ne suis pas idiote, Isabelle ! J’imagine que tu défends sa décence, n’est-ce pas ? Sa sacro-sainte pudeur, c’est quelque chose. Ça, je l’avais inclus dans mon diagnostic de mardi. Au fait, Isabelle ! Je te rappelle que suis médecin au cas où tu ne l’aurais pas encore intégré.

Aux petits soins pour son amoureux, la femme que j’affectionne est admirable, car elle s’exécute immédiatement, l’exercice s’avérant difficile en raison d’une chemise longue bloquée à la hauteur de mon postérieur. Comment va-t-elle opérer pour se sortir de cette ornière ? Après m’avoir remué dans tous les sens, Isabelle parvient à remonter le vêtement litigieux jusqu’au niveau de mes épaules, puis rabattant le drap du dessus sur mon bassin, Isabelle prend bien soin de préserver ma dignité.

Claire est revenue précipitamment, se rasseyant sur le bord du matelas, malmenant la literie dans le feu de l’action, mais, là encore, je n’en ai cure, prenant conscience que ma pudeur fut un artifice sans nul besoin dans ma vie terrestre. Cependant, ce détail à caractère masculin, maintenant visible, à travers l’étoffe du drap, à une réelle importance, car il prouve tout bonnement que je ne suis pas mort.

Je découvre le regard de mon amoureuse qui s’en étonne. Isabelle, masquant son sourire, attrape la literie pour l’arranger de telle façon que Claire ne puisse rien remarquer de mon état. J’apprécie les gestes doux de Claire lorsqu’elle me pose le tensiomètre, puis quand elle promène le stéthoscope au niveau de la poitrine.

— Claire ? Personnellement, je crois qu’il va reprendre ses esprits.

— Comment peux-tu établir un tel diagnostic ? Je suis profondément désolée, Isabelle, mais je suis dans l’obligation d’appeler les secours. Son cœur ne bat presque pas, du moins, c’est imperceptible. Je ne voudrais pas commettre une faute, tu comprends ? Cela serait grave ! Ce que je peux dire, c’est que j’ai l’impression qu’il est plongé dans une sorte de coma… Encore une fois, je ne parviens pas à expliquer ce qui se passe avec ton copain.

— Ça fait la deuxième fois en même pas quatre jours !

— C'est pourquoi je pars immédiatement pour aller récupérer le défibrillateur. Je vais demander à Christine de t’assister... Justement, elle est en bas dans le salon. Mais je considère que tu as raison et je pense qu’il devrait s’en sortir, s’il nous présente un scénario identique à celui de lundi !

J’écoute mes pimprenelles. Elles sont bien gentilles toutes les deux, mais je ne suis pas certain que je m’en tirerai comme ça. Que Claire revienne quand elle veut, car je ne suis absolument pas inquiet. Je crois même qu’en cet instant mon cœur s’est arrêté de battre et que je suis en train de vivre ce que ma grand-mère Romé avait déjà éprouvé par le passé : une banale expérience de mort imminente. À bien observer tout ce qui se passe autour de moi, je n’ai pas d’explications à apporter concernant la présence de tous ces êtres qui m’entourent, et encore moins ce fort rayonnement qui semble émaner d’Isabelle. Est-ce la manifestation du don de médiumnité dont elle m’avait fait part ?

Au cours de ma quête incorporelle à travers un long tunnel dans lequel s’alternent des flashs lumineux du plus éblouissant au plus sombre, je grimpe encore une marche intemporelle. À ce niveau, je découvre au milieu du chemin la magnifique Vanessa qui termine son stage, celui relatif aux soins collectifs sur lieux de vie, m’avait-elle souligné, dès le premier jour, lorsque je l’avais revue à l’intérieur du lycée Carnot, cela à ma grande surprise.

