Chapitre 12 : L’écho des contradictions

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Evans se retrouva seul dans l'appartement, le silence pesant autour de lui. Il se laissa tomber sur le canapé, la tête pleine de pensées contradictoires. Le bruit de la ville qui filtrait à travers les fenêtres semblait lointain, comme un écho. Il ferma les yeux un instant, puis, comme une vague qui le submergeait, les images de la soirée, de l’ascenseur, de Lena et de Zoé, s’entrechoquèrent dans sa tête.

Avec Lena, c’était simple, mais compliqué. Un instant suspendu dans l’ascenseur, où tout s’était arrêté, où elle l’avait touché d'une manière qu’il n’avait pas anticipée. Le contact, discret mais lourd de sens. Ce geste qui avait tout changé, qui l’avait marqué d’une manière étrange, presque irréelle. La tension dans l’air entre eux, un poids indéfini. Il ne savait pas pourquoi, mais il avait eu cette impression qu’elle, de son côté, avait vécu la même chose. Quelque chose qui les avait liés, même sans un mot. Mais où cela le menait-il, vraiment ?

Puis il y avait Zoé. Une nuit intense, un peu sauvage. Pas de douceur comme avec Lena, mais une complicité brute, franche, sans fioritures. Ils s’étaient retrouvés dans l’instant, corps contre corps, un abandon total. Peut-être que cette nuit-là, pour lui, c’était une évasion. Mais quand il repensait à Zoé, il n’arrivait pas à ignorer cette sensation de vide, celle de ne pas savoir où se trouvait le véritable lien. Il y avait des fragments de vérité dans cette relation, mais ces morceaux ne faisaient jamais un tout.

Les pensées se bousculaient. D’un côté, il y avait cette lumière calme et étrange avec Lena, cette sensation qu’elle le voyait d’une manière qu’il n’avait pas l’habitude de voir chez les autres. De l’autre, il y avait l’énergie brute de Zoé, mais aussi la certitude que cette relation n’était qu’un moment. Un instant fugace. Pourtant, cette tension silencieuse avec Lena, ce regard croisé, ce geste dans l’ascenseur, tout ça lui disait qu’il n’avait pas fini de la comprendre. Et lui, lui qui fuyait parfois tout engagement, se sentait attiré par cette complexité.

Il tourna la tête, cherchant un moyen de donner un sens à tout cela. Il s’imaginait déjà en train de discuter de tout ça avec Damien et Kyle, de leur en parler. Mais, plus il y pensait, plus il savait que ce n’était pas si simple.

Damien, par exemple, l’aurait déjà incinéré avec une de ses répliques cash. Ce mec n’avait jamais de filtres. Il disait ce qu’il pensait, sans détour, et s’il n’était pas du genre à se perdre en subtilités, il aurait sans doute balancé un truc du genre : "Tu te fous dans un merdier avec ces deux-là. T’es pas assez con pour ne pas voir ça." Damien était le genre à se faire un sang d’encre pour ses proches, même si c’était toujours en râlant. Mais il n’avait pas tort, quelque part. Evans savait qu’il allait devoir se confronter à la vérité, même si ça le gênait. S’il continuait à jouer sur ces deux tableaux, ça finirait par exploser, et il n’était même pas sûr d’avoir envie de l’empêcher.

Kyle, lui, aurait probablement analysé la situation sous un autre angle. Toujours calme, toujours observateur, il aurait décelé dans les moindres gestes, dans les silences, quelque chose que même Evans n’avait pas encore compris. Kyle, avec ses airs détachés, était capable de lire entre les lignes mieux que n’importe qui. Mais Evans savait qu'il ne lui poserait pas les questions directes qu'il avait besoin d’entendre. Non, Kyle serait plus subtil. Il aurait suggéré des pistes, fait des remarques qui l’obligeraient à remettre en question tout ce qu’il croyait savoir.

Evans passa une main sur son visage, fatigué par ses propres contradictions. Comment pouvait-il concilier ce qu’il ressentait pour Lena et ce qui le liait encore à Zoé ? Il avait l’impression que ces deux mondes se heurtaient violemment dans sa tête. Ce qu’il détestait le plus, c’était cette impression d’être piégé entre deux choix qu’il n’avait pas su éviter.

Il se leva.

