CHAPITRE 44 - Bon anniversaire, papa !

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Dimanche 21 juin 2065
9 h 20, moulin des Brumes, Bully, Seine-Maritime, Normandie


Vers la mi-juin 2061, j’ai étrenné mon exosquelette pour procéder à quelques essais avant de commencer les premières expéditions virtuelles dans l’appartement de la rue Murillo. Tout au début, j’avais tâtonné une bonne heure, cherchant à me mouvoir correctement sans faire trébucher « Edgar », ce qui m’aurait contraint ensuite à le repositionner sur ses pieds et à distance, donc probablement avec difficulté. Par chance, je n’ai jamais eu droit à ce cas de figure.

Par la suite, j’avais dû m’entraîner pour attraper n’importe quel objet, du plus petit au plus grand, du plus mince au plus gros, du plus léger au plus lourd, conditions préalables pour saisir, dans les rayonnages, des ouvrages différents, ainsi que les innombrables dossiers renfermant mes archives personnelles consignées dans l’ancien bureau de mon défunt père. Il m’avait aussi fallu apprendre à grimper sur l’escabeau à roulettes pour aller identifier les volumes dont j’aurai besoin, puis d’en feuilleter les pages sur le bureau marqueté de Mère, ce qui allait me rappeler des souvenirs marquants. Après avoir recherché la procédure pour capturer les images à partir du système de vision du bot pour les engranger sur le cloud, j’étais parvenue à les transférer, une à une, sur l’un des écrans du moulin. À la longue, ma quête s’était révélée un jeu d’enfant, ayant pu me familiariser avec les subtilités de ce nouvel environnement numérique interconnecté.

Bon an, mal an, début décembre 2061, j’avais réussi à coucher un long mémoire, exposant l’aventure extraordinaire qui m’était survenue le 21 juin 2014, soit quelques heures après l’accident d’Isabelle. Nécessairement, j’avais pris mon temps pour rédiger cette autobiographie, qui n’en était pas vraiment une, désirant laisser une trace écrite à destination de mes plus proches, ainsi qu’à leurs descendants. L’année dernière, un imprimeur m’avait déjà sorti une cinquantaine d’exemplaires papiers que j’ai remisés dans l’un de mes coffres.

Il y a six mois à peine, à l’occasion du Nouvel An, j’ai commencé à transmettre à chacun de mes enfants et petits-enfants mon témoignage, rapportant la fabuleuse histoire partagée avec Isabelle. Tout ce travail de recherche, de compilation et de réflexion m’a durablement occupé l’esprit puisqu’il m’avait fallu rassembler une masse inimaginable de documentation, incluant les annotations consignées dans mes agendas, mes vieux dossiers perso, la riche bibliothèque de l’appartement, les sites internet des Archives Nationales de France, mais aussi celui des Archives Départementales de la Seine-Maritime, ainsi que le fonds ancien de la Bibliothèque Nationale, seul dépôt où j’avais eu l’espoir de retrouver un indice au sujet de Alix Malet de Graville, épouse d’un certain Guillaume de Pevrel.

En annexe, j’avais rajouté la brochure, basée sur les fouilles préventives, offerte par l’abbé Anquetil.

Dans ce recueil de souvenirs intimes, j’avais exposé plusieurs sujets, dont celui de ma propre biographie, ma famille, mes études, mes activités professionnelles associées aux innombrables voyages effectués dans bon nombre de pays, les interventions que j’avais dû assurer dans diverses universités américaines, les articles qui pouvaient être consultés librement sur le Net, ainsi que l’ensemble de mes écrits qui étaient devenus des livres largement distribués dans le monde entier.

L’un de mes chapitres avait été dédié à Isabelle, dont je relatais les grandes étapes de sa trop courte vie. À mes yeux, évoquer le destin de ma chère Isabelle s’avérait être le propos central de mon travail. Et comme il s’agissait d’un ouvrage essentiellement privé que je désirais laisser à ma postérité, j’en étais arrivé à retracer les curieuses circonstances de ma première rencontre avec mon hirondelle du printemps, dès la sortie d’un bus, puis des rendez-vous qui s’en étaient ensuivis… sans en dévoiler trop. Je devais surtout appuyer sur le fait que cette rencontre avait provoqué un enchaînement d’évènements improbables. Tel était le thème de mes écrits.

Jour après jour, j’avais remisé mes précieuses notes dans mon coffre-fort, les reprenant le lendemain pour les compléter ou les corriger, le cas échéant, dans le seul but de clarifier l’Incompréhensible. Dans une section, je faisais amende honorable en narrant l’incident qui s’était déroulé au musée d’Orsay lorsque Isabelle, qui avait su faire preuve d’audace durant notre visite, m’avait confié ses visions et son héritage enrobé de magie et de silence. De même, j’avais consigné le récit consécutif au lourd secret porté par son lignage maternel.