C’est inattendu, mais pour quelle raison est-elle ici, à l’intérieur de cet étrange tunnel dans laquelle je distingue, au loin, ce qui paraît être des aurores boréales multicolores ? Ne l’avais-je pas tant recherchée, Vanessa, après le scandale qui avait éclos au bahut ? Étonnamment, son beau visage est identique à celui contemplé, il y a dix-huit ans. Elle n’a donc pas vieilli ! Elle semble me faire un signe pour que je me dirige vers elle, lorsque soudainement, je perçois un éclat de lumière qui m’absorbe dans une spirale sombre.

Comme dans un zoom temporel, je me sens catapulté quelques années en arrière pour me retrouver, le lundi, face à Vanessa qui consent à m’accorder un premier rendez-vous avec elle pour le week-end prochain, histoire de fêter la fin de sa formation qui avait duré dix semaines.

Flash !

Le mercredi matin, dès mon retour au lycée, j’ai le cœur meurtri par le grave incident qui s’est déroulé la veille. Est-ce pour ce motif que Vanessa ne s’est pas présentée à son poste ? Je ne parviens pas à comprendre ce qui se passe, car il me manque des éléments factuels. Rapidement, par l’un de mes camarades, je suis informé que la direction de l’école s’est réunie en urgence pour traiter le cas Vanessa en fin d’après-midi. Est-ce la raison de sa disparition ? Désespérément, je cherche à expliquer ce qui a pu se produire mardi soir…

Dans ce tunnel mystérieux, lumineux, diffus et tournoyant sur lui-même qui vient de se muer en une gigantesque salle de cinéma, j’accède à la concrétisation de l’ensemble des évènements qui sont survenus ce mardi. J’ai maintenant conscience d’en avoir été la cause indirecte, car, avec surprise, je visionne qu’un rapport désastreux a été transmis à Vanessa, l’infirmière contestataire, ainsi qu’au cadre de santé qui accompagnait son apprentissage de deuxième année. Sans comprendre comment j’y suis parvenu, je déchiffre l’essentiel du document que Cœur-de-Biche parcourt à plusieurs reprises. Elle pleure. Bizarrement, je remarque que l’on m’a téléporté dans ce qui paraît être une simple chambre de bonne que je peux explorer pour la première fois. Vanessa est prostrée sur son lit, encore dévastée par ce qui lui arrive. La conclusion est terrible, sa rébellion contre un médecin scolaire a entraîné de facto une formation non validée.

Flash…

La lecture de ce document officiel me propulse immédiatement dans le corps du jeune homme non expérimenté et extrêmement pudique que j’étais naguère et que je demeure toujours. Consterné, je suis en train de revivre un épisode phare à l’intérieur du lycée Carnot. Après m’être dévêtu dans le vestiaire pour me mettre en petite tenue, je décide de passer la rituelle visite médicale en premier, grillant ainsi l’ordre établi par madame Merlot, l’infirmière en titre, espérant rejoindre, après, et en douce, la belle Vanessa qui officie au service administratif.

Mon étonnement grandit au moment où je découvre que ce n’est pas madame Merlot qui assiste la doctoresse, un bouledogue à la voix rauque que tout le monde connaît, mais Vanessa, réellement stupéfaite par ma présence lorsque je pénètre dans l’arène.

Je suis anéanti, car j’ai l’étrange prémonition que la séance ne va pas se dérouler comme je l’escomptais. À la vue de cette Arlette Morel dont la réputation n’est plus à faire, cela depuis belle lurette, j’ai soudainement envie de m’évanouir. Comprenant mon désarroi, Vanessa effectue un léger signe discret pour que je disparaisse de ce lieu.

Il est clair que Vanessa ne s’attendait pas à ce cas de figure. En une fraction de seconde, les idées et réflexions se télescopent dans ma cervelle. Il me faut moins d’une seconde pour envisager de repartir dans l’autre sens. Cependant, la mère Morel, qui est en train de se laver les mains dans le petit lavabo, mis à sa disposition, tout près de la porte, repère le manège de mon amie dans le miroir et met fin à mon entreprise, ce qui me tétanise. Dans mon dos, j’entends distinctement le verrou de la serrure qui est actionnée. C’en est fini pour moi, car les jeux sont faits. C’est là que je cherche à croiser le regard gêné de Cœur-de-Biche afin qu’elle réagisse et stoppe cette épreuve dont je connais déjà l’issue avec cette doctoresse d’une soixantaine d’années, réputée forte de caractère, vieille fille et perverse de surcroît. Je n’ignore pas que certains de mes camarades, dont Paul, l’ont surnommée Folcoche.

