Prologue : L'écho des fractures

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Elle vivait tranquille, dans la douceur d’une vie simple.
Ses cheveux, longs, blonds et ondulés, glissaient sur ses épaules comme un voile d’or ; ses yeux, bleus comme un ciel d’été, brillaient d’une paix oubliée.
Les gestes étaient naturels, simples : préparer le café, ouvrir la fenêtre pour laisser entrer l’air frais.
Le monde semblait paisible, et elle se laissait bercer par ce quotidien sans éclat.

Mais dans l’ombre de cette tranquillité, les bruissements de violence étaient déjà présents, invisibles mais réels.
Les mots commençaient à fuser, acerbes et venimeux, se glissant dans l’air comme des poignards dissimulés derrière des sourires.
Au début, elle pensait pouvoir les ignorer.
Mais ces mots, comme des fils invisibles, s’étaient peu à peu enroulés autour de ses poignets, de ses chevilles, jusqu’à l’empêcher de respirer, de se mouvoir.

Le premier choc arriva un soir où elle n’avait pas compris, où elle n’avait pas su pourquoi il était en colère.
Il l’avait saisie violemment, les mains pleines de reproches et de haine.
Ses poings avaient frappé, l’air était devenu lourd, oppressant ; le son de la porte claquée contre le mur avait résonné comme une alarme.
Elle s’était retrouvée à terre, son visage brûlé de douleur, sa tête chavirant sous l’impact.
Le sol froid de l’appartement était son seul refuge, son seul témoin.

Elle n’avait pas pleuré. Pas tout de suite.
Elle était restée là, comme figée, un peu ailleurs, ses yeux fixant le vide, ne sachant plus si la souffrance venait de l’extérieur ou si elle émanait de l’intérieur.

Les jours avaient suivi, la violence aussi.
Parfois, il la poussait sans raison, d’autres fois il l’insultait, la rabaissait, la dénigrait avec des mots plus cruels que n’importe quelle gifle.
Elle avait appris à se faire petite, à éviter les éclats, à prendre garde à ses gestes, à son regard, à sa voix.
Mais la peur s’infiltrait chaque jour un peu plus, se logeant dans ses os, l’empêchant de vivre vraiment.
Chaque sourire, chaque tentative de normalité devenait un masque fragile, prêt à se briser à la moindre étincelle.

Un soir, la violence explosa de nouveau.
Il était ivre, furieux, cherchant une raison, une excuse.
Et elle, incapable de reculer, de fuir cette fois, était restée là, figée, sous la colère déchaînée qui se déversait sur elle.

Elle sentit la douleur, vive, perforante, le souffle coupé par l’impact d’un poing qui la frappa en plein visage.
Ses yeux se remplirent de larmes, mais ce n’était pas la douleur qui faisait pleurer.
C’était l’impuissance.
C’était la résignation.
La violence n’était plus une surprise, mais un rituel quotidien.

Elle se retrouva à genoux, la bouche pleine de sang, la tête qui tournait, son corps tremblant sous les coups.

C’est à ce moment-là qu’il arriva.

Un bruit dans le couloir.
Une porte qui s’ouvrit violemment.
Un cri.
Puis une silhouette, grandie par la colère et l’urgence.
Un visage déterminé.
C’était lui.

Il avait toujours été là, même avant, même sans qu’elle ne le sache vraiment.
Il n’était plus l’ami, il était le sauveur.
Le bras de la violence était prêt à s’abattre une fois de plus, mais il s’interposa, attrapant le bras tendu et le repoussant violemment.

Les yeux de l’agresseur s’écarquillèrent de surprise, mais ils se durcirent aussitôt.
Un échange de coups rapides, de force brute.
Elle vit un homme blond le repousser avec une violence maîtrisée, prenant soin de la protéger derrière lui.

Il cria quelque chose, un mot qu’elle n’entendit pas clairement, car tout semblait s’être figé autour d’elle.
Puis, d’un geste, il la saisit, la tirant doucement mais fermement vers la porte.

— Viens, avait-il dit, sa voix basse mais pleine de fermeté.

Elle n’avait pas bougé tout de suite.
Elle avait regardé l’homme derrière elle, cet homme qui avait voulu l’écraser.
Et puis, elle avait vu son ami.
Ses cheveux blonds, ses yeux verts perçants, la lueur d’une promesse de sécurité dans son regard.
Il était là pour elle.
Comme il l’avait toujours été, même si elle ne le savait pas.

Avec un dernier coup d’œil, elle s’éloigna.
Ses jambes étaient faibles, mais pleines de cette petite lueur d’espoir qu’elle n’avait plus cru sentir depuis longtemps.
Elle se laissa guider.
Et pour la première fois depuis trop longtemps, elle laissa quelqu’un l’emmener loin de la souffrance.

Elle n’avait pas encore vu la porte se refermer derrière elle.
Mais ce soir-là, elle avait compris une chose : il était encore possible de respirer, de vivre, de se reconstruire.

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