CHAPITRE 23 - Retour vers le passé

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Vendredi 19 juillet 2013
8 h 30, moulin des Brumes, Bully, Seine-Maritime


Isabelle, qui a achevé de se maquiller, me rejoint dans la salle à manger d’où je viens de terminer mon petit-déjeuner.

— Installe-toi, Isabelle ! Je t’ai préparé ton café au lait. Le pain t’attend avec le beurre et la confiture... et il y a aussi de la crème de marrons, si tu veux....

— Que d’honneur, Olivier ! Qu’est-ce qui se passe ? Tu es tout excité !

— Dis-moi ! Est-ce que tu t’es reposée après toutes ces émotions d’hier ?

— Oui ! J’ai réussi à m’endormir. J’espère qu’il en fut de même pour toi.

— En effet, j’ai eu un peu de mal à trouver le sommeil. J’ai même failli oublier de prendre un lexomil. Je me suis assoupi juste après.

— Cool ! Pour ton information, Mes parents viennent de m'envoyer un SMS : ils ont atterri à Orly et ont pu récupérer la voiture de location…

— Vers quelle heure arrivent-ils ?

— Vers onze heures, heure estimée par le GPS… ils ne savent pas encore s’ils passent tout d’abord chez mon grand-père ou directement ici. Cela dépendra de Ségolène.

— Ah ! S’ils passent d’abord au moulin, je pense qu’il serait judicieux d’aller chercher quelques viennoiseries à la boulangerie.

— Excellente initiative, Olivier ! De plus, tu ne risques pas de rencontrer la belle comtesse qui a eu la bonne idée de s’évader à Nice pour quelques jours, d'après mon grand-père…

— Ah ! C'est aussi ce que j'ai entendu... je vais donc pouvoir me déplacer en toute quiétude n’importe où ! Au fait, Isabelle, désires-tu ma tartine beurrée, je ne l’ai pas encore avalée ?

— Vendu ! Sais-tu, Olivier, que j’ai été ravie d’avoir découvert un clos-masure typiquement cauchois. Je n’en avais jamais vu. Nous n’avons pas eu le temps d’en parler en raison de mon léger malaise, mais la maison de maître vaut vraiment le déplacement…

— C’est emblématique du pays de Caux. Très souvent, les clos-masures sont dissimulés derrière de hauts talus plantés d’arbres.

— Pour les voleurs ?

— Non ! C’est pour protéger l’enclos des bourrasques. Le vent est parfois assez violent du côté de Dieppe !

— Ingénieux !

— Tu as dû considérer que le Mesnil-Peuvrel ne payait pas de mine avec cette éolienne qui est superfétatoire.

— Pas terrible, en effet, mais d’après ton oncle André, j’ai cru comprendre que cela assurait un minimum de chauffage l’hiver grâce à une pompe à chaleur. Cela me connaît, car mon père en a fait installer une en Corse…

— Lors des mauvaises saisons, il est impératif de se battre contre l’humidité. Il convient de préserver l’intérieur, surtout les tableaux et le mobilier d’époque qui y sont entreposés.

— Et les dépendances ? Qui les utilise ?

— L’oncle André s’en sert pour abriter le matériel agricole.

— Pendant que tu traitais les affaires avec ton parent et l’artisan, j’ai fait le tour du propriétaire avec Christine et Claire. Nous sommes passées devant la grange… Une vraie cathédrale des champs… Puis nous avons fait un détour par la mare…

— Sans y jeter Claire ?

— Arrête Olivier ! Nous sommes de grandes filles maintenant.

— Je souhaite t’embêter un peu ! Dis-moi, ôte-moi d’un doute ! Il n’y a pas eu de problème là-bas ?

— Bof… Au bout d’un quart d’heure, Christine est repartie vers la voiture. Elle en avait ras la casquette. Tu commences à la connaître ! Je suis restée avec Claire cinq minutes, car elle a voulu rejoindre sa sœur pour saisir ce qu’elle avait.

— Tu es allée loin ! À un moment, je me suis permis de t’observer... tu te trouvais à proximité des chênes.

— Oui, je désirais admirer la petite chapelle dont tu m’avais tant parlé. Je savais qu’elle était proche d’une étendue d’arbres centenaires. J’ai deviné juste. Le cadre est féérique ! Une authentique carte postale.

— La suite m’intéresse Isabelle !

— À propos de quoi ? De la chapelle ? Une réfection est à prévoir, mais c’est réalisable. Je suis sûre que mon père pourrait conseiller le tien pour faire ressortir des idées pour l’ensemble de la propriété.

— Comme tu viens de le comprendre, Isabelle, il y a beaucoup à faire. J’abonde aussi dans cette démarche.

— Je le brieferai à ce propos. Il ne répondra pas par la négative. De plus, il sera heureux de s’y rendre. J’en suis persuadée.

— Merci, Isabelle ! Mais maintenant, je ne vais pas tourner autour du pot. J’ai besoin d’être au fait de ta santé et de ton ressenti !

— Ah !

