Chapitre 17 : L’écho de l’attente
Le réveil sonne doucement, presque timidement, comme s’il avait conscience de déranger. Lena ouvre les yeux lentement, encore noyée dans la brume d’un rêve flou dont elle ne parvient pas à saisir les contours. Il y avait des mots, des silences, et un regard, celui d’Evans, sûrement. Depuis quelques jours, il hante ses pensées, par éclats. Et ce matin encore, l’image de lui reste suspendue dans l’air, comme un parfum discret.
Elle tend machinalement la main vers son téléphone, les paupières encore lourdes, et l’écran s’illumine dans l’obscurité douce de sa chambre. Aucune notification. Pas de nouveau message. Elle soupire, une moue presque enfantine dessinée sur ses lèvres. Il lui avait écrit avant-hier, un message un peu maladroit, presque drôle, mais si chargé de non-dits qu’elle en avait relu chaque mot une dizaine de fois.
Elle sait qu’elle ne devrait pas attendre. Elle le sait. Mais l’attente s’est installée comme une compagne silencieuse, glissée entre les interstices de ses pensées, rendant chaque matin un peu plus lourd que le précédent.
Une voix légère s’élève depuis la cuisine.
— Mademoiselle Rêverie s’est encore égarée dans la vallée du "Mais pourquoi il ne m’écrit pas ?" ?
Lena lève les yeux au ciel, mais un sourire la trahit. Gaëlle entre dans la pièce, une tasse de café dans chaque main, ses cheveux en bataille et une énergie qui défie la logique du réveil. Elle dépose la tasse sur la table de nuit de Lena et s’installe sans cérémonie au bord du lit.
— Il a peut-être une vie, tu sais. Des trucs à faire. Ou il se demande comment ne pas paraître trop collant. Ou trop distant. C’est un vrai casse-tête, ces débuts.
Lena secoue la tête, une couverture remontée jusqu’au menton.
— Tu crois qu’il joue à ça, lui ? À faire semblant de pas être pressé ?
— Je crois surtout que toi, tu es en train de faire tout un film, genre drame romantique en trois actes, alors que vous n’en êtes même pas à la scène du deuxième rendez-vous.
Lena rit, malgré elle. Gaëlle a cette capacité à désamorcer les tensions, à remettre les choses en perspective. Mais cela n’efface pas la boule dans son ventre, ce petit point de frustration, de doute, qui pulse au creux de son estomac.
— Et s’il se lassait ? Ou s’il avait quelqu’un d’autre dans sa vie ? Je veux dire… On ne se connaît pas vraiment.
Gaëlle la regarde un instant, puis lui tire doucement la couverture pour la forcer à se redresser.
— Et si tu te donnais une chance de le découvrir au lieu de paniquer dans ta tête ? Vis. Vis, Lena. Et si ça doit marcher, ça marchera. Mais ne te perds pas dans l’attente, ce serait trop dommage.
Lena acquiesce doucement, les yeux un peu brillants, mais avec un souffle nouveau dans la poitrine. Elle jette un dernier regard à son téléphone. Toujours rien. Tant pis. Elle se lève.
Evans s’était réveillé bien plus tôt. Trop tôt pour un samedi, ou un mardi, il ne savait plus vraiment quel jour on était. Le réveil n’avait pas sonné, pas besoin. Son corps s’était juste redressé tout seul, comme poussé par une angoisse sourde, familière. Ce genre de réveil sans rêve ni objectif, où la conscience revient trop vite et où le silence semble peser plus lourd que d’habitude.
Depuis qu’il avait quitté son boulot, ou plutôt, depuis qu’il avait laissé tomber l’illusion qu’il aimait ce qu’il faisait, ses journées s’égrenaient comme de l’eau sur du carrelage, sans forme, sans consistance. Il avait du temps. Trop de temps. Et aucun plan pour l’utiliser autrement qu’en ressassant.
Il était resté allongé un long moment, à fixer le plafond, les bras croisés sous la tête, à suivre des craquelures invisibles dans la peinture. Finalement, il s’était levé, pieds nus sur le parquet froid, enfilant machinalement un sweat trop grand. Il ne se rappelait même pas avoir mangé la veille.
Maintenant, il était là, affalé dans un coin du canapé, les jambes repliées, le téléphone dans une main, l’autre agrippée à une tasse de café tiède qu’il avait oublié de boire. Sur l’écran, les trois petits points d’un nouveau message commençaient à clignoter. Il écrivait, effaçait. Écrivait encore. Effaçait encore.