Ces souvenirs m'ont permis d’enchaîner, dans la rubrique suivante, ma propre expérience, celle d’avoir ressenti l’étrange perception d’être transporté en esprit à Paris, pour vivre un épisode de la Révolution française, me contraignant à assister à la décapitation de Marie Anne Duchastel, l’aïeule d’Isabelle, sur l’actuelle place de la Concorde. En annexe, je précisais que ce cauchemar éveillé m’avait mené directement à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, le docteur Bertaux, ayant magistralement orchestré mon admission au service des urgences depuis la ferme des Roys.

Dans un énième chapitre, j’abordais un sujet qui m’était plus familier, celui de la mécanique quantique. Avec force détails, j’explicitais un paradoxe dont nous n’avions pas véritablement conscience, celui de concevoir que chaque individu discerne, à travers ses cinq sens, des ondes nous ramenant à l’échelle de l’atome avec tout ce que cela implique au niveau quantique.

À ce propos, en novembre 2021, quelques mois après nos retrouvailles, Claire avait souhaité me faire connaître son homologue néerlandais, le docteur Pim van Lommel, lequel avait rédigé une étude scientifique, parue en 2001, dans la revue médicale The Lancet dont le titre écrit en langue anglaise « Near-death experience in survivors of cardiac arrest : a prospective study in the Netherlands » avait attiré toute mon attention. Vivement intéressée par le sujet, Claire avait réussi à obtenir un entretien avec son homologue dans un restaurant des environs d’Utrecht, aux Pays-Bas. Fière de son initiative, elle m’avait aussitôt proposé de le rencontrer pour discuter avec lui. Le rendez-vous avait eu lieu dans la foulée.

Durant le repas, le cardiologue avait longuement abordé son hypothèse concernant le problème de la conscience qui se révélerait, d’après lui, délocalisée en dehors du cerveau suivant les principes de la mécanique quantique, le corps physique n’étant qu’une interface percevant des ondes électromagnétiques à travers ses cinq sens. Claire lui avait posé une batterie de questions dont les réponses allaient dans le sens de ce que je commençais à entrevoir et qui rejoignaient l’hypothèse soutenue par Roger Penrose, Stuart Hameroff, Henry Stapp et Karl H. Pribam.

À la fin du dîner, Pim van Lommel nous avait dédicacé son livre Mort ou pas, volumineux ouvrage, bien documenté et relatif aux dernières découvertes médicales et scientifiques sur les EMI. Dans mon for intérieur, je pressentais que la nature quantique des EMI pourrait expliquer le rôle de l’observateur dans l’étude des fentes de Young. À la suite de cette rencontre avec le médecin néerlandais, j’avais réfléchi plus encore et, à partir de ces interrogations nouvelles, j’avais estimé que ce problème de la conscience s’avérait prépondérant, considérant que mes trois fabuleuses expériences de mort imminente ou EMI, comme préférait le dire Claire, pourraient être dignes d’une série Netflix. Je me souvenais encore de la première, celle partagée en 2001 avec Andie, laquelle s’était enfuie complètement nue de ma chambre pour se réfugier à l’extrémité ouest de la maison. La terreur l’accompagnant jusqu’au petit matin, elle avait tenté de me réanimer lorsqu’elle eut constaté que mon cœur avait cessé de battre ; les deux autres incidents avaient eu lieu bien des années plus tard, notamment en juillet 2013, à Paris puis à Bully. Restait la nuit marquante du 21 juin 2014, quand Isabelle était apparue mystérieusement dans le bureau de mon père… pour disparaître du jour au lendemain, mais là, il s’agissait d’une tout autre histoire d’après l’avis du cardiologue et j’abondais dans le même sens !

Forcément, Pim van Lommel n’avait pu m’apporter d’explication sur ce dernier phénomène qui le déconcertait bien plus que ça, après que Claire eut récupéré la parole pour lui narrer l’épisode de la boucle d’oreille. Sans réponse de sa part, et je me doutais bien qu’il n’y en avait pas, nous avions regagné nos chambres d’hôtel pour nous reposer avant de reprendre la route pour rejoindre Paris.

Ce qui ne m'a pas m’empêcher de me questionner sur la nature de la conscience, sujet qui m'a occupé l’esprit jusqu’au jour où j'ai revisité en pensée l’expérience des fentes de Young qui énonce que la mesure quantique de la lumière est différente suivant la participation ou non d’un observateur.

En effet, si la présence d’un observateur est effective, les particules, traversant les fentes de Young, agissent comme de la matière, dessinant seulement deux lignes verticales sur une cible, tandis qu’en cas d’absence de ce même observateur, les particules se comportent comme des ondes de probabilité projetant sur la cible une figure d’interférence, soit une succession de franges perpendiculaires, établissant ainsi la dualité onde-corpuscule. Deux résultats distincts pour une identique expérience, suivant que la conscience soit en jeu ou non, ce qui semble paradoxal pour la plupart des individus !