— D’abord, comment te sens-tu ce matin ?

— Très bien !

— Hier, au Mesnil-Peuvrel, tu m’as fait peur… C’est mon oncle qui m’a prévenu à ton sujet, alors que j’avais cessé de t’observer pour discuter avec l’artisan couvreur. Soudainement, j’ai réalisé que tu étais mal, quand j’ai vu Claire et Christine te rejoindre précipitamment pour te rapatrier vers la maison.

Isabelle s’emploie à sourire, mais ce n’est pas son sourire habituel, mais plutôt un sourire gêné, ce qui m’oblige à enfoncer le clou :

 — J’aimerais comprendre ce que tu as vu ou vécu près de la petite chapelle ? Au retour, je ne t’ai pas interrogée, car Claire et Christine auraient écouté la conversation durant le trajet. Je souhaitais que ta nuit soit la plus paisible et la plus douce possible... j’ai d’abord aspiré à ce que tu te reposes.

— Ta question est bizarre. Comme si tu savais qu’il m’était arrivé quelque chose…

— Je m’en suis rendu compte… c'est mon oncle qui m’a mis la puce à l’oreille. Il m’a fait un compliment sur toi, car il t’a trouvé très belle. Il s’est retourné pour t’admirer une dernière fois. C’est là qu’il s’est aperçu que quelque chose clochait dans ton comportement. Tu paraissais comme tétanisée... Tu ne bougeais plus…

— Il a bien analysé. Je n’étais plus moi-même à ce moment. Et ?

— J’ai dû faire l’idiot en lui expliquant que tu étais d’une nature fragile et que tu étais sujette à des nausées depuis quelques jours, la chaleur actuelle étant en cause. Il a été surpris de ma réponse et ne m’a pas cru. Puis, regardant sa montre, il s’est sauvé de la même manière qu’un voleur, prétextant qu’il devait se rendre à la mairie. Quant au couvreur, il a été étonné de te voir revenir blanche comme un linge. Il voulait appeler les secours, mais je l’ai empêché. Je fus obligé de lui expliquer que son amie Claire était médecin. Heureusement que les deux frangines étaient présentes pour te prendre en charge et te ramener dans la maison pour que tu profites de la fraîcheur.

— Effectivement, je ne supporte pas cette chaleur. Bref, les copines m’ont assise dans un vieux fauteuil en attendant que tu termines ta discussion avec l’artisan.

— C’est pour ce motif que j’ai dû expédier la conversation avec lui.

— À l’intérieur, Claire et Christine se sont installées dans le salon, carrément surprises par tous ces meubles qui paraissent à l’abandon. À notre avis, il conviendrait de mieux préserver les toiles de l’humidité, même si c’est chauffé l’hiver. Ton paternel devrait se préoccuper de tous ces trésors ou les entreposer ailleurs ! L’éolienne ou la pompe à chaleur pourrait tomber en panne. On ne sait jamais !

— Père en a pris récemment conscience, c’est pour cette raison qu’il souhaite rénover le Mesnil-Peuvrel au plus vite. Pour les œuvres d’art, un des vieux copains d’école de mon père, devenu antiquaire et restaurateur d’objets anciens, veille sur le patrimoine. Un inventaire précis a été réalisé par un notaire.

— Ah ! Parfait ! Au fait, ne t’étonne pas si les sœurs Bertaux te questionnent sur les personnages peints en tableau. Elles ont été vraiment fascinées par certains !

— Ah ! Lesquelles ?

— Tous, notamment un qui était emperruqué et qui te ressemblait de manière frappante : Nicolas Vincent Prevel, né en 1755 et mort en 1834, d’après les indications que j’ai pu lire sur la plaque gravée qui était fixée en dessous. C’est lui qui se trouve en portrait à Paris, dans le grand salon. Je me suis permis de le photographier pour mettre en évidence que tu possédais un sosie vivant au dix-huitième siècle.

— Les apparences sautent les générations, affirme-t-on !

— Il était associé à un portrait de femme : Marie Madeleine Duchastel, née en 1756 et décédée en 1787.

— Mon oncle André m’a affirmé qu’il s’agissait de son épouse, expirée en couches en 1787. Le fils, Charles Vincent Prevel, avait été ondoyé par l’accoucheuse.

— Charles Vincent ! C’est le visage d’après : je l’ai également photographié. Attends, je regarde… Charles Vincent Prevel qui a vu le jour en 1787 et qui a succombé en 1867. Il se serait marié avec la dame d’à côté ; Caroline Joséphine Delamare, née en 1795 et décédée en 1880. Très sympathique, cette galerie des ancêtres. Je ne comprends pas pourquoi se désintéresser de ce trésor iconographique.

— Ce qui ne sera plus le cas après la rénovation de la maison d’habitation… mais quelque chose vient de m’interpeller parmi les personnages que tu m’as cités ! Duchastel… Tu peux me répéter le prénom ?

— Marie Madeleine !

— Pourquoi ?

— Pour rien ! Cela m’évoque quelque chose ! C’est étrange ! lâché-je à Isabelle.