Je me sens forcé de me présenter devant cette femme autoritaire qui va d’abord me poser une batterie de questions, toujours les mêmes et souvent saugrenues. Suivant le rituel établi, Vanessa, assise à ses côtés, les yeux baissés, ce que j’espère, sera obligée de noter ce que lui dicte la praticienne. Cependant, je vais tenter de dissuader ce médecin à ne pas effectuer mon examen complet en raison de ma maturité.

Le cœur battant à tout rompre, je conçois que la situation est difficile pour Vanessa et pour moi surtout. Il est temps que j’intervienne pour sauver la face.

— Madame !

Pas de réponse… Elle est sourde ou quoi ?

Madame ! Madame ! S’il vous plaît !

— Lorsque l’on s’adresse à un toubib, on dit docteur ! Que désires-tu ?

— Comptez-vous me faire une consultation intégrale ?

— Normalement oui ! Quelque chose te dérange ?

— Oui !

— Sais-tu déjà ce qu’est un phimosis ?

— Un quoi ?

— Bon, je vois que tu as 16 ans. Tu es donc un adolescent encore en pleine construction. Il est réglementaire que j’établisse une évaluation clinique aussi précise que possible.

— Dans ce cas, je souhaiterais que la personne qui se trouve à côté de vous s’absente durant cet examen.

— Et pour quelle raison ?

— Je la connais !

— Tu la connais ?

— Oui !

— Qu’est-ce que tu veux que ça me fasse, jeune homme ? Vanessa est là en qualité d’infirmière stagiaire. Elle est ici pour apprendre comment ça se passe en milieu scolaire. Qui est-elle pour toi ? Ta sœur ? Est-elle de ta famille ?

— Non !

— Alors qui ? Ta fiancée ?

Je suis tétanisé, car il m’est pénible de répliquer à une telle question. N’ayant que 16 ans et Vanessa 20, je ne puis lui avouer qu’elle est ma petite copine, enfin presque, ayant tout remisé mon espoir en elle.

— Tu ne réponds pas, mon garçon. Éclaircissez-moi, Vanessa, vous connaissez ce jeune homme ?

— Oui, docteur Morel, je le croise parfois dans le quartier.

— Jeune homme, comme tu peux le constater, je ne peux rien pour toi, même si je comprends ce qui te préoccupe, mais…

— Madame, s’il vous plaît !

— Écoute bien, mon gars ! Vanessa restera ici, près de moi, pour observer et consigner ce que je lui notifie et ce que je lui explique. Pour ta gouverne, dans la profession qu’elle a choisie, elle en a entraperçu quelques-unes. Concernant la tienne, elle l’oubliera très vite et lorsqu’elle te croisera dans la rue, elle ne te reconnaîtra même pas. Te voilà rassuré ?

— Pas du tout !

Vanessa fait mine d’écrire sur un bloc-notes. Je ne sais pas s’il y a déjà eu un précédent avec cette doctoresse, mais mon amie, qui n’a pas souhaité se dévoiler, craint cette femme au caractère acariâtre.

Lorsque le moment de l’examen se concrétise, je parviens à interpréter un profond malaise dans le regard de Vanessa. C’est à cet instant que j’essaie de lui faire signe que sa présence ici est inopportune et qu’elle doit quitter, coûte que coûte, cette infirmerie. A-t-elle lu dans mes pensées, dans la mesure où Cœur-de-biche sollicite aussitôt l’autorisation de se retirer cinq minutes, invoquant la nécessité de restituer impérativement un document à madame Merlot qui exerce, à sa place, au service administratif, ce que la sournoise vipère refuse, arguant que son assistante occasionnelle pourra sortir de cette pièce et effectuer une pause juste après cet examen.