À partir de ces considérations, si je pousse mon raisonnement à l’extrême, je dois admettre que mon corps physique se meut dans un environnement régi par la mécanique newtonienne dite classique, ce qui ne doit pas être le cas pour la conscience, susceptible d’influencer le résultat d’une expérience. Est-ce que cela signifie qu’à l’instar de la mécanique quantique, ma conscience, emprisonnée dans ma boîte crânienne, est dotée de propriétés équivalentes à celles que l’on attribue aux particules subatomiques dont certaines sont capables de voyager dans le temps ? Au bout du compte, avais-je pu vivre une téléportation à l’échelle de mon esprit, laquelle téléportation s’appuierait sur le phénomène d’intrication quantique ? En définitive, malgré mon doctorat, faisais-je fausse route avec ces déductions ou plutôt ces élucubrations qui m’envahissaient la matière grise sans discontinuer, concrétisant que je devais impérativement récupérer mon bon sens sous peine de devenir complètement fou ?

Et puis, il avait fallu que Claire me prête l’un de ses DVD préférés ; Interstellar, un film réalisé par Christopher Nolan. Au cours du visionnage, j’avais fini par comprendre la motivation de l’amie d’Isabelle qui avait tenu à ce que je visionne ce film, car une scène, en rapport avec mes questionnements lointains, avait attiré toute mon attention ; c’était celle où Joseph Cooper, après son éjection de la navette Ranger, était resté suspendu dans un espace-temps au sein même du trou noir de Gargantua. Dans ce drôle d’univers, il était parvenu à communiquer avec Murphy, sa fille, âgée de 10 ans, laquelle pensait avoir affaire à un fantôme. Il n’était pas difficile de saisir que Cooper, simple dépouille flottante à des milliers de kilomètres de la terre, éprouvait une EMI. Prisonnier dans un monde étrange, l’esprit de Cooper avait acquis la possibilité de voyager dans le passé pour rendre visite à sa fille Murphy dans le seul but de lui adresser les coordonnées géographiques qui sauveraient l’humanité.

L’ouvrage finalisé avait été assez épais. Après plusieurs lectures, relectures et corrections, j’avais repéré un imprimeur qui m’avait tiré plusieurs reproductions reliées, ce qui m’avait aussi obligé à faire un dépôt légal à la Bibliothèque Nationale. Après en avoir offert un exemplaire à chacun de mes enfants et petits-enfants, j’avais remisé le reste, estimé à une bonne vingtaine de volumes, dans mon coffre. Le soir, je m’étais incliné sur la tombe d’Isabelle et sur celle de ses parents qui, eux, n’avaient jamais appris le secret partagé avec Claire.

Bien plus tard, William, héritant des biens de ses grands-parents, avait récupéré le luxueux écrin englobant le collier, le bracelet, la bague de fiançailles et une unique boucle d’oreille. C’est avec une certaine émotion que je lui avais remis la seconde, lui avouant à demi-mot qu’Isabelle m’avait rendu visite après sa mort et qu’elle portait sur elle les boucles d’oreilles de cette parure. J’avais vu se dessiner l’expression de la surprise sur le visage de mon fils, ce qui n’avait pas arrêté mon propos pour autant. Après quelques secondes de répit afin qu’il reprenne son souffle, je lui avais précisé, sans trop en révéler, intimité oblige, que durant la nuit, l’une de ses boucles d’oreilles avait glissé derrière le lit et que c’est Claire qui l’avait ramassée quelques jours après. Fort étonné par mon récit, William avait tenté d’en savoir davantage. Bien entendu, je n’avais pu lui répondre, mais c’est ce type de questionnements sans cesse répétés, toujours restés sans explications, qui m’avaient forcé à mettre par écrit mon témoignage et surtout l’histoire d’Isabelle.

Après avoir emprunté le chemin menant au bassin de retenue, Claire et moi continuons de trottiner main dans la main. Me complaisant dans le silence, nous redécouvrons le ruisseau qui s’écoule jusqu’aux godets de la roue à aubes qui avait recouvré sa vocation d’antan. Cela me vivifiait. Je dois admettre que Éric Tuttavilla, avait bien revisité l’architecture de la demeure en y adjoignant un ascenseur pour monter à l’étage. Après la mort d’Éliane, puis d’Éric, le moulin était retourné tout naturellement à William qui m’avait aussitôt proposé la jouissance de cette propriété qui me rappelait de tendres moments passés avec ma douce Isabelle. Me maintenir en ce lieu me permettait de profiter des allées et venues de Claire en tant que voisine. Même si nous avions été très liés au début, Claire et moi ne résidions pas ensemble, chacun savourant sa liberté pour vaquer à ses occupations.