— Permets-moi de rebondir ! Est-ce en rapport avec ce que tu as confié à Claire ? Elle m’en a baragouiné quelques mots et elle m’a fait jurer de ne pas aborder ce sujet avec toi.

— Ah ! s’étonne Olivier.

— Elle m’a avoué que, toi aussi, tu étais prédisposé à des rêves bizarres… Tu ne me dis rien et je suis déçue, Olivier ! Vraiment consternée par ton attitude négative. Je te croyais rationnel, mais là, je constate que tu ne l’es pas !

— D’accord Isabelle ! Ne te fâche pas ! Toutes mes excuses. Je pense que c’est le moment que je te livre tout ce qui m’est arrivé depuis dimanche dernier. Cela me dépasse totalement. Si tu savais ?

— Que dois-je savoir ? Pour quelle raison ne voulais-tu pas m’en parler ?

— Je ne souhaitais pas t’alarmer, Isabelle, c’est tout ! En raison de ta personnalité particulière sur un tel sujet.

— Tu y vas fort !

— Bon ! Mettons cartes sur table ! C’est maintenant que je dois le faire…

— Que vas-tu donc m’annoncer, Olivier ?

— Je vais tout te justifier : d’abord, par deux fois, tu fus le témoin de deux de mes malaises. Ils t’ont fait peur, m’as-tu dit ! Celui d’hier m’a permis d’en découvrir davantage sur toi et moi…

— Nous deux ? Ton propos m’inquiète, Olivier… Là, je suis curieuse de t’entendre !

— Je pense que tu vas m’en tenir rigueur, car j’ai été un véritable idiot... car depuis tant d’années, je me complais dans le déni.

— Ah ! Explique-toi mieux !

— Il y a une douzaine d’années, du temps où je fréquentais Andie, un épisode étrange a eu lieu au Mesnil-Peuvrel et en ma présence. Mon tort fut d’avoir gardé le silence sur ce qui s’était passé. Mais comment un scientifique aurait-il pu se compromettre en se confiant à quiconque sur un sujet tel que celui-ci ? J’aurais été banni des commissions savantes. Aujourd’hui, je ne peux me livrer qu’à toi et tu vas en comprendre la raison.

— Ah ! Là, je vais être tout ouïe. C'est moi qui désirais te parler la première, mais considérant ta dernière phrase, je suis obligée de t’écouter en premier. Ensuite, je te raconterai ce que j’ai à te dire lorsque tu m’auras tout exposé.

— D’accord ! Je vais tout te préciser de A à Z, mais tout d’abord, on va commencer par la lettre Z.

— Si tu préfères !

— D’abord, je dois te confesser que dans la nuit de dimanche à lundi, mon sommeil a été troublé par un cauchemar qui se déroulait en pleine Révolution française.

— Je…

— Attends Isabelle ! Il concernait Nicolas Vincent Prevel, celui dont tu viens de me montrer le portrait. Pour ma part, j’ai souhaité croire que, appréciant ce tableau antique, j’avais dû amalgamer ce Nicolas Vincent dans mon cerveau pour le restituer dans des rêves improbables.

— Comme…

— Je continue, Isabelle… Il tentait de sauver une certaine Marie Anne Duchastel qui aurait été guillotinée en 1793. Sacrée coïncidence, quand même… Ce qui est étrange et je viens de m’en apercevoir, c’est que les initiales de ces personnes correspondent aux entailles qu’on a retrouvées sur les deux horloges : NVP et MAD.

— Donc, Olivier, tu consens à m’avouer que ta rationalité est prise en défaut. Ça m’intéresse, car, maintenant, je peux témoigner de ce qui s’est passé hier au Mesnil-Peuvrel. J’ai tout vu en accéléré…

— Raconte, Isabelle !

— Je peux déjà t’annoncer que c’est dans la petite chapelle que tout a commencé : le mariage secret d’une damoiselle dont je ne connais pas le nom et qui semble appartenir à un haut lignage.

— Comment as-tu appris que cela avait débuté dans cette chapelle abandonnée ? De mon côté, je peux te révéler que j’ai découvert que la noble dame, qui fut brûlée vive, s’appelait Alix !

— De plus, j’ai identifié l’endroit où l’exécution a eu lieu.

— C’était où ?

— C’était à Neufchâtel même, car en parcourant la ville, j’ai reconnu une partie de l’église qui a été singulièrement restaurée.

— Attends ! Je ne pige plus rien ! Quelle est la relation entre ton ancêtre Nicolas Vincent qui a tenté de sauver une femme de la guillotine et cette Alix qui sort tout droit du Moyen Âge ? J’ai dû mal à faire le lien !

— Je n’en sais, fichtre, rien… Mais là, je vais prendre des risques, car tu ne vas pas me croire !

— Lance-toi, Olivier ! J’ai besoin de comprendre !

— Dans la nuit de mercredi à jeudi, un grand pan de ce qui s’est produit dans le passé a glissé dans ma conscience à cause… à cause… Je n’ose pas te l’exprimer, tellement c’est énorme.