Subitement, je réalise la raison de cette improbable situation qui explique la venue de Vanessa au sein de cette infirmerie, aujourd’hui. L’origine datait déjà de quelques années, mais nous tous, les anciens, savions que la mère Morel et madame Merlot se détestaient cordialement, leur mésentente étant devenue légendaire à l’intérieur du bahut.

À mon grand désarroi, la conséquence de ce contexte, je suis en train de la vivre et je suis totalement désespéré, car, je n’ignore pas que la vieille fille va m’obliger à descendre mon calbut pour me palper les valseuses et décalotter le gland, et cela sans aucune gêne devant cette fille que je connais vraiment et dont je suis au plus haut point amoureux.

Lorsque survient la dernière ligne droite et que la doctoresse me demande de me rapprocher davantage, je jette un regard sur Vanessa qui ne cherche même pas à croiser le mien, ce qui intensifie ma conviction, celle de ne pas me laisser manipuler par cette frappadingue. Contestant le procédé, je me rabats vers la porte, sans parvenir à l’ouvrir à cause de cette fichue clé qui se bloque dans la serrure. Ulcéré par mon comportement, le serpent, tel un cobra, se lève brutalement pour me saisir par le poignet. Vociférant tout son fiel à mon encontre, elle tâche de me faire réfléchir aux répercussions que cela va générer tout en observant au passage l’attitude révoltée de Cœur-de-Biche qui a baissé les yeux avant de les plonger dans les miens pour exprimer toute son incompréhension.

La perverse a eu raison de ma personne et c’en est trop pour Vanessa qui décolle immédiatement de sa chaise, laquelle tombe à la renverse. Sans se retourner, elle prend le temps de récupérer ses affaires, laissant ses notes sur place avant de se diriger calmement vers la sortie. Je peux voir mon amie ouvrir la porte avec facilité, puis la claquer. Consternée par l’incident, la doctoresse me demande de me rhabiller.

En quittant l’infirmerie, je prends conscience que mon destin avec Vanessa est scellé, me sentant profané, outragé, violé. Les mots me manquent pour décrire ce que je ressens. Le cœur lourd, je réalise le désastre, car je sais pertinemment que je ne vais plus pouvoir regarder Cœur-de-Biche dans les yeux ni celui de la chérir ni de perdre mon innocence entre ses bras comme je l’avais imaginé et escompté. Mon espoir est réduit à néant. C’est dans la plus complète solitude que je revisite en pensée le parc Monceau, me remémorant le sublime sourire de celle qui observait les cygnes, barbotant sur le plan d’eau. Toutes ces images appartiennent au passé et le sentiment d’amour qui avait étreint mon âme s’est métamorphosé en un insondable abîme. Tristement, je prends conscience que ma pulsion de vie est en train de se restreindre pour être remplacée par l’instinct de mort, étant donné que, devant Dieu, j’ai subi la plus grande honte de toute mon existence. L’afflux de sang me remonte jusqu’aux oreilles, tandis que je ne bouge plus, attendant qu’un peloton m’achève contre le mur. Mélancoliquement, je réalise que je vais devoir supporter ce fardeau, légué par une doctoresse pédophile, jusqu’au jour de ma mort.

Fin juillet, je profite du beau temps pour me promener dans le parc de mon enfance. De loin, je découvre Paul qui paraît soulagé de m’y retrouver. Il constate que je me porte mieux. Il m’explique que Vanessa a cherché à me revoir après son éviction du lycée pour me réconforter. Peu importe, si Cœur-de-Biche avait souhaité me signifier sa profonde désolation pour cet épisode regrettable. Je suis convaincu qu’elle saura où me rejoindre, mais seulement lorsque j’aurai digéré l’affront. Cependant, dois-je passer l’éponge sur ce que je considère comme un viol orchestré par une malade sexuelle protégée par son statut ? D’ailleurs Paul, au fait de sa réputation depuis le début de sa scolarité, rajoute que la vieille maniaque n’en est pas à son coup d’essai. D’abord à Condorcet, puis à Chaptal, les élèves ont découvert sa fourberie et sa perversité. Malheureusement, cette femme a le bras long, très long même, en raison de ses nombreuses connaissances politiques.