J’eus soudain envie de briser le silence.

— Dis-moi, Claire ! Il y a vingt ans, tu devenais ma femme, mais cela doit faire cinquante ans que je te connais…

— Là, je sens que tu vas me demander un avis éclairé…

— Exact, Claire ! Je souhaitais savoir ce qui t’a le plus surpris chez moi !

— Pas mal de choses, en vérité, car j’ai une très bonne mémoire. D’abord, cela ne fait pas cinquante ans que l’on se connaît, mais bien plus. N’as-tu pas oublié que tu rangeais des livres dans la bibliothèque de la comtesse lorsque je t’ai vu pour la première fois ? Bref, on ne va pas se mentir ; on se côtoie réellement depuis mon premier coup de fil, ayant visé à avoir des nouvelles de toi après ton hospitalisation.

— Tu possèdes une excellente mémoire !

— Je me souviens également qu’Isabelle m’avait préalablement dressé un portrait peu flatteur de ton oncle Alexandre… Ainsi que de toi qui semblait suivre la même voie que lui ! m’avait-elle rapporté en riant.

— Déjà, laisse mon oncle dormir en paix ! Et loin de moi était le désir de devenir curé… Comme tu as dû l’expérimenter avec elle, Isabelle a toujours eu le don de l’exagération.

— Oui ! C’est vrai, mais ce n’est pas ce qu’elle voulait dire ! Elle avait perçu que tu étais d’une pudeur excessive, sauf que tu ne t’en rendais pas compte… Cependant, je reconnais que tu as bien survécu aux idées insipides et rétrogrades de ton oncle. Au fait, je ne t’ai jamais questionné à ce sujet ; avait-il appris que tu avais été l’amant de sa protégée ?

— Effectivement, tu ne me l’as jamais demandé. L’oncle Alexandre ne m’a jamais évoqué ce point-là. Osait-il au fond ? Et puis, je te rappelle qu’il a été rapidement emporté par la Covid… Et puisque tu me parles d’Aurore, lorsque nous serons au cimetière, j’irai aussi m’incliner sur sa tombe. Tu veux bien ?

— Tu peux et je le comprends ! À propos, as-tu eu des nouvelles d’Andie récemment ?

— Elle ne m’a plus jamais téléphoné. Je suppose qu’elle vit toujours, entourée par ses enfants et ses nombreux petits-enfants. À l’époque, elle m’avait confié qu’elle s’était rendue à Paris pour vendre l’appartement de la rue Bonaparte. Elle y est restée que trois jours… mais elle avait pris le temps d’aller jusqu’au métro Courcelles pour essayer d’identifier l’immeuble dans lequel je demeurais. Elle l’avait finalement retrouvé, mais malheureusement, à ce moment-là, j’étais en Norvège.

— C’est quand même étrange ; Andie te quitte, puis Isabelle te tombe dans les bras un an plus tard, ensuite…

— … Isabelle fut comparable à une étoile filante… une étoile qui m’a accompagné durant une bonne partie de mon existence. En y réfléchissant, ce qui me paraît extraordinaire, c’est qu’Astrid fut son prolongement à partir du moment où elle avait recueilli le cœur d’Isabelle à travers l’opération de la dernière chance à laquelle tu as grandement participé. En me mariant avec Astrid, j’ignorais que j’épousais Isabelle, ou plutôt son cœur. De plus, quel destin, lorsque je réalise que j’ai convolé en justes noces avec la chirurgienne qui, non seulement a permis à Astrid de vivre, mais qui a donné naissance à une petite Isabelle, alors qu’il lui était impossible d’enfanter médicalement… Pour moi, tout cela tient sans aucun doute du miracle !

— Arrête, Olivier. Tu vas me faire pleurer avec toute ta nostalgie que tu es en train de me développer.

— Tu as raison, remémorons-nous les choses drôles. C’est toi qui commences ! Tu veux bien !

Claire se met à rire. Son regard est lumineux, car je sens qu’elle va me sortir des anecdotes datant de bien longtemps.

— Bien ! Allons-y. La première rencontre physique qui me vient à l’esprit, c’est lorsque je t’ai croisé pour la première fois à Abbazia. Je ne te connaissais pas vraiment, mais Isabelle m’avait préalablement évoqué tes problèmes de pudeur…

— Rappelle-moi !

— Déjà, le jour de mon arrivée en Corse, je me souviens de ton anxiété lorsque tu t’adressais à moi.

— C’est vrai, j’étais du genre inquiet. Ne t’ai-je pas expliqué que je n’appréciais pas les médecins, à cause d’une de tes consœurs qui s’était conduite comme une malade... Indirectement, cette femme fut à l’origine du décès de Vanessa ! Je t’avais raconté cette histoire après notre mariage.