— Accouche quand même !

— D’accord, Isabelle ! Je ne te l’ai jamais rapporté, car je n’en considérais pas l’intérêt, mais ma grand-mère avait vécu une expérience de mort imminente, une EMI, comme disent certains spécialistes de la question.

— Non, tu ne m’as jamais évoqué cette histoire. Ton esprit scientifique, sans doute !

— Je comprends ton ressenti, Isabelle !

— J’espère !

— Donc… Moi aussi, comme ma grand-mère, j’ai eu droit à cette EMI, mais je présume que j’ai dû en faire trois : deux récemment dont tu fus le témoin et une autre, la première… qui s’est déroulée il y a une bonne douzaine d’années. Pour celle-ci, ce fut Andie qui fut aux premières loges, mais je te raconterai à la fin… ce sera la lettre A.

— Andie ?

— Exactement ! Pour Andie, je vais t’expliquer plus en détail après... Pour l’EMI de jeudi dernier, j’ai éprouvé deux phases : pour la première, ce fut comme un dédoublement de mon être avec une sortie de corps. Je sentais bien que mon cœur fonctionnait au ralenti ; là, je pouvais observer tout ce que vous faisiez et en même temps, j’avais accès à des images de mon enfance. Pour le second palier, j’ai perçu que mon muscle cardiaque s’est arrêté de battre pendant quelques minutes… Concernant cette partie, j’ai pu discerner la présence d’une personne qui m’était chère, dont j’ignorais qu’elle était morte.

— Là, tu m’inquiètes énormément ! C’est bien la première fois que j’entends une pareille histoire.

— Je ne sais pas quoi te dire. Beaucoup gardent ce sujet pour eux. Ce que je peux te dévoiler, c’est que durant mon inconscience, Claire est arrivée précipitamment pour s’installer sur le bord du lit et toi, tu me caressais le cou en pleurant.

— Lorsqu’elle s’est assise sur le lit, tu as pu ressentir le matelas qui s’effondrait…

— Claire t’a ensuite enjoint de retirer ma soutane. C’est bien ce terme qu’elle a utilisé. Et Claire, sous son chemisier fermé jusqu’à l’avant-dernier bouton de son col, portait un pendentif en or, sur lequel était gravé le portrait d’une petite fille.

— Le pendentif ! C’était Cécile ? Au départ de Paris, il me semble t’avoir signifié que la jeune sœur de Claire était décédée d’une malformation cardiaque. Après sa mort, Claire avait personnalisé un bijou avec une photo. Pour la soutane, tu as pu entendre ce mot pendant le… euh… coma. Ce ne sont pas des preuves.

— Crois-moi si tu veux. Mais cette EMI a eu pour bénéfice de rassembler les pièces d’un puzzle qui concernait l’ensemble de mes hallucinations, celle de dimanche à lundi et celle de mercredi à jeudi notamment. Partager cette expérience avec Anne-Liesse pour qu’elle nous dise ce qu’elle en pense me plairait.

— On ne sait même pas si elle va venir. Je présume qu’elle s’est trouvé un coquin. En tout cas, elle ne donne pas de nouvelles. À propos, en parlant de coquin. Tu vas me lancer que je passe encore du coq-à-l’âne ou que je suis trop curieuse, mais ça m’intéresse. Tu as énoncé des prénoms durant ton dysfonctionnement. Qui était Caroline ?

— Une camarade du parc Monceau qui m’a embrassé pour mon anniversaire. J’avais 16 ans, Isabelle. Ça ne compte pas.

— Qui était Vanessa ?

— Ah ! Cela va te paraître étrange ce que je vais te raconter… J’ai découvert le dénouement de l’épisode Vanessa durant mon EMI. Pour tout te résumer, quelques mois après le baiser de Caroline, je me suis épris de Vanessa qui n’avait pas encore 20 ans et moi, à l’époque, je faisais plus vieux et je commençais à avoir de la barbe. Vanessa fut ma révélation. J’ai ressenti beaucoup d’amour dans ses yeux. Nous étions très proches.

— Et toi tu en avais 16 ?

— C’est exact, nous devions concrétiser notre histoire. Cela te semble bizarre !

— Devions ?

— Devions, car cela ne s’est jamais produit.

— Tu parles : 16 ans d’un côté, 20 de l’autre. Tu m’étonnes ! Elle prenait des risques, ta Vanessa !

— Ce n’est pas pour ça. Si j’ai sombré dans le piège des tendres sentiments en brûlant les étapes, c’était pour oublier les codes rigoristes de mon oncle Alexandre. Quant à Vanessa, elle est décédée durant les fêtes de Noël. J’ai déterré le drame pendant mon EMI. Je ne connaissais pas son nom de famille. Là encore, c’est bizarre. Je l’ai appris hier et je sais maintenant où elle est inhumée.

— N’importe quoi, Olivier… Pour ton béguin pour Vanessa, ce sont des amours d’adolescent. Était-ce sérieux ? Sinon, c’est impossible ce que tu me racontes. C’est toi qui devrais écrire des scénarios pour le cinéma.