Dans les faits, que puis-je lui reprocher à Vanessa, puisqu’elle n’avait pas à payer le prix de sa présence dans l’infirmerie ? Qu’est-elle devenue depuis son éviction ? En tout état de cause, fin août, j’arpente les allées du parc Monceau à la recherche de celle qui, dorénavant, hante mes nuits. J’ai vraiment envie de la retrouver, car j’ai besoin de son amour qui reste plus fort que l’adversité pour me reconstruire. Après les jours, les semaines s’enchaînent, puis les mois. Je n’avais plus jamais revu Vanessa et son absence m’a pesé terriblement.

C’est à ce moment que le visage d’Isabelle s’interpose à nouveau pour m’obliger à retracer ma propre histoire, précisant qu’outre l’influence d’un oncle Alexandre rétrograde, un fait enfoui dans les oubliettes cervicales avait façonné l’homme que j’étais devenu, comprenant immédiatement que c’était cette mésaventure que je venais de revisiter en esprit.

Flash…

J’observe Isabelle qui exprime toujours de l’inquiétude. Un détail me fait réagir : tout à côté d’elle se forme un magma diffus et doux. Je n’ai pas le désir d’en savoir davantage, détectant une entité vaporeuse que j’identifie comme étant Vanessa. Elle est heureuse. Si elle ne me parle pas, je déchiffre l’intégralité du message qu’elle me transmet. Je suis substantiellement attristé lorsque je réalise que Vanessa est décédée soudainement, d’où la raison de sa présence dans ce tunnel de lumière.

Je connais maintenant le déroulé de ses derniers instants qui s’impose au plus profond de ma conscience ; après avoir quitté le lycée le mardi soir et pour la dernière fois, elle avait porté l’espoir de me retrouver près de la rotonde du parc Monceau. Mais subitement prise d’un mal de tête, elle avait différé son projet, escomptant me revoir que le lendemain. C’est au cours de la nuit qu’elle s’était levée en titubant avant de s’effondrer d’un AVC. Les voisins du dessous avaient appelé les secours après avoir entendu un choc violent. La police, puis les pompiers étaient intervenus rapidement. Dans le coma pendant trois jours, elle s’était éteinte le lundi suivant. Dans son ultime message, Vanessa me demande de lui pardonner sa passivité. Elle souhaiterait m’en transmettre davantage, mais elle en est empêchée avant de disparaître. Je suis, au plus haut point, ébranlé d’apprendre la mort de cette fille que j’avais viscéralement adorée.

Cet épisode qui s’inscrit clairement dans mon âme me révèle qu’elle avait eu de terribles conséquences sur ma vie affective, mais surtout sur celle de Cœur-de-Biche qui en avait payé le prix.

Une autre marche apparaît. Je prends conscience que cette marche est essentielle, Aurore se superposant à Vanessa. Cette jeune femme, plus âgée que moi, me plaît beaucoup, mais je sais qu’elle m’est inaccessible, car je suis castré psychologiquement. Dans ce fabuleux jeu de l’amour et du hasard, la comtesse chamboule mon destin. Des pans entiers de mon existence défilent comme au cinéma pour s’arrêter sur le pont des Arts. Astrid fait la folle, s’empare de mon poignet et…

Les talons qui martèlent le marbre de la chambre d’Isabelle interrompent mon élévation vers la prodigieuse lueur qui illumine mon éther. C’est Claire qui est de retour avec son défibrillateur cardiaque. Durant son absence, Christine est montée à l’étage pour apaiser Isabelle qui continue de me veiller. Sa sœur de retour, Christine en profite pour redescendre dans le salon. Sans que je me l’explique, je ressens que mon cœur repart à très faible allure avant que des pulsations régulières reprennent leur rythme. Les images confuses d’Andie, d’Aurore, du Mesnil-Peuvrel, d’hommes en armes se superposent en un fatras indescriptible.