— Exact ! Je me remets ! J’avoue que ma collègue s’était très mal comportée vis-à-vis de ta personne et de ta petite copine de l’époque qui en avait alors payé le prix fort… J’ai lu dans un chapitre que tu lui rendais hommage. Mes profonds respects… Par ailleurs, j’ai compris tardivement que ton inconfort permanent provenait de cet épisode dramatique.

— Cela me tenait à cœur, cet hommage ! De plus, Vanessa était liée à l’une de mes EMI, celle de Bully en particulier. Je l’ai noté dans mon mémoire !

— Bon ! Olivier ! On reprend les anecdotes amusantes si tu veux bien, car, là, je commence à déprimer ! Je reviens sur mon arrivée en Corse, un samedi ! À un moment, les Tuttavilla se sont carapatés pour rendre visite aux Colonna à Ghisoni… C’est là que tu es monté te reposer, tandis qu’Isabelle et moi avions été tentées de profiter du soleil en allant nous baigner dans la piscine.

— Je me souviens trop bien… Te découvrir dans le plus simple appareil, cela valait dix.

— Lorsque j’ai regardé vers la fenêtre de votre chambre, j’ai bien constaté que tu m’observais pour vérifier si j’allais vraiment me foutre à poil, Isabelle t’ayant alerté sur mes habitudes. Je suis au fait qu’elle t’avait prévenu et que cela t’avait gêné de savoir que cela ne me dérangeait pas.

— Elle m’avait effectivement averti que la pudeur et toi, cela faisait deux. Je ne comprenais pas cet état d’esprit !

— C’est comme ça dans le médical. Que veux-tu ? On en voit tous les jours ! Pour terminer, le lendemain, tu m’avais enguirlandée, car tu m’avais surprise sous la douche… ça, je n’ai jamais pu l’oublier.

— Une porte, ça se ferme ! t’avais-je répliqué. Avec du recul, je présume que tu l’avais fait exprès de laisser ton iPhone dans la salle de bains pour venir le récupérer après.

— Non ! Je suis sortie de la salle de bains, assez perturbée par ton courroux. Bref, ensuite, j’étais obligée d’aller frapper à la porte pour…

— … Mon œil, je crois bien que tu avais envie de te rincer l’œil ou de découvrir ma réaction.

— Me rincer l’œil ! Non, pas du tout ! J’avais vraiment oublié mon iPhone et j’en avais expressément besoin pour appeler l’hôpital. J’en ai profité pour tester ta pudeur, vu ce qu’Isabelle m’avait rapporté à ton sujet ! Lorsque Isabelle a ouvert la porte, j’ai bien relevé que rien n’allait plus et qu’il fallait que je trouve un truc pour forcer ta carapace !

— Alors là, tu as parfaitement réussi puisque j’ai compris que c’est toi qui avais eu l’idée de m’emmener sur une de tes plages préférées.

— Épisode marquant, n’est-ce pas ? J’étais bien intentionnée quand j’ai modifié le trajet pour une petite virée vers la plage de Bagheera. Je ne savais pas encore quelle serait alors ton attitude. Ma grande surprise fut de te retrouver tout nu dans l’eau, tout cela à cause d’un baigneur qui tournait un peu trop près d’Isabelle. Cet été t’a beaucoup changé et je m’en félicite.

— Tu oublies de préciser que ma collègue de travail, Pénélope Dalmas, celle qui était venue à l’enterrement d’Isabelle, était présente sur cette plage, ce qui m’a profondément embarrassé par la suite. Tu connais l’histoire ! Depuis, cette femme me poursuivait partout. J’ai appris par mon ancienne secrétaire qu’elle est décédée l’année dernière.

— Ce n’est pas dans ton livre, ça, hein ! Ça devrait.

— Surtout pas ! Pouvais-je prévoir ma réaction physiologique, tandis qu’Isabelle tentait de masquer mon inconfort ?

— Cela m’amuse autant, Olivier ! Tu devais comprendre que tout ce qui t’est arrivé faisait partie de la Vie.

— Désolé de te contredire sur ce point-là. Je préférais la discrétion. Ah ! Si mes enfants pouvaient découvrir les folies que nous avons vécues. La pruderie est de mise par les temps actuels.

— Je dois te révéler que notre fille copie sa mère.

— J’ai entendu ça par hasard. Et qu’en dit Victor ?

— Rien ! « Ma femme fait ce qu’elle veut », m’a-t-il soufflé ! Victor n’est pas rétrograde. De plus, il est médecin, lui aussi ! Au fait, combien as-tu fait imprimer d’exemplaires de ton œuvre ?