Fit quelques pas dans l’appartement. L’air frais qui venait de la fenêtre ouverte ne parvenait pas à dissiper la chaleur de ses pensées. Il avait besoin de réponses. Pas dans les regards des autres, mais dans la vérité qu’il allait devoir affronter. Peut-être que ce soir, quand les garçons reviendraient, il pourrait enfin poser les choses, démêler cette situation avec un peu plus de clarté.

Il s’assit à nouveau sur le canapé, croisant les bras sur son torse. Il n’était pas sûr de pouvoir résoudre ce dilemme tout de suite, mais il savait que les choses ne feraient que se compliquer s’il attendait trop longtemps. À un moment donné, il allait devoir choisir. Entre la liberté et l’engagement. Entre le passé et l’avenir. Et là, il se sentait aussi perdu qu’avant, noyé sous la tension de ses propres désirs et de ses propres contradictions.

Ils n’avait pas bougé de sa place, les bras croisés sur son torse, le regard fixé sur l’écran de son téléphone, mais il ne voyait rien. Son esprit était ailleurs, dans cet ascenseur, dans les gestes suspendus, dans les regards partagés avec Lena. Il aurait voulu que le temps s’arrête, qu’il puisse enfin comprendre ce qu’il ressentait. Mais la réalité était là, encore et toujours.


La porte d'entrée s'ouvrit brusquement, brisant le silence qui pesait lourdement dans l'appartement. Damien et Kyle entraient ensemble, l’un avec sa nonchalance habituelle, l’autre avec son énergie débordante, comme si la journée ne s’était jamais terminée.

Damien lança un regard furtif à Evans, mais c’était Kyle qui s'approcha, ses yeux captant immédiatement l'humeur sombre de son ami. Il haussait toujours un sourcil quand quelque chose n’allait pas, mais il n’était pas du genre à poser des questions trop tôt. Il savait qu’Evans finirait par parler quand il serait prêt.

— Alors, qu’est-ce qu’il se passe ? demanda Kyle d’un ton calme, en s'installant sur le canapé à côté d'Evans.

Damien, qui avait déjà filé vers la cuisine, lança une remarque moqueuse par-dessus son épaule, sans se soucier de la tension évidente dans l’air :

— Quoi, tu n’as pas croisé de nouveau ta rousse dans l’ascenseur ? Allez, dépêche-toi de tout raconter, qu'on rigole un peu !

Kyle se tourna vers lui, légèrement agacé, mais Evans ne pouvait pas s’empêcher de sourire faiblement à la remarque de Damien. C’était sa manière à lui de briser la glace.

— Ouais, c’est exactement ça, répondit Evans en soupirant, un peu plus lourdement que prévu. Mais tu sais, c’est pas aussi simple.

Damien se stoppa dans son élan, une bière à la main. Il se tourna vers Evans, les bras croisés, un air de défi sur le visage.

— T’es pas là pour nous embrouiller, hein ? T’as l’air… bizarre. Qu’est-ce qui s’est passé ?

Evans baissa les yeux, cherchant ses mots. La tension qu’il ressentait avec Lena semblait revenir à la surface, et il n’était pas sûr d’arriver à la transmettre clairement. Mais il n’allait pas pouvoir le garder pour lui plus longtemps.

— Je sais son prénom, dit-il finalement, dans un murmure qui résonna plus fort qu’il ne l’avait voulu. Lena.

Un silence s’installa, un silence lourd, comme si le temps s’était suspendu autour d’eux. Damien était visiblement intrigué, mais c’était Kyle qui brisa le silence en premier, son ton mesuré, comme toujours.

— Lena, hein… Ça fait un moment que tu la cherche. T’as l’air de dire ça comme si c’était un tournant, mais… c’est pas juste un prénom. Qu’est-ce qui se passe exactement, Evans ?

Evans leva les yeux, cherchant un instant à capter leur attention. Les deux amis étaient différents, mais ils se connaissaient bien. Damien, avec son approche franche, et Kyle, avec son regard plus acéré mais toujours calme. Il se savait en sécurité, mais les mots étaient plus durs à sortir que prévu.