Claire, s’asseyant sur le rebord de la literie, glisse et pince l’oxymètre sur mon index. Puis s’emparant de son stéthoscope, elle recommence l’examen de mon torse.

 — Il est en train de parler, s’étonne Claire.

— Mais que déblatère-t-il donc ? interroge Isabelle.

— On dit ! prononce-t-il, mais cela ne veut rien dire !

— Andie ! C’est son ex…

— Il continue, mais je ne comprends pas tout. J’entends les mots : abbaye… moine… 

Claire glisse le tensiomètre autour de mon bras avant de l’actionner. Le pavillon du stéthoscope posé en surplomb de mon artère brachiale, elle écoute mon rythme cardiaque. Finalement, la situation, que j’appréhende, m’amuse comme un petit fou. Christine pointe le bout de son nez pour demander si on avait besoin de son aide. Visiblement, cette femme dont j’ai découvert le portrait craint qu’un évènement grave et imprévu survienne. Isabelle se morfond, spéculant sur l’arrivée des secours, jetant de temps en temps un œil par la fenêtre. Il est beaucoup trop tôt pour les voir approcher puisque Claire a appelé les urgences, il y a de cela une bonne quinzaine de minutes.

Si je me méfie des médecins en général, c’est à cause de la vieille vipère, mais ce n’est plus le cas pour Claire que je détaille des pieds à la tête. Peut-il y avoir une différence entre la pédophile au regard fourbe et la jeune doctoresse aux cheveux blonds, légèrement ondulés vers l’intérieur et bien coupés au carré ? Je réalise que sa taille de guêpe lui permet de se vêtir avec les effets personnels de sa meilleure amie.

— Il commence à revenir ton copain… Je viens de reprendre sa tension. C’est correct… Son rythme cardiaque semble s’accélérer et son taux d’oxygène est à 95 %. Je vais téléphoner à Philippe pour lui éclaircir la situation. Le SAMU va pouvoir rebrousser chemin… Mais sache que je n’étais pas trop inquiète, Isabelle.

— Qu’est-ce qui t’a fait croire cela ?

— D’abord mon expérience… Et puis, j’avais bien repéré que tu avais arrangé le drap, lorsque je me suis assise près de lui. Je me suis aussi souvenue de l’épisode précédent, celui de lundi dernier. Je te rassure, je n’avais pas oublié que tu étais tombée amoureuse d’une vedette… qui tient impérativement à ce qu’on fasse cas de sa sacro-sainte décence en toute circonstance…

— S’il se réveille, que vais-je bien pouvoir justifier s’il t’aperçoit ?

— Tu lui apprends simplement la vérité… Que j’étais de passage pour venir le saluer et qu’inopinément je me suis occupée de son cas. Considérant l’urgence, tu lui expliqueras que tu fus obligée de retirer son espèce de.... euh… sa… sa soutane en mon absence et que sa pudeur fut bien plus que respectée…

— Je la sens mal ton affaire, Claire. C’est qu’il déteste se retrouver nu en présence de n’importe qui et même devant moi !

— Quelle affaire ! je n’ai absolument rien vu Isabelle ! Mais tu sais, j’exerce dans le secteur médical… Il ne faut donc pas m’en raconter, Isabelle. 

J’ai l’impression qu’une voix intérieure m’appelle de très loin. J’apprécie de plus en plus cette Claire qui s’est démenée pour que je puisse regagner mes esprits. Tout sourire, voilà qu’elle enlace Isabelle.

— Il remue une jambe. Je présume qu’il est en train de se réveiller… Il vient d’ouvrir les yeux, chuchote Claire. Isabelle, regarde ! 

Mon amoureuse se précipite vers moi et m’embrasse à pleine bouche.

— Comment te sens-tu ?

— Très bien ! Mais tu m’as beaucoup manqué cette nuit, dis-je, j’ai la sensation d’avoir le cerveau engourdi…

— Tu m’as encore angoissée… J’ai été obligée de demander à Claire de monter pour constater si tu n’étais pas… Euh… mal en point.