— Œuvre ! C’est un euphémisme. Une cinquantaine ! Il m’en reste une vingtaine, dont un pour le rejeton qu’attend Daphné.

— Tu me fais encore rire !

— Je ne regrette rien. Ces mémoires sont relatifs à un évènement qui a surgi durant mon existence, ce qui m’a obligé à reconsidérer l’ensemble de mes certitudes sur un plan moral et scientifique. Jusqu’au jour de ma retraite, je ne me suis livré à personne, exerçant mon activité avec passion, suite aux nouvelles détections émanant des télescopes spatiaux James-Webb et Nancy-Grace-Roman. Je garde dans un coin de mon cerveau l’expérience irrationnelle que j’ai vécue. Maintenant dénoué de tout engagement professionnel, j’ai pu entreprendre l’écriture de ce que tu as eu la bienveillance de parcourir. Merci encore !

— Très bon travail !

— J’ai constaté avec joie que mes enfants l’avaient lu, mais en travers, rarement en totalité. Quant à mes petits-enfants, j’ai des doutes.

— Ils le feuilletteront plus tard, j’en suis sûre. Eux, ils sont encore trop jeunes !

— En tout cas, Chloé et Mathieu ont été impressionnés par mon étrange récit, et surtout étonnés que je fusse capable de découvrir le nom complet d’une femme brûlée vive en 1483, ce qui fut évidemment corroboré par la plaque déterrée par les archéologues qui avaient procédé aux fouilles, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la petite chapelle. William ne m’en a jamais parlé, sauf que tu m’as exprimé, il y a quelques instants, qu’il t’interrogeait à ce sujet.

— Oui, pour avoir été témoin, j’ai fini par lui narrer l’histoire de la boucle d’oreille que Letizia Colonna avait vainement recherchée dans l’Audi déglinguée et que j’ai retrouvée à la tête de ton lit, sans compter les différents évènements qui se sont déroulés durant des siècles du côté de la petite chapelle, ce qui a été formellement consigné par des textes anciens suivant le document rédigé par l’abbé Anquetil.

— Ah ! La dame blanche ! Après avoir effectué des investigations sur ce hameau, l’abbé Anquetil avait estimé que ce lieu devait être un endroit spécial autrefois. D’après lui, il semble qu’il y ait eu des rites païens avant la construction de cet édifice, ce qui fut corroboré par les archéologues qui avaient découvert des artefacts remontant à l’âge du bronze.

— J’ai relu plusieurs passages de ton mémoire, Olivier ! Comme tu le sais déjà, pour moi, Isabelle est décédée pendant son transport à l’hôpital de Bastia, cérébralement j’entends, soit le 20 juin, même si l’heure légale de sa mort fut enregistrée bien plus tard, c’est-à-dire le lendemain.

— Évoquer cela avec toi, Claire me touche profondément. Je ne te témoignerais jamais assez mon affection pour avoir été si proche de moi, merci d’avoir été ma compagne après le trépas d’Astrid, d’ailleurs, je te signale que j’envisage de me rendre au Havre pour nettoyer sa tombe dans les jours à venir.

— On fixera un jour dans l’après-midi ! Je viendrai avec toi, c’est promis ! À propos, Olivier ! j’ai constaté que tu te perdais parfois avec les dates. Te sers-tu du calepin virtuel ?

— Pour ça, je n’y parviens toujours pas. La semaine prochaine, je pense que je vais faire l’acquisition d’un agenda classique, sinon, effectivement, je ne vais plus me retrouver.

— Comme quoi la vieille Claire s’avère encore utile pour tes repérages avec le temps.

— J’en serais heureux !

Au retour de notre courte promenade improvisée, nous apercevons William et « petite Isabelle » installés dans la voiture. Discutant tous les deux, ils nous attendent.

Délaissant le véhicule dans la montée du cimetière, je pénètre le premier pour me diriger tout droit vers la sépulture fleurie d’Isabelle. Je réalise que telle la régularité d’une comète traversant le ciel depuis le firmament, une douce colombe m’était apparue, lumineuse, pour disparaître subitement. Les larmes me coulent des yeux, tandis que je m’incline sur sa tombe, revisitant en pensée les plus jolis moments d’une tranche de vie beaucoup trop brève. Il me paraît étrange de concevoir sa présence auprès de moi comme si nous étions à l’intérieur d’une salle de projection. Depuis sa mort accidentelle, mon cinéma à moi était ce lieu où, puisant ma force, je m’obligeais à me remémorer les plus remarquables pages de son existence. Mon film à moi, c’était l’île de Beauté et mon île de Beauté c’était Isabelle qui n’avait pas fini de réverbérer son amour à l’infini. Elle était tout près de moi et je pouvais le ressentir.

J’entends la gravelle crisser derrière moi, preuve que mes proches sont déjà sur mes talons.