« Salut Lena, je repensais à notre moment dans l’ascenseur. J’espère que tu vas bien. »
Supprimé. Trop neutre. Trop banal.
« Tu me manques. Même si c’est absurde de dire ça maintenant. »
Supprimé. Trop tôt. Trop honnête.
« Je t’écris parce que je n’arrive pas à pas le faire. »
Supprimé. Trop confus. Trop lui.
Chaque tentative laissait un goût étrange dans sa gorge. Comme s’il trahissait soit ce qu’il ressentait, soit ce qu’il voulait montrer.
Il lança Spotify, chercha sans vraiment chercher une playlist. "Aerosmith" fit l’affaire. Les notes flottaient dans la pièce, douces, irréelles, comme si elles venaient de l’intérieur de son crâne. Il n’écoutait pas vraiment. Il voulait juste que quelque chose comble le vide.
C’est à ce moment-là que la porte d’entrée s’ouvrit d’un coup sec, comme souvent, sans frapper. Damien. Un tupperware à la main, un bonnet trop grand sur la tête, un sourire mi-fatigué, mi-amusé.
— T’as encore cette tête de mec qui se noie dans un verre d’eau, bro, lança-t-il sans préambule, en posant le tupperware sur la table basse.
Evans releva les yeux, un brin hagard.
— C’est qu’un verre de silence, murmura-t-il avec un demi-sourire un peu triste.
Damien se laissa tomber dans le fauteuil en face, attrapa une cuillère traînant là et se servit du plat sans gêne.
— Tu t’es levé à quelle heure ?
— Je sais même pas quelle heure il est maintenant.
— C’est pas ça le problème, dit Damien, la bouche à moitié pleine. Le problème, c’est que t’es là, à écrire des messages comme un mec en plein roman dramatique des années 90.
Evans eut un petit rire, sans joie.
— J’écris. J’efface. J’écris. J’efface.
— Tu sais ce que tu veux ?, demanda Damien, plus sérieux cette fois.
Evans haussa les épaules, les yeux rivés à l’écran noir de son téléphone.
— J’en ai aucune foutue idée. Je crois que je veux… qu’elle sache que je pense à elle. Mais en même temps, j’ai peur que ça foute tout en l’air. Ou que ça veuille rien dire.
Damien prit une gorgée de thé qu’il n’avait pas préparé.
— Alors fais-le. Ou fais rien. Mais arrête de tourner en rond. Tu vas user le parquet avec tes pensées, mec.
Il posa la cuillère, se redressa un peu.
— Tu sais que je t’adore, hein ? Mais si t’attends de te sentir prêt à 100 % pour lui parler, t’enverras jamais rien. T’attends que ton cerveau soit d’accord avec ton cœur. Mauvais plan. Choisis un camp. Ou fais la paix. Mais décide.
Evans ne répondit pas tout de suite. Il regarda à nouveau son téléphone, le pouce suspendu au-dessus du clavier. Et pour la première fois, il ne l’effaça pas. Pas encore.
La conversation entre Evans et Damien s’était essoufflée, laissant place à une sorte de silence calme, presque confortable. Evans avait reposé son téléphone sur l’accoudoir du canapé, sans l’avoir verrouillé, comme s’il attendait un signal invisible pour taper, ou pour abandonner.
C’est à ce moment-là que la porte s’ouvrit une deuxième fois. Cette fois, ce fut moins une intrusion qu’une entrée théâtrale.
— Mes frères !, déclara Kyle en levant les bras comme s’il débarquait dans un épisode de Game of Thrones, je viens d’avoir une révélation intergalactique.
Il portait une chemise hawaïenne ouverte sur un t-shirt avec une planète Saturne et des chaussettes dépareillées. Son sac à dos était à moitié ouvert, laissant dépasser un carnet, une banane écrasée et un câble USB.
Damien leva les yeux au ciel.
— Dis-moi qu’on va pas encore parler d’ondes cosmiques et de chakras inversés…
— Non, non, mieux que ça. J’ai compris pourquoi Evans va mal !
— Ah bon ? fit Evans, un sourcil levé.
— Les silences de l’univers, mec. Les vides. Les non-dits cosmiques. Tu crois que tu tournes en rond dans ta tête ? Tu fais juste écho à un phénomène astrophysique.