— J’ai mal au crâne, en effet… Mais je crois que ce mal est en train de s’estomper…

— On aurait dit une sorte de coma ou un état léthargique, murmure Claire à l’adresse d’Isabelle. Je redescends voir Christine.

— Lorsque je suis venu pour te rejoindre, hier soir, tu commençais à délirer pendant ton sommeil… Tu parlais… Tu me fais peur, Olivier !

— Qu’est-ce que tu racontes ? Je parlais en dormant ?

— Oui, et après, tu t’es calmé. Vers six heures, rebelote ! Même pendant que Claire t’auscultait. L’ensemble est incohérent du début à la fin. Il semblait que tu revisitais tes anciennes amoureuses dans une abbaye…

— Une abbaye ?

— Si je considère la totalité de ce que j’ai entendu, c’est extravagant ! Je n’ai rien compris. Tu envisageais de te rendre dans une abbaye pour te faire moine…

— Moine ?

— Oui, certes, je n’aurais pas dû te donner la chemise de nuit. C’est ça qui t’a chamboulé l’esprit. Tu voulais remiser une épée sous un autel en citant le nom d’Alix… d’abord, qui est donc cette Alix ? C’est une ex ?

— Pardonne-moi, Isabelle, mais je n’ai aucun souvenir des rêves de cette nuit ? Et puis, je ne connais pas d’Alix. Qu’ai-je bien pu dire d’autre ?

— À mon avis, tu en as beaucoup trop raconté ! Et Vanessa ! Cela te dit ? C’étaient tes ex ? Caroline, j’ai aussi entendu. Elles étaient mignonnes, au moins ? Il y en a plein d’autres sous le chapeau sans oublier Astrid et Aurore ? Ton club des cinq, c’est la partie émergée de l’iceberg ? Et puis l’abbaye ? C’étaient des nonnes ?

— … Je ne comprends rien, Isabelle, calme-toi donc !

— Et puis, tu as grogné comme un ours en te tenant fermement le poignet. Tu tournais en rond dans le lit… Tu rêvais d’elles ? Il a encore fallu que je m’allonge sur toi pour te réconforter. Après, tu évoquais la terre du Mesnil. J’imagine qu’il s’agissait du Mesnil-Peuvrel. Enfin, tu es parvenu à t’apaiser. Je présume que c’était le repos du guerrier. Les hommes sont forts sur ce coup-là !

— … Je ne pige absolument rien à ce que tu me racontes. C’est totalement incohérent… Que vient faire la ferme du Mesnil-Peuvrel dans tout ce que tu essaies de m’expliquer ?

— Mais tu espères y aller… Forcément, et avec toutes ces belles… Avec tout le bazar que tu m’as fait, j’ai même escompté m’installer dans la chambre de mes parents pour finalement revenir me recoucher auprès de toi, car j’ai tenu à te veiller pour respecter la consigne de Claire. En outre, je me suis demandé si tu aurais eu l’idée de filer au château pour rendre visite à la maire du pays. Tu t’es alors calmé… Maintenant, je présume que tu as fort mal dormi, puisque nous avons eu un mal fou pour te voir réapparaître parmi nous ce matin. Nous avons dû avertir le centre de secours…

— Non, vous n’avez pas encore appelé les secours ! Mais je suis en pleine forme. Mais où est passée ma chemise de nuit ? C’est bien Claire que j’ai aperçue quitter la chambre lorsque je me suis réveillé ?

— Comment l’as-tu reconnue ?

— Je l’ai déjà découverte en photo, mais cela n’explique pas sa présence dans cette chambre !

— Elle est montée pour t’embrasser. Tiens, j’entends Claire qui revient. Elle va tout te préciser…

— Je viens de joindre les secours pour annuler. Olivier, il va falloir absolument que vous consultiez un médecin. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond chez vous. Et puis, j’aimerais beaucoup vous parler en privé par rapport à ce que vous m’avez déclaré mardi.

— D’accord, Claire ! Mais est-ce vous qui m’avez déshabillé ? demandé-je.

