CHAP 4 4

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Enfoiré de Briac... Pas de nouvelles, je lui demande un truc, le béaba d’une enquête, des infos à obtenir légalement et même pas un « ok » ou un « reçu » ! Il est dans le coup aussi, le « frère d’arme » … Sûr qu’il s’est fait virer pour trahison, le fumier. C’est beau la trahison, si c’est bien fait. Pas si c’est juste pour me faire chier ! Mon cloaque me dégrade la santé mentale, ma santé mentale dégrade le cloaque. Engrenage parano, ça m’est déjà arrivé. Une affaire qui craint un peu, on craint quelques répercutions. Et on s’en remet vite. Est-ce que c’est proportionnel aux embrouilles ? Est-ce qu’une amputation, un trauma crânien, des tortures, une sorcière bandante, des meurtres barbares, des drogues jamais testées, d’autres testées comme jamais, peuvent me bouffer le bourrichon à tel point que je ne redescende plus ? À tel point que je prends un fils de pute garé en dessous de chez moi pour mon exécuteur ? Que j’entends des respirations quand j’écoute à travers ma porte d’entrée ? Quand j’ai ces interférences quand je mate BFM ? C’est ma télé qui me lâche ou ma télé qui m’observe ? Où l’autre petite garce, qui me fume à distance… Qu’elle aille bien se faire foutre !

— Tu veux jouer à la vache ? Ok !

On ne fait pas chier Tony Montana ! Un petit snif, tout petit parce qu’après il n’y en aura plus beaucoup, et puis fuck ! un gros raille, parce-que « après » est tout à fait incertain. Ça fait du bien !

Je suis seul contre tous, mais rien à foutre. Sûr que ça doit les démanger. Overdose, suicide, sortie de route, clairement, je suis un bon candidat à une mort accidentelle dont personne n’aura rien à foutre. Et ça, c’est inacceptable. Je suis déluge, apocalypse, foudre divine ! Crever, ok ! Mais que ce soit mémorable, bordel ! Tony Montana !!

— J’vais sortir vous débusquer ! Et pas plus tard que maintenant ! Et que ouais, je ferais un mauvais cadavre !

Je suis déjà sur mon palier, mais quelque chose me retient. J’ai le cerveau en ébullition, boosté par la coke, je ne peux pas improviser comme ça, il me faut un plan.

Ils attendent que je bouge, à peine aurai-je mis le pied dehors qu’ils seront là à visiter mon appartement, tandis que d’autres assureront la filoche. Je racle le fond de coke et me l’enfile.

Je dois laisser des traces. Si je joue l’immaculée conception, ça sera louche. Je laisse mon carnet sur mon bureau, ils tomberont sur le portrait de Lefloch et peut-être d’autres affaires foireuses. Je serai mouillé dans leurs magouilles sans qu’ils sachent jusqu’où, ça me laissera un sursis. J’arrache le portrait de Monsieur Patate, celui-ci je le garde sous le coude.

Le cash de Dom maintenant, où ce qu’il en reste. Briac m’a extorqué 5000 pour couvrir mes frais et organiser ma fuite. Enfoiré. Quel con ! Je planque 2000 dans le conduit de ma cheminée, ça fait toujours bon effet de planquer du cash quand on est trouble. 2 000 en cash dans une planque à deux balles c’est le niveau petite frappe, idéal pour passer pour un con. Quel con ! Quel con ! J’en ai perdu 5000, avec ce connard de Briac ! Enfoiré…

Je garde les 8 000 restant sur moi, parce que bande de fils de putes, je saurai courir pour sauver ma carne.

Je laisse ma caméra sur la table basse, après avoir détruit les vidéos compromettantes. J’efface les historiques sur mon PC, ils pourront contourner mon mot de passe sans problème, mais pour ce qui est des données… j’ai tout lourdé depuis longtemps. On a pris nos dispositions avec Briac pour la communication, je mise sur le fait qu’ils aient un timing trop serré pour faire une analyse poussée. En bonus je laisse mes disques durs, une belle collection de séries et de films de cul. Joyeux Noël, bande d’enfoirés !