— Ce matin-là, dans l’ascenseur… C’était pas juste une coïncidence. On… on s’est connectés, d’une manière étrange. Un regard, un geste, c’était comme si… comme si le temps s’était arrêté. J’ai senti quelque chose, un truc inexplicable, et… et je crois qu’elle l’a ressenti aussi.

Damien fit une moue, prenant un gorgée de sa bière, un sourire en coin, comme s'il analysait la situation.

— Ah… donc tu penses que tu as trouvé ton âme sœur, c’est ça ? Ou tu veux juste qu’on se fasse un groupe de soutien pour tes problèmes de cœur ?

Kyle, qui avait écouté sans interrompre, se tourna vers Evans, son regard plus doux, mais aussi plus perçant.

— Ce que Damien veut dire, c’est que tu sais déjà qu’il y a une tension entre vous, mais tu n’es pas sûr de ce que ça signifie. C’est ça ?

Evans hocha la tête. C’était exactement ça. Il n’avait pas les réponses, mais quelque chose en lui savait qu’il devait continuer à chercher, à comprendre ce qu’il ressentait pour Lena. Il ne voulait pas se précipiter, mais l’incertitude, l’attirance… tout ça lui pesait.

— Et puis il y a Zoé… ajouta-t-il, en baissant les yeux. C’était… différent. Intense, mais sans vraiment de fondement. Je sais pas où ça me mène. Et je me sens… coincé entre ces deux mondes, comme si je devais choisir.

Damien se laissa tomber dans un fauteuil, son expression un peu plus sérieuse maintenant, comme si la conversation devenait plus sérieuse qu’il ne l’avait anticipé. Il secoua la tête, l'air à la fois un peu exaspéré et sincèrement préoccupé.

— T’es en train de t’embrouiller tout seul, mec, Zoé c’était une relation d’un soir. Si tu veux savoir ce que tu ressens pour elle, tu n’as qu’à lui dire, point final. L’ascenseur, c’est cool et tout, mais c’est pas ça qui va te donner des réponses. Tu veux vraiment en savoir plus sur Lena ? Va lui parler, franchement. Arrête de tout tourner dans ta tête.

Kyle, plus calme, posa une main sur l’épaule d’Evans.

— Damien a raison, dans le fond. Mais ce qu’il veut dire, c’est que tu dois prendre du recul. Rien de tout ça n’est clair, pas encore. Ce que tu ressens pour Lena, ce n’est pas juste une question de prénom. C’est plus profond que ça. Et peut-être qu’il te faut juste un peu plus de temps pour comprendre tout ça.

Evans les regarda, un peu perdu, mais aussi un peu plus soulagé. Peut-être que parler de tout ça, même vaguement, avec eux l’aidait à y voir plus clair.

— Je vais essayer, dit-il enfin, sa voix un peu plus assurée. Mais je sais pas… je crois que c’est plus compliqué que ça. Je crois que je suis… attiré par quelque chose chez elle, quelque chose de… différent. Mais je suis pas sûr de pouvoir y faire face.

Damien se leva brusquement, comme s’il était prêt à secouer la situation.

— Et bien, tu vas devoir y faire face, un jour ou l’autre. T’as l’air d’un gars qui fuit, mais au bout d’un moment, tu dois bien choisir. Si tu veux avancer avec elle, t'as pas 1000 portes, mec.

Kyle, qui était resté silencieux pendant un moment, ajouta doucement :

— C’est une question de moment, Evans. Le bon moment, le bon endroit. Mais ça, tu dois le sentir toi-même.

Evans prit une profonde inspiration, comme s’il essayait de capter quelque chose de plus précis dans ses propres sentiments.

— Ouais, t’as raison. Mais tout ça… c’est juste… c’est un sacré foutoir dans ma tête.

Kyle sourit légèrement, plus tranquille.

— C’est là que les vrais changements commencent, mon pote.

Damien lança un regard à Kyle, amusé par la sagesse de son ami, mais il se tourna ensuite vers Evans, avec un sourire plus franc.

— Allez, vas-y, fais-le. On est là pour toi. Mais t’es pas tout seul dans cette histoire.

Evans se laissa tomber en arrière sur le canapé, son esprit toujours agité, mais d’une manière qui semblait un peu moins lourde, un peu plus légère. Il savait qu’il n’était pas seul. Et peut-être que, finalement, c’était tout ce qu’il lui fallait pour affronter ce qui venait.

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