CHAP 4 6-7-8

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« Rebondissement dans l’affaire du Massacre de Scrignac »

Alors que Claire Lefloch est toujours recherchée, le mystère continue de s’épaissir autour du drame. Les enquêteurs explorent désormais la piste d’un homme aperçu aux abords du lieu de travail de Jean Taleg, quelques heures avant sa mort. Son véhicule, une « Golf 3 » noire, pourrait correspondre à des traces de pneus retrouvés sur le lieu des meurtres. Un appel à témoin est lancé par les gendarmes : l’homme serait âgé de 30 à 35 ans, de corpulence mince et mesurant de 1m90 à 2m. Aucun portrait-robot n’a pu être établi à ce jour. Si vous êtes détenteurs d’informations, vous pouvez contacter le…

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Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? C’est une chose d’être parano, c’en est une autre d’être réaliste. Ce putain d’article ne peut pas être un hasard, sûr que ces enculés ont le bras long. Une petite mise en bouche avant… Avant quoi ? Je suis tétanisé d’être surveillé, je suis presqu’en taule chez moi, incapable de faire autre chose que tiser alors que ça me monte gravement au bourrichon. Ne rien foutre vire à l’épreuve de force, je fume clope sur clope, bois ma piquette, fais les cent pas en me triturant le moignon. J’épie le moindre bruit dans mon couloir, passe mon temps plaqué contre mon mur à observer les voitures dehors. Un p’tit snif sur un doigt imbibé depuis l’écrin de Dom, cette fois-ci c’est vraiment la fin. Je n’en peux plus d’attendre. Ça me réveille le but premier, le court terme, la marche à suivre : trouver la beuh ! Une cure de deux ou trois mois, je serai d’attaque ! Le grimoire… Tout scanner me fera passer deux jours, tout décrypter me fera gagner la lune… Non, merde, pas ça. Evoquer l’astre me rappelle la fille. Crise d’angoisse fulgurante noyée par gorgées brûlantes. M’en fous. Un pactole et la paix de l’âme, c’est déjà beaucoup. Oui ! Oui… Les grimoires, le grimoire, toujours dans mon Eastpack, avec mon doigt et tout ce que ça implique de surnaturel. J’ai repoussé ce moment, mais je n’ai plus le choix : il me faut cette beuh !

Ma main touche un vieux truc visqueux et brûlant, une merdouille qui colle aux doigts. Tout de normal pourtant, vert et vieux, prêt à me dévoiler ses secrets. Je dégage la paperasse de mon bureau, y lourde la chose. Elle y adhère bizarrement en choc compact. Trouver la beuh dedans, aller à l’essentiel. Mais bordel, je suis scotché, incapable de faire autre chose que de mater ça, avec un mauvais pressentiment… Tout ça, c’est des conneries ! J’ai tout halluciné, rien de fantastique, juste mon esprit fantasmant l’impossible réalité du carnage. C’est juste un bouquin de botanique. Ma main tremble lorsque je m’en approche, mes tripes émettent une supplique grouillante.

Bordel ! Ça gonfle, ça respire, ça vibre, c’est vivant, non, c’est pas possible, je suis juste défoncé ! C’est du cuir, forcément de la peau, c’est organique, c’est juste un effet d’optique. Fuck ! Je n’écoute pas mon instinct hurlant, le touche du bout du doigt, anxieux. Ça émet une nouvelle pulsation, une respiration, un chuintement émis du fond des âges, une chose immonde qui se réveille. Que je réveille. Contact, répulsion, mes poches tirent à l’extrême mes yeux hagards. Une faible décharge d’énergie se répand dans mon bras, remonte comme un poison. C’est froid, j’ai le membre endolori. Mes doigts sont collés, ça gagne jusqu’à la plante de mes cheveux. La distance s’amplifie, comme ce soir de pleine lune où je ne contrôlais plus rien. Les effets de la cuite disparaissent, dilués dans une sensation bien plus puissante. De nouveau, je suis spectateur malgré un état de pleine conscience, et ne reste que l’effroi qui me submerge jusqu’à la panique. Impossible de me sortir de ce piège à con ! Mes doigts sont fermes maintenant, tournent les pages mécaniquement. Les schémas se succèdent, ça cherche quelque chose, les mots cryptiques s’animent devant mes yeux, ils dansent jusqu’à former des symboles ésotériques complexes. C’est impossible ! Ça n’existe pas ! Les chuchotements arrivent brutalement, s’insinuent dans mes pensées. Conscience de ma main gauche tenant un crayon, qui bientôt court sur les pages, entre les lignes d’écritures alambiquées – mais non, je suis droitier, putain ! Rien à faire, ça ne s’arrête plus, c’est de plus en plus rapide, je sens mon poignet qui va céder sous une vibration surnaturelle, impossible d’écrire aussi vite ! Un instant je comprends tout, un instant mes sens se confondent avec ceux de la chose qui me possède. Je suis dépassé définitivement et perds conscience en hurlement muet.


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J’ai la moitié de la gueule endolorie, celle écrasée contre mon bureau, mais rien de comparable à la migraine qui m’atomise le crâne. Mon bras gauche est une crampe lancinante, je déplie mes doigts ankylosés en refreinant une plainte, aperçoit le reste de mon crayon quasiment absorbé par ma paume. Le grimoire est ouvert devant moi. J’observe, incrédule, l’écriture incompréhensible couvrant désormais les interlignes. Je me redresse difficilement, vidé, épuisé. La chose est partie, je le sens. Je ferme sèchement le bouquin sans plus osé y toucher. Un goût de fer dans la bouche, un liquide poisseux coule de ma narine à la commissure de mes lèvres, Je l’essuie d’un revers de manche : du sang.

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