— Merci Isabelle, je vois bien que c’est un prêté pour un rendu provenant de ta part. Je comprends ton ressenti, Isabelle. Ce que je peux te confirmer, c’est qu’elle s’appelait Vanessa Lancesseur et qu’elle repose dans le cimetière de Saint-Ouen, près de Paris. Ce furent peut-être des amours d’adolescents, mais cette histoire m’a marqué.

— Sans doute ! Mais c’est complètement dingue, ce que tu oses m’exposer !

— Je le conçois, Isabelle. La tienne l’est également. Et c’est bien pour ça que tu continues de m’écouter. Pour Vanessa, j’ai besoin d’en avoir le cœur net. Dès lundi, j’irai dans ce cimetière pour vérifier ce que je viens de te révéler, ce qui démontrera ma bonne foi. C’est injuste ce qu’elle a subi. Je prendrais une photo de sa tombe et te l’enverrais. Ainsi, tu auras la confirmation de tout ce que j’ai avancé.

— Ce ne sera pas une preuve, mais ce n’est pas grave, je te crois. Concernant tes rêves d’une autre époque, bienvenue au club. Tu veux bien me parler de ce drame ?

— Non, je ne peux pas t’en dire plus, Isabelle ! Pardonne-moi. Plus tard, peut-être. C’est douloureux.

— Bon ! J’arrête de demander qui étaient tes petites amies. Je suis trop curieuse. Où en était-on ? La femme sur le bûcher, elle s’appelait Alix, me disais-tu ?

— Oui, Alix Malet de Graville, sœur probable de Louis Malet, sire de Graville, Marcoussis, chambellan du Roi.

— Explique-moi ! Tu m’intrigues. Comment as-tu fait pour découvrir tout ça ?

— Comme pour Vanessa, j’ai pu avoir accès aux interrogations que je me posais. J’ai la chance que tout ce que j’ai collecté dans une sorte de vortex me revienne par bribes après mon dernier réveil.

— Vortex ?

— Vortex est le mot qui m’est venu à l’esprit dans ce tunnel. Durant toute la journée d’hier, j’ai pu restituer dans mon cerveau un ensemble d’éléments m’autorisant à en connaître davantage. Souviens-toi ! Après avoir raccompagné les sœurs Bertaux chez elles, je t’ai demandé si je pouvais utiliser le vieil ordi de ton père qui fonctionnait par miracle, me disais-tu. J’ai eu du mal avec le wifi, mais je suis parvenu à trouver ce que je recherchais en récupérant mon ordi dans ma valise. Mais lorsque je t’ai rejointe dans la chambre pour te faire part de mes découvertes, tu sommeillais déjà. J’ai repris ces investigations ce matin dès l’aube.

— Tu as donc peu dormi ! Mais comment as-tu fait pour décrocher autant d’informations ?

— L’EMI m’a permis d’obtenir des révélations inédites et stupéfiantes. C’est en toute modestie que je te formule ça, car depuis mon conflit conceptuel avec l’oncle Alexandre, j’ai nié tous ces phénomènes ésotériques qui sortent de la science. Je te demande, encore une fois pour mes positions qui ont dû te refroidir. Pourtant, un astrophysicien se passionnant pour le big bang sait qu’il existe un début et une fin à notre univers, d’où toutes les interrogations, portant sur le spirituel, même les plus inenvisageables.

— Bon point pour toi, Olivier !

— Je continue ! Comme toi, j’ai franchi les marches du temps, comme toi, j’ai assisté à l’exécution de cette noble dame auprès de deux gosses qui pleuraient toutes leurs larmes de leur corps.

— Permets-moi de nuancer ton propos, Olivier. J’ai vécu la scène de l’intérieur de cette femme et je ne pouvais pas voir l’église qui se trouvait dans mon dos. Je visionne encore les enfants de cette pauvre mère qui chialaient, protégés par un homme. Tu t’étais donc faufilé dans la conscience de cet homme ?

— C’est ce que j’en ai déduit !

— C’est vraiment étrange ce qui nous arrive.

— Ah ! Je continue… Lors de la lecture d’accusation par le bailli de Caux, j’ai nettement entendu le nom d’Alix Maillet de Craville, prononcé en vieux français. D’après l’énoncé du jugement, cette Alix a été brûlée vive le 21 juin 1483 pour sorcellerie. En naviguant sur internet, l’orthographe la plus apparentée était Malet de Graville. Ce nom te dit-il quelque chose ?

— J’étais en pleine souffrance dans ce cauchemar, Olivier.

— D’accord ! Alors, Alix Malet de Graville n’apparaît pas dans les généalogies officielles que j’ai eu beaucoup de mal à trouver d’ailleurs en me rendant sur le site de la Bibliothèque Nationale. Près des tribunes, le sergent a rapporté à un des soldats que la suppliciée était une proche d’Anne de France. Il suffisait d’enquêter de ce côté-là.