La contre filature, maintenant… C’est long, une semaine de planque sans qu’il ne se passe rien. Si je me contente de me balader ou d’aller faire des courses, ils risquent de perdre patience et passer en phase « interrogatoire musclé ». Nan. Je suis un mauvais cadavre. Si Dom apparaît à Scrignac tout le monde plonge. J’ai récupéré son portable, mais je ne peux pas l’exploiter. Trop dangereux de le garder ou de l’allumer, c’est une patate chaude que je vais leur balourder. Tu veux jouer à la vache ? Je suis moins con qu’un fusil mitrailleur et qu’un lance-roquette bande de… Ta gueule. Je m’assène une grosse baffe. Reste lucide.

Je fais une pause pour contempler le tableau d’ensemble, constate sans m’en faire que j’ai largement franchi un palier dans la déchéance. Les cadavres de bouteilles jonchent le sol, champ de bataille recouvert d’une nappe de poussière, étalée au gré des courants d’air. Des empreintes en pagaille du salon aux chiottes et à la chambre – de moins en moins, parce que j’ai des bouteilles vides pour pisser et que le canapé me fait de plus en plus office de plumard. Des traces à demi-effacées jusqu’au bureau, que je n’ai plus côtoyé depuis mes recherches sur Aliénor. Les plus fraîches s’impriment vers la cheminée, j’hésite à les masquer. Ils iront de toute façon. Si c’est trop facile, c’est trop suspect. Je balaye mon salon pour éparpiller la poussière et effacer mes empreintes de pas. La zone est grossièrement nette, aucune piste franche ne mène plus à la cache, si ce n’est le bon sens.

Maintenant je dois planquer pour de bon mes coups d’avance : le portrait de Monsieur Patate et les grimoires. Je ne peux pas les prendre avec moi, je ne peux pas exclure qu’ils me tombent sur le râble. Je pars du principe que mon appartement va être inspecté méticuleusement, idem pour les poubelles, le local avec les compteurs, ma boite aux lettres. J’ai un parking aérien que je dois rejoindre en traversant la rue. Exclu de facto. De la même façon que j’ai fait une croix sur le Tacot, balisé ou saboté. J’en reviens aux boites aux lettres, les parties communes sont ma seule option. J’utilise mon passe PTT pour ouvrir le battant de la batterie, j’en choisis une qui dégueule de courrier, y rajoute une enveloppe contenant le portrait.

Les grimoires maintenant… restés dans mon Eastpack, avec mon doigt. J’ai occulté le tout : les merdes surnaturelles me dépassent, encore plus que le reste. Sale angoisse, frisson d’horreur rien qu’à l’idée de voir ces saloperies. Je n’ai pas la force… Planquer le sac à dos et son contenu maudit. J’explore ma cage d’escalier, de mon appart au rez-de-chaussée. Rien de satisfaisant. Les toits peut-être, si j’y ai accès, je ne me suis jamais posé la question. Grimper les marches quatre à quatre sous l’effet du speed. Une porte mène au toit, mais elle est massive et verrouillée : impossible de la forcer. Je redescends, découragé, puis je trouve sur le palier de la vieille du quatrième : un caddie de courses, à côté de la porte d’entrée. Risqué si elle sort, risqué si mes poursuivants font une fouille vraiment minutieuse. Pas le choix, je dois miser sur la chance – dans ma partie il en faut. J’y fourre mon Eastpack, retourne à mon appart prendre des sacs de courses pour recouvrir le sac à dos. C’est gros, mais plus c’est gros plus ça passe. Enfin j’espère.

Je prépare mon matériel de prise de vue et cette fois-ci je suis prêt. Je m’envoie une bonne goulée, me roule une clope, inspire très fort et sort.

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