« Petite Isabelle » me rejoint la première, posant un bouquet de fleurs sur sa tombe. William fait de même, tandis que j’aide Claire à avancer jusqu’à moi.

— Tu as dû comprendre, papa, que cette femme, c’est aussi notre mère à nous également.

— Comment ça ?

— Pour William, c’est sa véritable mère, pour moi, c’est le mystère de ma conception puisque maman n’a jamais saisi ce qui lui était arrivé.

— Moi non plus ! Et pour Mathieu et Chloé, demandé-je ?

— C’est très simple, leur mère portait le cœur d’Isabelle !

Les larmes me coulent sur les joues, tandis que je me retourne, me déplaçant jusqu’au caveau de Éric et Éliane Tuttavilla qui jouxte celui de Charles Bohon de Secqueville et de Marianne Coeurderoy. Méditatif, j’y reste quelques instants. Plus loin, je passe devant la sépulture de Anton et Béatrice Häkkinen. De là, je peux distinguer deux monuments presque accolés : celle d’Aurore de Lestandart et l’autre de Germaine Debeaulieu, chacune étant devenue la grand-mère de certains de mes petits-enfants. Comme quoi, le temps réalise parfois des miracles. Comment, ne pourrais-je pas m’incliner sur celle de l’abbé Anquetil dont la perspicacité n’avait fait aucun défaut ?

Au loin, je découvre Claire qui serpente dans les allées pour tomber pile sur celle de ses parents et de sa petite sœur Cécile Bertaux. Je tente de la rejoindre. Traverser une nécropole, c’est avoir accès à l’histoire de ceux qui se reposent éternellement. Chaque tombe peut rappeler un instant de vie partagé avec ceux qui ne sont plus sur cette terre pour en parler. En quelques décennies où j’ai pu assister à bien des inhumations dans ce patelin perdu de Normandie, j’ai pris conscience que chaque sépulture, avec ses noms et ses dates, représentait une page d’un grand livre ouvert, un trait d’union entre le passé et le futur.

Après avoir refermé le portail du cimetière, nous remontons dans le véhicule autonome, William s’investissant au niveau des commandes pour paramétrer notre destination à l’aide de son IND. « Petite Isabelle » grimpe à son tour pour occuper le siège vide. Nous attendons Claire qui n’a pas terminé son périple parmi les monuments. Pendant ce temps, William et « petite Isabelle », qui se sont à nouveau placés à l’avant, consultent leurs messages. Il est tout juste l’heure de partir, lorsque Claire, toute pimpante dans sa tenue de fête, nous rejoint dans l’automobile. Aussitôt, William me demande si je désirerais entendre un peu de musique pour le trajet qui peut s’avérer un peu plus long sur ce modèle de voiture électrique. J’acquiesce bien évidemment puisque mon plaisir serait de réécouter le requiem de Mozart en ce jour spécial du 21 juin, mais en sourdine, car je n’ignore pas que « petite Isabelle » veut me sonder au sujet de mon mémoire qu’elle a pu lire dans son intégralité après avoir effectué un rapprochement sur un évènement récent, au sein de son service de cardiologie. Étonné, je la questionne à ce sujet pour saisir ce qu’elle souhaite me dire par là.

— Attends, papa. Je t’expliquerais après. Ce que j’ai remarqué dans ton bouquin, ce sont les nombreuses coïncidences qui se sont empilées tout le long de ta vie. Je vais relater avec toi tout ce que j’ai compris. William te demandera des éclaircissements sur certains points qui l’ont laissé interrogatif.

— Ah ! Ce devait être la raison des messes basses dans le moulin !

— Tu n’as pas tort ! Alors, dis-moi, papa. Tu es devenu astrophysicien, car tu t’étais mis en couple avec la fille d’un chercheur qui exerçait à la NASA, c’est bien ça ?

Et me voilà partie pour raconter les grandes pages de mon existence, mes années scolaires et universitaires, puis celles qui m’avaient permis d’être honoré par un doctorat en astrophysique. Aussitôt, « petite Isabelle » a orienté la discussion sur Andie Jefferson avant de m’enjoindre de lui avouer si j’ai vraiment entretenu une liaison avec l’ancienne châtelaine, madame de Marescourt. Rapidement, elle comprend que je ne souhaite pas aborder un tel sujet avec mes enfants, surtout avec Benjamin Debaulieu, la source de cette information d’ordre privée. Gardant ma ligne, je dévie la conversation sur Isabelle, m’étendant longuement sur sa personnalité fantasque, ce qu’elle avait été, sans oublier les affreux cauchemars avec lesquels elle avait dû faire face. Bien évidemment, je n’ai pas omis d’évoquer la particularité des horloges jumelles qui nous avaient rapprochés. Puis, j’ai narré mon escapade durant la Révolution française qui m’a entraîné tout droit à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

— N’est-ce pas, Claire ?