— Et réellement, comment as-tu pu vérifier que c’était une proche d’Anne de France ?

— Je vais te l’expliquer. Alix est en réalité la cousine éloignée d’Anne de France : les historiens ont effectué cette découverte grâce à une lettre datée du 20 août 1476 par laquelle Louis XI qualifie Louis Malet de Graville, amiral de France, en ces termes ; son amé et féal cousin. Cependant, Alix ne peut être la fille de ce Louis Malet de Graville puisqu’il se marie en 1470 avec une certaine Marie de Balsac. Donc Alix pourrait être la fille de Jean Malet de Graville et Marie de Montauban. Or, ce Jean est fils d’un autre Jean et de Jacqueline de Montagu, laquelle s’avère être la fille de Jean de Montagu, lui-même fils de Biette Cassinel, la maîtresse de Charles V, roi de France... Certains généalogistes mentionnent que ce Jean de Montagu est le bâtard de Charles V, ce qui explique bien ce lien de parenté entre Alix et Louis XI.

— Bravo, Olivier ! Tu m’épates vraiment… certains éléments que tu m’as cités correspondent aux visions de ma grand-mère et aux miennes. Maintenant, il faut ce que je te relate ce qui s’est passé hier au Mesnil-Peuvrel.

— Raconte-moi ! Pardonne-moi de n’avoir pas été présent au moment où tu en avais le plus besoin… Heureusement que tu avais eu l’idée d’inviter les sœurs Bertaux pour cette escapade… Tu vois ! J’étais beaucoup trop occupé avec le couvreur, alors que je t’observais de loin lorsque tu te dirigeais vers la petite chapelle.

— C’est plutôt le chêne, un chêne particulier qui a attiré mon attention.

— Il y en a plusieurs. Ils sont recensés par l’Agence Régionale de l’Environnement de Haute-Normandie.

— Il y en a un, isolé, qui protège cette chapelle et qui se trouve proche des ruines de ce qu’il reste d’un château.

— Ce chêne a grosso modo deux cents ans, m’avait rapporté mon oncle André. Quant aux autres, ils sont beaucoup plus âgés. Maintenant, je suis en mesure de te révéler que celui qui a deux cents ans a remplacé l’ancien qui a servi à fabriquer les horloges, affirmé-je.

— Tu as aussi découvert ça ?

— Du moins, c’est ce que je suis parvenu à déduire après avoir assisté à une curieuse cérémonie concernant un chevalier et son écuyer : cela se déroulait tout près de la petite chapelle, laquelle était intégrée au château à cette époque.

— Alors, écoute, ce que je vais te lâcher : hier, près de cette petite chapelle, j’ai aperçu la cavalière habillée d’une longue toge immaculée, la tête recouverte d’un voile de mariée… Elle s’est arrêtée à ma hauteur pour me scruter. J’en ai eu des frissons, car, à travers le tissu, j’ai reconnu ce visage… c’était le mien. Et à l’instant où elle a retiré son voile, je n’ai plus eu de doutes !

— Je n’osais pas te le révéler, Isabelle. Sur le bûcher, j’ai réellement cru que c’était toi.

— La dame blanche, la nomme-t-on ici... Les habitants prétendent qu’il s’agirait de l’esprit d’une princesse de sang royal. On l’aurait vue à diverses occasions. L’origine de cette légende aurait été consignée dans les premiers registres paroissiaux, aujourd’hui disparus. Je ne peux vérifier ces assertions puisque les feuillets ont été détruits. Le brave curé aurait mentionné ces quelques mots : mort par la présence de la noble dame blanche.

— C’est elle qui est venue convoler en secret devant le maître autel. J’ignore par quel miracle, mais j’ai réellement visualisé cette alliance, mais en vitesse accélérée. La dame blanche serait donc Alix Malet de Graville. Peut-être y découvrirait-on l’épée de son époux sous l’autel ?

— Ah ! fait Isabelle.

— Durant ma vision, j’ai perçu son mari qui arrivait au galop avec un de ses compagnons, lequel avait attaché les chevaux à un anneau scellé dans le mur de la chapelle pendant que des gens creusaient un vaste trou.

— Un trou ?

— Oui, le chevalier a ensuite fait apporter un billot et s’est sectionné le poignet gauche avec une hachette. Il semblait recevoir des instructions d’ailleurs, comme si une voix intérieure dictait la cérémonie au seigneur de ce lieu.

— Mon Dieu ! C’est horrible…

— L’écuyer, qui est descendu dans la cavité, a récupéré la main pour la déposer sur un lit de cendres. De sa bougette[1], il a sorti un gland pour le fixer dans la paume. Un prêtre a été amené pour prononcer des incantations en latin et en vieux français que je déchiffrais à mi-mots : « La Main de Dieu », ai-je distinctement entendu. J’ai aussi vu un valet ouvrir un sac de chanvre pour répandre ce qui subsistait dans le sac au fond du trou.

— C’était quoi ?