Il fit quelques pas, les mains traçant des courbes dans l’air.
— Écoute-moi bien. Chaque étoile envoie de la lumière, ouais ? Mais entre chaque étoile, y’a du noir. Du vide. Et ce vide, c’est pas du rien. C’est de l’attente. De la tension. Un silence énorme que personne n’ose écouter. Et toi, mon pote, t’es ce silence. T’es entre deux étoiles : Lena d’un côté, Zoé de l’autre. Et t’attends que le vide te parle. Sauf que le vide, il parle pas. Il attend que toi tu fasses du bruit.
Evans cligna des yeux. Damien faillit s’étrangler avec sa bouchée.
— Il est en train de dire que t’es un espace intersidéral sentimental, dit Damien, hilare. C’est ça, non ?
— Exactement, répondit Kyle, très sérieux. Et faut que tu choisisses : est-ce que tu veux être le silence ou la lumière ? Est-ce que tu veux briller ou te planquer dans les ombres du doute ?
Evans ne savait pas s’il devait rire ou pleurer. Il fit un petit sourire en coin, les yeux toujours un peu fatigués.
— Tu sais quoi ? J’ai pas compris la moitié, mais t’as pas tort.
Kyle s’assit à même le sol, croqua dans la banane écrasée comme si c’était normal.
— Et maintenant, tu vas faire quoi, mon trou noir préféré ?
Evans reprit son téléphone. L’écran s’était verrouillé. Il le ralluma, relut une des ébauches de messages, puis tapa quelque chose de plus simple, de plus vrai.
« Salut Lena. Je voulais juste te dire que je pense à toi. J’espère que ta journée se passe bien. »
Il hésita. Respira profondément. Puis… envoya.
Le message partit dans le silence.
Un silence qui n’était plus un vide, cette fois, mais une attente pleine de promesses.
Le bruit d’un mug posé un peu trop fort sur la table basse fit sursauter Lena. Elle était plongée dans une sorte de torpeur, enroulée dans son plaid préféré, les jambes repliées contre elle. Son téléphone, posé à côté d’elle, semblait l’observer silencieusement depuis le matin.
Elle avait passé une bonne partie de la journée à lutter contre cette obsession, à vouloir ne pas penser à lui. Chaque vibration imaginaire, chaque lumière sur l’écran lui donnait un espoir vite déçu. Alors elle avait décidé de ne plus y penser. Enfin, essayer.
Mais malgré les conseils de Gaëlle, malgré ses propres raisonnements, il restait là. En filigrane. Dans sa musique. Dans les reflets de la pluie contre la fenêtre. Dans ce vide étrange qu’il avait laissé.
Et puis, le message est arrivé.
Lena le sentit avant même d’allumer l’écran. Comme une tension qui se relâche sans prévenir. Elle attrapa son téléphone.
« Salut Lena. Je voulais juste te dire que je pense à toi. J’espère que ta journée se passe bien. »
Simple. Direct. Sans fioriture. Et pourtant, son cœur fit une embardée.
Elle resta un instant immobile, les yeux rivés sur les quelques mots. Ce n’était pas un roman, pas une déclaration. C’était mieux. C’était réel.
Un sourire vint se poser doucement sur ses lèvres, mêlé d’une émotion à laquelle elle ne voulait pas encore donner de nom. Elle relut le message plusieurs fois, comme pour s’assurer qu’il n’allait pas disparaître.
— Alors… tu souris bêtement à ton téléphone maintenant ? lança Gaëlle, qui passa la tête dans l’entrebâillement de la porte.
Lena leva les yeux, rougissante.
— Peut-être.
Gaëlle s’approcha et se laissa tomber à côté d’elle.
— Evans ?
Lena hocha la tête.
— Il m’a écrit. Un message court, mais… je sais pas. Ça m’a fait du bien.
— Tant mieux. Tu sais, t’as le droit d’y croire. Même un peu. Même si ça fait peur.
— Oui… mais je me demande ce qu’il pense, ce qu’il veut vraiment. Il y a quelque chose de flou entre nous. Comme si on se frôlait sans vraiment oser se toucher.
Gaëlle prit une gorgée de son thé avant de répondre.
— C’est peut-être comme ça que ça commence. Par des frôlements. Et ensuite, un jour, tu te rends compte que t’es plus seule dans ta tête.