Claire pouffe de rire, ce qui ne m’empêche pas de continuer mon histoire jusqu’à la fin, citant le nom d’Alix Malet de Graville.

— Justement, c’est à propos de ce patronyme que je t’interpellais, papa, car dans mon service, j’ai tout récemment reçu en consultation une femme qui s’appelait « Alix Malet » et qui demeurait le boulevard de Graville au Havre. Je dois l’opérer demain et elle rentre ce soir pour des examens complémentaires. C’est étonnant, non ? En tant que scientifique, comment expliques-tu tout cela ?

— Je ne saurais pas quoi te répondre, ma fille. Une simple coïncidence… Sans doute une personne qui s’est plu à résider à une telle adresse !

À travers les vitres du véhicule, je tire de mon oubli le Mesnil-Peuvrel. Au loin, je distingue de l’animation. Quelques barnums de modeste taille ont été montés.

Lorsque je descends pour prendre pied dans la vaste cour, un tonnerre d’applaudissements me salue. Chacun me saute dessus pour me congratuler. J’identifie, pour de vrai, les enfants de Chloé et Benjamin. Ce sont presque de jeunes adultes maintenant, lesquels sont venus de si loin pour une discrète fête. Mathieu est avant tout heureux de m’accueillir au Mesnil-Peuvrel pour me montrer la dernière technologie qu’il a acquise depuis peu. Il n’est pas encore trop tard pour bien faire et je lui demande l’autorisation de m’évader quelques instants afin de marcher en direction de la petite chapelle. J’en éprouve tellement le besoin.

— Claire, souhaites-tu m’accompagner ? Cela me ferait un énorme plaisir.

— Bien entendu, Olivier ! Cela va me rappeler l’abbé Anquetil et ses fouilles.

— Ce fut un moment passionnant. Surtout lorsqu’il était revenu avec les résultats des différents tests ADN qu’il avait obtenus. Celui du chromosome Y fut décisif, puisque mon père matchait avec Guillaume de Peuvrel, à une mutation près.

— Qu’est-ce que cela signifiait ?

— Qu’il était dans la filiation patrilinéaire, mais au fil des siècles, il advient qu’une modification sur un allèle apparaisse en raison d’une cause qui pourrait être un rayonnement cosmique par exemple. Il peut y avoir d’autres explications.

— Nous voici arrivés. Mince ! J’ai oublié de prendre la clé. J’espérais revoir l’intérieur… Vraiment dommage !

— À moins qu’un des petits-enfants nous l’amène. Je peux envoyer un SMS, si tu veux ! Non ! je cours la chercher !

— Ne t’inquiète pas, Claire ! On y retournera cette après-midi.

Soudainement, à cause de la chaleur peut-être, je me sens défaillir, ressentant comme un étau au niveau de ma poitrine. Claire est maintenant beaucoup trop loin pour me soutenir. Je respire de plus en plus mal. Petit à petit, un brouillard opaque m’enveloppe. Je tombe à genoux avant de m’affaler de tout mon long sur l’herbe. D’un coup, j’éprouve la sensation d’être capturé par une force mystérieuse qui m’emmène quelque part comme si je m’enfuyais dans une sorte de monde irréel. Peu à peu, la silhouette de Claire s’estompe pour laisser apparaître, au sein de cette brume étrange qui s’épaissit graduellement, une cavalière qui semble traverser les marches du temps.

Elle ressemble à une mariée avec son voile qui lui couvre son visage. L’être étincelant descend d’un palefroi immaculé qu’un servant attache à un anneau scellé sur la paroi de ce qui me rappelle la chapelle du Mesnil-Peuvrel. L’entité se rapproche de moi. À ma grande stupéfaction, je me retrouve debout face à cette femme dont je sais pertinemment qui elle est pour avoir recherché son identité : Alix Malet de Graville. Mais je sais déjà que ce n’est pas elle…

Puis ma conscience m’impose de visionner le tableau La chasse sauvage d’Odin où Freyja récupère les âmes des héros morts au combat pour les mener au Walhalla. Bizarrement, je me repère au tout premier plan de ce tableau. Je suis nu, mais j’ignore si je le suis réellement, car tout me semble illusion dans le brouillard de mon esprit. Tandis que la cavalière me prend par la main pour m’entraîner vers l’entrée de la chapelle, je distingue un prêtre qui nous accueille pour qu’on le suive jusqu’au maître autel. Debout, tout autour de nous, je reconnais des visages que j’ai oubliés depuis si longtemps.

Ma future épouse lève enfin son voile.

C’est Isabelle…

Je pose un genou à terre pour lui remettre les armes de ma Vie : mon corps, mon cœur, mon souffle.

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