— Les restes d’Alix. Ce que j’ai compris, c’est qu’une imprécation a été lancée appelant les puissances divines à punir tous ceux qui étaient à l’origine de l’exécution de cette femme. À travers les noms que j’ai repérés dans mes hallucinations, il y avait celui de Guillaume d’Estoutteville, archevêque de Rouen et d’un Jacques d’Estouteville, Prévot de Paris. Sur internet, j’ai noté que le prélat est passé de vie à trépas le 24 décembre 1483 à Rome et Louis XI, le 30 août 1483, soit quelques mois après le supplice d’Alix. La malédiction visait les Estouteville. J’ai fait une requête sur ce Jacques, il apparaît qu’il n’a pas eu de descendance par les mâles. Étonnant, non ! Concernant les autres personnages impliqués dans cette exécution, je n’ai rien trouvé. Après la cérémonie, le chevalier a remisé son épée sous l’autel avant de s’isoler dans une abbaye.

— Tu m’as tout dit. Écoute, Olivier ! Je suis terrifiée. On doit conserver notre calme ! Je te crois. On va garder tout ça pour nous, sinon on va nous prendre pour de doux dingues. Maintenant, j’ai la conviction que notre rencontre ne s’est pas faite par hasard. Il y a trop de coïncidences : nos dates de naissance, les horloges jumelles. Cela me dépasse tout autant que toi. Il semblerait que l’amour qui s’est éveillé en nous a permis d’ouvrir une porte spatio-temporelle pour utiliser un de tes termes familiers. Là, nous sommes en train de revivre une histoire ancienne, mais ça fait peur et vraiment peur. Il va me falloir un moment pour digérer ça. Je crains pour la suite. C’est plutôt cette idée qui m’angoisse.

— Je vais te poser une question ; comment s’est comportée la dame blanche avec toi ?

— Avec moi ? Curieuse, ton interrogation ! Lorsqu’elle a retiré son voile de mariée, j’ai ressenti beaucoup de bienveillance. C’est ce sentiment qui m’a parcourue.

— Tant mieux, cela va soulager ton esprit et le mien, par la même occasion, car quand je suis venu au Mesnil-Peuvrel avec Andie, il y a de cela un peu plus de treize ans ce fut un tout autre sujet ? Je n’en ai jamais parlé à personne, et pour Andie, ce fut pareil. Je crois que c’est l’occasion d’éclairer ce qui nous dépasse en ce moment. Et cela a forcément un lien avec notre histoire actuelle, à cause de la main, celle qui fut tranchée.

— Que vas-tu encore m’apprendre, à présent ?

— Durant toutes ces années, j’étais dans le déni total. Et pardonne-moi, encore une fois, d’avoir fait semblant de douter de tout ce que tu me rapportais… au musée d’Orsay.

— Bien ! Je suis très curieuse de t’entendre… et à propos de cette main, elle me rappelle bizarrement La Chose. Là, j’ai l’impression de revoir un film avec la famille Addams !

— Je vais essayer de faire court pour t’expliquer correctement ce qui était survenu lorsque j’ai amené Andie au Mesnil-Peuvrel pour la première fois.

— Raconte !

— À l’époque, la maison était accueillante. J’y venais presque tous les week-ends. Quelques semaines après avoir fait la connaissance d’Andie, j’ai souhaité passer quelques jours avec elle à la ferme. C’était en automne, un vendredi soir. À son arrivée, Andie a remarqué qu’une atmosphère très étrange émanait de cet endroit. Après lui avoir fait visiter le domaine, nous sommes partis au restaurant avant de revenir pour nous retrouver dans la chambre.

— Pas besoin de dessin, j’ai compris !

— Sur les deux heures du matin, j’ai été réveillé par un effroyable hurlement de douleur. Après avoir appuyé sur le commutateur, j’ai découvert la terreur qui était peinte sur le visage d’Andie. Elle se tenait le sein comme si elle avait très mal. Les yeux exorbités, elle m’indiquait une direction en me criant d’aller voir.

— Que s’était-il donc passé ?

— Après, comme une folle, Andie s’est levée pour tenter de s’habiller, mais tous ses vêtements avaient disparu. Elle s’est alors ruée, toujours comme une folle, vers la porte qui restait résolument close… jusqu’à ce que j’intervienne pour l’ouvrir sans résistance. Aussitôt dans le couloir et toute tremblante, elle s’est mise à courir vers l’une des chambres du fond où elle avait retrouvé ses fringues bien rangées sur un portant et une chaise, ceci à son grand étonnement et au mien, car je me souviens qu’elle avait pendu sa robe dans mon armoire. En tout cas, elle fut bien incapable de me préciser ce qui lui avait pris de se sauver comme ça. Au bout d’un moment, elle m’avait instruit qu’on l’avait d’abord saisi par le pied à travers la literie et qu’on l’empoignait rudement, la pinçant très fort au niveau de la poitrine. La faible luminosité dans la pièce lui avait permis de distinguer comme une sorte de main qui se déplaçait dans la pénombre.