Lena sourit, le cœur un peu plus léger. Elle reposa son téléphone contre elle, comme un petit talisman. Ce n’était qu’un message. Mais c’était un début.
Un vrai.
Lena fixa l’écran encore un instant, puis ses doigts commencèrent à taper, hésitants.
« Salut toi. Merci pour ton message… ça m’a fait sourire comme une idiote. Ma journée est un peu grise, mais là, tout de suite, elle l’est moins. »
Elle relut trois fois. Supprima. Recommença.
« C’est drôle comme un simple “je pense à toi” peut faire battre un cœur un peu plus fort. Alors merci. Et toi, ta journée ? »
Envoyé. Trop tard pour regretter. Elle sentit son ventre se nouer, comme si elle venait d’ouvrir une porte derrière laquelle elle n’avait jamais osé regarder.
Quelques minutes plus tard, Evans, dans son canapé, vit l’écran s’illuminer. Il attrapa le téléphone, un sourire discret au coin des lèvres.
Il tapa sans réfléchir, puis s’arrêta, effaça une phrase entière, en garda une autre, hésita… puis finalement :
« Elle était lente. Pleine de silences. Mais ton message vient de tout changer. T’as ce pouvoir un peu étrange, tu sais ? Celui de faire exister les choses autrement. »
Lena, les yeux écarquillés, lut le message à voix basse. Elle sentit ses joues chauffer.
« Tu viens de battre mon record de "sourires à cause d’un texto". On dirait deux ados qui découvrent ce que c’est de parler avec quelqu’un qui compte. C’est bizarre, non ? »
Evans répondit presque immédiatement :
« C’est bizarre, oui. Mais j’aime bien cette bizarrerie-là. C’est doux. C’est simple. Ça me fait du bien. Et j’ai pas eu beaucoup de choses simples ces derniers temps. »
Lena soupira, touchée, les doigts tremblants un peu plus qu’elle ne l’aurait admis.
« Alors restons simples. Enfin… aussi simples qu’on peut l’être à deux, dans ce monde qui tourne un peu de travers. »
« Marché conclu », répondit Evans.
« Tu veux qu’on continue à se parler comme ça ? Un message à la fois, comme si on construisait un pont en fil de coton ? »
« Oui. Mais j’ai un plaid et du chocolat pour renforcer le pont si jamais il tremble. »
Evans éclata de rire, seul dans son salon, le cœur plus léger. Il n’avait pas tout réglé. Il ne savait toujours pas où tout cela les mènerait. Mais au moins, pour ce soir, il avait ça. Elle. Et un pont en fil de coton qui commençait à tenir debout.
Un toc toc léger résonna à la porte de l’appartement. Kyle, affalé sur le tapis au milieu de ce qu’il appelait une "installation cosmique" (des paquets de chips, une carte du ciel et un rubik’s cube), bondit sur ses pieds avec une énergie qui n’appartenait qu’à lui.
— Oh ! Les étoiles nous envoient un messager !
Il ouvrit la porte d’un geste ample, presque dramatique.
— Et voilà ! La présence céleste incarnée. Zoé, douce perturbatrice des équilibres cosmiques, bienvenue dans notre humble sanctuaire !
Zoé esquissa un sourire, à la fois amusée et un peu gênée.
— Salut Kyle. Toujours aussi... galactique ?
— Tu sais bien que je ne vis que dans l’infini des possibles, répondit-il en s’écartant pour la laisser entrer. Puis, à pleine voix, il lança vers le salon :
— Messieurs, l’univers vient de livrer un colis émotionnel à haute intensité. Je répète, colis émotionnel à haute intensité dans l’entrée !
Damien, en train de farfouiller dans le frigo, lança :
— Si c’est encore une de tes copines astrales, je passe mon tour.
— Erreur. C’est Zoé. En chair, en charme et en clair-obscur.
Kyle accompagna Zoé jusqu’au salon avec une révérence exagérée.
Evans releva la tête, surpris. Il n’avait pas eu de message. Rien. Juste elle, là, devant lui.
Zoé s’arrêta à quelques pas.
— Je voulais pas envoyer de message. Je me suis dit… autant venir en personne.
Son regard était calme, doux, mais un peu inquiet aussi. Elle voyait déjà qu’il était ailleurs, qu’un fil invisible l’éloignait doucement. Mais elle était là. Présente. Forte à sa manière silencieuse.