— Ne vous inquiétez pas, j’ai requis Isabelle pour vous dévêtir. Je connais votre problème de pudeur et il n’était pas question pour moi de vous brusquer sur ce plan-là, sinon j’aurais eu droit à un rendez-vous. On ne sait pas où ça mène après, les rendez-vous.

— Vous exagérez, Claire !

— Bon ! Pour votre gouverne, il était nécessaire que vous soyez torse nu et que l’on vous dégage un bras. Je l’ai simplement aidé à passer la tête de votre soutane pour la retirer complètement. Vous voilà rassuré ?

— Bien, mais la situation est tout de même gênante…

— Comme vous l’avez pratiqué pour Isabelle, souhaitez-vous qu’on prenne un rendez-vous ? propose Claire. J’ai un agenda ici.

— Eh Claire ! objecte Isabelle. Tu vas trop loin !

— Ne te fâche pas ! Je plaisante !

— Claire, je vous remercie d’avoir veillé sur ma santé. Veuillez me pardonner de vous avoir inquiétées toutes les deux… Mais, je vous garantis que je me sens dans une forme remarquable… Par contre, je ne trouve pas d’explication sur ce qui m’est arrivé…

— Olivier, je pense que vous avez été victime, une nouvelle fois, d’une très grosse fatigue. La route, probablement… À moins qu’Isabelle y soit pour quelque chose… Ce qui ne m’étonnerait pas, d’après ce que j’ai compris…

— Alors, ça doit dater ! rétorqué-je.

— Bon ! Je vais devoir vous quitter. Je suis ravie de vous découvrir en pleine vie. Maintenant, nous pourrons discuter plus souvent et à tête reposée… Sachez encore que je suis constamment happée par les urgences… La preuve ! Lorsque vous descendrez, je vous présenterai ma sœur Christine qui est en train de boire un café… Au préalable, je vous propose que l’on se tutoie… Les amis de mes amis sont mes amis ! D’accord ?

— Parfait, Claire, on se dit tu… Effectivement, il me paraît important que nous fassions plus ample connaissance. Je dois vous avouer que j’ai raté une occasion vous concernant.

— Dit toujours !

— Je devais me rendre chez un fleuriste pour vous offrir un beau bouquet de roses, histoire d’exprimer toute ma gratitude pour tout ce que vous avez entrepris pour moi depuis mon souci de l’autre nuit. De plus, avec la bienveillance que vous m’avez encore témoignée aujourd’hui, vous en aurez droit à deux.

— Pour les roses, tu les donneras à Isabelle de ma part. Elle les mérite. Nous allons nous retrouver bien vite, puisque nous sommes voisins, comme tu le sais déjà. D’ailleurs, ce soir, nous vous invitons à la ferme des Roys. Il y aura apéritif dînatoire.

Isabelle s’était assise sur bord du lit pour m’embrasser d’un tendre baiser avant de glisser discrètement sa main sous le drap afin de s’assurer de l’état de ma flamme.

— Bon, il va falloir urger, maintenant ! Olivier, tu dois te lever, prendre une douche rapidement et t’habiller. On doit partir ensemble, car je veux te surveiller. Et le temps presse pour mon rendez-vous… Claire, peux-tu patienter dans le couloir ou la pièce d’à côté quelques instants pour que Monsieur daigne se vêtir ?

— Je me sauve Isabelle, mais je vais revenir pour vous accompagner jusqu’à Neufchâtel. Ah oui ! Au fait, quand sera livré le barnum ?

— Je pense que ce sera plutôt une tente de réception, m’a rapporté mon paternel. En tout cas, ce sera probablement vendredi après-midi, voire samedi matin. Mon grand-père ne doit pas être au courant de cette fête. Le montage doit être opéré le plus tard possible, en principe, et dans la discrétion. Quant à toi, Olivier, je te rappelle que j’ai rendez-vous ce matin avec les traiteurs. Tu dois donc te doucher rapidement, car on est déjà en retard. À tout de suite, Claire !

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