— C’était La Chose du chevalier, sans aucun doute là-dessus, s’exclame Isabelle.

— Tu me dis ça comme si c’était normal !

— Qu’en avais-tu pensé à l’époque ?

— Je ne l’ai pas cru sur le coup, malgré son insistance pour que je puisse au moins considérer ce qu’elle me rapportait. D’abord, fort de mon esprit rationnel, j’avais rejeté l’idée qu’une main puisse apparaître du néant pour terroriser la femme que j’aimais. Dans quel but ? Pour faire fuir Andie ? Pour la tuer ? On n’était pas dans un roman de Stephen King, tout de même.

— J’avais essayé de la faire dormir dans une chambre du rez-de-chaussée, après l’avoir calmée tout contre moi. Au matin, elle s’était mise à pleurer, manifestant son étonnement de me retrouver encore en vie et m’affirmant qu’elle s’était sentie abandonnée dans cette maison, à partir de l’instant où elle a découvert que mon cœur ne battait plus et que je ne respirais plus…

— Déjà à cette époque ? Donc tu m’as menti ! Ça t’est préalablement arrivé !

— C’est ce que j’ai tâché de te dire au début de cette conversation lorsque j’ai souhaité poser mes cartes sur table. Sur le moment, j’ai pensé qu’Andie me faisait une mauvaise blague, car ce n’était pas le moment de me raconter des choses pareilles. J’avais été obligé de l’écouter. Elle avait entrepris de me ramener à la vie. Malgré toutes ses tentatives et un réseau hors service, elle m’avait veillé en attendant que la lumière du jour apparaisse.

— Et après ?

— Au petit matin, je m’étais levé comme si de rien n’était. Aussitôt, elle s’était rhabillée de pied en cap et nous avions dû regagner la capitale illico presto. Plus jamais nous n’avions reparlé de cette virée au Mesnil-Peuvrel. Voilà donc la raison pour laquelle j’évite de retourner dans cette maison. Actuellement, c’est bien à cause de Père que je suis revenu dans cet épouvantable endroit. J’ai dû faire des efforts. Tu vois, je suis constamment dans le déni, Isabelle. Tu comprends ! En me réinsérant, peu à peu, sur la terre du Mesnil-Peuvrel, je souhaitais croire que c’était de l’histoire ancienne. Mais non, tu en es la preuve.

— Je ne sais plus quoi te dire Olivier. Demain, c’est la fête et il va falloir faire bonne figure. À présent, il va être l’heure pour moi d’aller voir Gueule-de-Broc. Je dois lui prendre un poulet et lui donner une liste consignant les ultimes instructions pour samedi.

— Bon ! À partir de maintenant, il n’est plus question d’évoquer le Mesnil-Peuvrel. Je vais venir avec toi pour découvrir cette femme étonnante !

— Si tu veux, mais je vais devoir te présenter sous le prénom de Joonas.

— Ah ! Cela va être pour moi l’heure de ne pas sortir un mot.

— Lorsque tu verras Gueule-de-Broc, tu t’en souviendras toute ta vie. Elle passe pour être la dernière sorcière du village, ce qui est évidemment une fadaise… Mais tu dois te rendre compte que dans une petite commune comme la nôtre, les gens lâchent n’importe quoi et croient en n’importe quoi.

— Un peu comme nous à partir de ce jour !

— Exact, Joonas ! Je me tais donc.

— Parle-moi un peu de cette Gueule-de-Broc pour que je m’en fasse une idée plus précise.

— Gueule-de-Broc est une femme qui affiche pleinement ses cinquante ans et qui aurait un amant. J’ai peine à l’imaginer, mais ce sont des ragots. En fait, je n’en pense rien et ne pourrais t’en dire plus.

— Soyons sérieux, Isabelle ! D’où sort cette légende à propos des sorciers de Bully ?

— La terre de Bully fut jadis considérée comme un haut lieu de sortilège et autres récits de ce genre… Mon grand-père m’avait raconté bien des anecdotes étranges au sujet d’un berger qui aurait détenu des pouvoirs. Un historien, l’abbé Decorde[2], les évoque même dans l’un de ses ouvrages. D’ailleurs, il les cite comme réalisant des choses bien étonnantes ; grimper sur les toits, par exemple, ou marcher, la tête en bas, sous le plancher des maisons. Il faut que tu saches que le moulin des Brumes se dénommait le moulin du diable en des temps bien plus anciens. De mon côté, je me range du côté de cet historien, un religieux, qui rajoute que ces gens étaient probablement des possédés ou des bateleurs soucieux de faire parler d’eux. Conclusion, je n’y crois pas. J’espère t’avoir rassuré.

— Là, tu me vois pleinement tranquillisé, Isabelle.

— Maintenant, je dois t’annoncer quelque chose de très terre à terre avant que mes parents atteignent Bully : je suis enceinte, Olivier.

[1] Petit sac de cuir de voyage. Ce mot ancien est à l’origine du mot « budget ».

[2] J. E. Decorde, Neufchâtel, article Bully ; édition Gérard Montfort.

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