CHAP 6 7

2 minutes de lecture

7

— Ton père ? Il buvait ? Comme toi ?

Le débit est rapide, je ne sais pas, je ne sais plus. Elles me regardent toutes, elles attendent une réponse, elles s’intéressent à ma vie, aussi insignifiante soit-elle, elles compatissent. J’y repense. Je le vois décapsuler sa bière, se servir du whisky, du vin, tous les soirs qu’il passe avec nous. Son teint devient rougeaud, sa voix devient pâteuse. C’est un kaléidoscope de scènes qui se succèdent, toutes les mêmes, années après années. Oui, mon père boit, c’est un putain d’alcoolo, tous les soirs à l’heure du repas. Oui, c’est cet enfoiré qui est la cause de mes déboires. Bordel, reprends-toi ! Je ne réponds pas mais reste prostré, mes expressions parlent pour moi. La voix nasillarde continue de me triturer :

— Il buvait donc. Ensuite il était violent.

Est-ce que j’ai pris des taloches ? Peu, mais oui, c’était un aigri. Oui, quand j’y repense. Il s’emportait parfois, sur un connard de politique, un connard qui présentait le JT, mon père c’est un putain de coco, il a une dent contre tout le monde, surtout après l’apéro. En plus oui, il m’a frappé. Pour des conneries en plus. Il rentre du taf un matin, consulte mon carnet de note d’un air fermé. Je ne suis pas bon pour la fac, enfoiré ? Mes dessins, c’est de la merde ? C’est ce que je lui dis peu ou prou quand je vois à son expression qu’il est déçu que je ne sois ni matheux, ni littéraire, juste un bon à rien. Peut-être parce qu’il ne dit rien, ça me soule. Je l’insulte, j’ai la langue bien pendue. Il fait carpette, je continue, le chambre sur sa grande gueule. Oui, elle est grande sa gueule, mais qu’est-ce qu’il fout pour changer les choses, à part engraisser les syndicats ? De la lutte armée ? Il m’en colle une, bien sèche. Il m’a frappé cet enfoiré ! Il m’a battu ! Je suis un putain d’enfant battu ! Il s’excuse : un type s’est jeté sous son métro, juste devant lui, pendant son service. Ça justifie quoi ? De se défouler sur un ado ? Mon père est un enfoiré, il est la cause de tout ce qui arrive, la vioque à raison, j’ai la haine à cause de lui. Bordel, reprends toi, Deloupe ! Souviens-toi qu’il t’a soutenu dans tes pires décisions, et qu’elles étaient toutes pires ! Mon père c’est le Gandhi des beaufs. J’ai dû lutter pour qu’il daigne m’en coller une. Mais ma nature est ainsi faite qu’il n’avait aucune chance d’y réchapper. J’explose d’un rire gras, je ne peux pas faillir à ma réputation :

— Mon père t’emmerde, tarée !

L’assistance est indignée. Je repense à lui quand les coups commencent à pleuvoir.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Willy Dark ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0