Evans se leva, gêné, les mains dans les poches. Kyle s’écarta dans un petit pas de danse et lança à Damien, sur le ton de la confidence :
— On assiste à un changement de polarité. Tu sens ? Ça crépite.
Damien leva les yeux au ciel.
— C’est ton cerveau qui crépite, mec.
Puis il se détourna pour leur laisser un peu d’intimité.
Zoé, elle, n’attendait pas de grandes phrases. Juste un geste. Un signe. Un acte simple qui effacerait les silences qui se tenaient entre eux, les non-dits, les hésitations. Elle n'avait jamais été du genre à demander des explications interminables, à chercher à comprendre tout de suite. Parfois, les gestes suffisaient, et ce geste-là, elle l'attendait depuis un moment déjà, sans savoir qu'il viendrait. Sans savoir sous quelle forme.
Et puis, Evans, dans un élan plus instinctif que réfléchi, lui tendit la main. Un geste simple, mais chargé d'une certaine urgence, comme si cet instant était celui où tout pouvait basculer, où il ne pouvait plus reculer. La main, presque timide mais pleine de promesses silencieuses, attendait sa réponse. Zoé la regarda, d'abord sans bouger, ses yeux scrutant son visage comme pour chercher une intention plus profonde dans ce mouvement.
Elle sourit, un sourire à la fois tendre et triste. Ses mains tremblaient légèrement, non de peur, mais de la sensation d'un tout petit pas vers un inconnu qu'elle avait parfois effleuré, sans oser le franchir.
Sans un mot, elle posa sa main dans la sienne, l'enlaçant doucement, comme une promesse muette. Il la tira alors vers lui, la guidant avec une douceur infinie, et elle s’assit près de lui sur le canapé, leur proximité palpable. Leur respiration se mêlait dans le silence de l'appartement, un silence lourd de tout ce qu'ils avaient vécu, de tout ce qu’ils ressentaient, mais n’avaient pas encore partagé.
Zoé tourna légèrement son visage vers lui, le regard doux mais avec une lueur de vulnérabilité. Elle n’avait pas besoin qu’il lui parle encore, qu’il lui explique tout ce qu’il ressentait. Elle avait juste besoin de savoir qu'il était là, avec elle, pour le moment présent. Les mots, elle les éviterait. Il y en aurait un jour, peut-être. Mais aujourd’hui, il n'y en avait pas besoin. Juste lui, elle, et ce silence qui se tissait autour d'eux comme une couverture chaleureuse et fragile.
Evans, de son côté, se sentit soudainement plus léger. Il n’y avait pas de grandes décisions à prendre, pas de fardeaux à porter. Pour une fois, il n'avait pas à choisir entre deux chemins, pas à réfléchir à ce qu’il devrait dire ou faire. C’était une pause dans l’intensité de ses pensées, une pause qu’il n’avait pas anticipée, mais dont il avait un besoin viscéral.
Il posa doucement sa tête sur l'épaule de Zoé, un geste furtif mais sincère, et elle ferma les yeux, se laissant envahir par la chaleur de sa présence. Leurs mains étaient toujours entrelacées, et dans cette simplicité, un flot d'émotions traversa Evans, qui se rendit compte qu'il n’avait pas besoin de résoudre tout tout de suite. Peut-être que, dans ce geste, il trouvait déjà une forme de réponse. Peut-être qu'il n’y avait pas de réponse à donner.
Le temps sembla se suspendre. Le bruit du monde extérieur s’éteignit presque, et il n’y avait plus que cet instant suspendu entre eux. Il n’avait pas besoin de tout comprendre, de tout savoir, tant qu’il était là, avec elle, à cet instant précis. Un autre moment de doute passerait sans doute dans sa vie, un autre choix le confronterait à de nouvelles décisions. Mais pour l’instant, il avait décidé de s’abandonner à la simplicité de ce moment, à cette douceur tranquille qui naissait entre lui et Zoé.
Zoé, elle, était simplement là. Et pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait entière, sans attentes ni doutes, dans l’écrin doux de cette relation qui ne demandait que d’être vécue sans se presser. Elle n’avait pas besoin de plus.
Elle tourna la tête pour le regarder, et un silence apaisé s’installa à nouveau. Pas de mots. Juste une connexion fragile mais profonde.
Annotations