Chapitre 2 : Supermarché, safari et vendredi treize

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Mickaël venait à peine de finir ses frites quand notre père nous a annoncé qu’il nous rejoindrait plus tard, dans le magasin. Il voulait « avoir une conversation » avec notre mère, ce qui signifiait qu’on allait se taper le sale boulot seul en faisant semblant d’ignorer qu’il allait se disputer avec elle sur le parking. Il y resterait surement jusqu’à ce que Mickaël ou moi (cela se déciderait à pile ou face, comme d’habitude) sortions pour les interrompre et lui rappeler que nous n’avions pas encore de carte bleue pour payer nous-mêmes.

— Je vous rejoins dans cinq minutes, nous a-t-il dit.

Mon œil. Avec maman, les « conversations » ne duraient jamais cinq minutes. Soit elle ne répondait pas, soit elle nous remontait les bretelles pendant une demi-heure. Quoique, pour une fois, c’était peut-être elle qui allait se faire remonter les bretelles. Mon frère et moi avons franchi les portes automatiques avec chacun un caddie et une liste de course dans notre poche, plus celle de papa que j’avais dans la main. Pas de bol, c’était à mon tour de m’occuper du frigo. J’allais me les geler. Mickaël avait les produits de douche et les biscuits — preuve indéniable de favoritisme, j’étais formelle. Il a rigolé quand je lui ai dit. Veinard.

— Tu ne crois pas qu’on devrait rester ensemble ? m’a-t-il demandé.

— Pour quoi faire ? On aura plus vite fini si tu t’occupes de tes rayons et moi des miens.

— Mais Ellie, s’il te plaît ! Il fait nuit. Je ne veux pas me faire kidnapper ou tomber sur des mecs bourrés.

— Bon, ok, mais on ne traîne pas. La dernière fois ça nous a pris une heure et en plus, on avait oublié d’acheter à boire.

— Viens, on va chercher ça tout de suite. Il faut profiter de l’eau, tu sais. Dans vingt ou trente ans, il n’y en aura plus.

J’ai pouffé. Ce qu’il pouvait être pessimiste, parfois. Deux minutes plus tard, il faisait tomber les canettes de soda sur ses baskets. Il s’est accroupi sur le carrelage pour vérifier si ses orteils étaient toujours bien accrochés.

— Tu t’es fait mal ?

— Non.

Son petit mensonge m’a fait céder :

— Laisse tomber, je vais m’occuper des packs d’eau, ça t’évitera de nous faire un lumbago.

Il s’est relevé à la vitesse de l’éclair. Il n’avait peut-être pas si mal que ça, finalement, mais je n’ai rien dit. Après tout, c’était de bonne guerre. Et puis, j’avais une question à lui poser.

— À ton avis, c’était quoi ce cirque tout à l’heure ?

— De quoi parles-tu ?

— De papa qui se met à faire du jogging.

Son visage s’illumina, comme les personnages de dessins animés lorsqu’une ampoule s’allume au-dessus de leur tête.

— Oh, ça ! Aucune idée.

— Mince, ça ne m’arrange pas.

— Pourquoi ?

— Moi non plus, je ne comprends pas. Et puisque tu es du genre à imaginer deux cent cinquante scénarios en moins d’une minute, je me suis dit que tu aurais peut-être une hypothèse.

— Le plus probable, a-t-il marmonné, c’est que tonton se soit senti seul et qu’il se soit mis à faire du chantage à papa pour qu’il l’accompagne.

— T’es sûr qu’il ne s’est pas trouvé une petite amie ? ai-je chuchoté en cherchant un stylo dans ma poche.

— Si papa voulait draguer quelqu’un, je doute qu’il s’habillerait n’importe comment pour revenir chez lui puant et à moitié mort.

— Peut-être qu’il ne la drague pas quand il fait du sport, mais après.

On s’est regardé droit dans les yeux au milieu des gels douche et il m’a demandé :

— Tu crois qu’il est avec elle, sur le parking ?

On s’est tu. Papa n’était pas parfait, il était grincheux et il parlait peu, mais c’était notre père et il était hors de question qu’une femme vienne se mettre entre lui et nous. J’ai vérifié mon portable pour me changer les idées. Aucune notification. Le silence commençait à m’inquiéter. Vingt minutes plus tard, nous avions terminé nos courses et il ne restait plus qu’une chose sur la liste de papa : les pansements. Arrivé devant eux, Mickaël s’est mis à râler :

— Pitié, est-ce qu’on pourrait en prendre des couleurs chair cette fois-ci ? Ma cuisse ne respire plus à force de mettre des pansements waterproof.

— C’est seulement une toute petite zone sur ta cuisse, ça va aller. Les waterproofs sont transparents !

— Ellie, s’il te plaît ! Chez maman, il y a toute une collection de pansements, tu peux prendre ceux que tu veux, mais…

— Évidemment, l’interrompis-je. Maman ne prendrait jamais le risque de nous voir avec notre petite bizarrerie.

— Mais chez papa, c’est différent.

— Oui. Lui, il n’a pas peur.

J’ai essayé de dire ça sans que ça sonne comme un reproche envers ma mère, mais je n’ai pas réussi. Mickaël n’a pas insisté là-dessus et m’a simplement répondu :

— Tu sais que papa préfère qu’on achète une seule boite à la fois. Il n’a pas envie qu’on se fasse remarquer. Alors, il faut qu’on se mette d’accord et j’en ai plus qu’assez des waterproofs.

— Sauf si…

— Sauf si quoi ?

J’ai regardé des deux côtés de l’allée et je lui ai dit :

— Nous avons deux caddies à moitié remplis. Si on prend plusieurs boites, mais qu’on les répartit correctement, personne ne verra rien.

Ni une, ni deux, nous avons dévalisé le rayon des pansements. Cinq paquets étaient dispersés à travers les yaourts, les pommes et tout un tas d’autres trucs.

— Une course de caddies jusqu’à la caisse, pour fêter ça ?

J’avais besoin de me changer les idées et surtout, d’arrêter de regarder l’écran de mon portable en attendant de recevoir un message. Mon frère m’a sermonnée :

— T’es sérieuse ? Nous n’avons plus six ans, mais seize ! Et puis, c’est complètement débile.

— Non, c’est drôle. Tu dis ça parce que tu sais que tu vas perdre.

— Pas du tout.

Il a défroissé sa chemise et il s’est mis à recoiffer ses petites mèches noires qui tombaient sur son front pâle. Je l’ai taquiné encore un peu :

— Alors pourquoi est-ce que tu ne veux pas faire juste une petite course de rien du tout ?

— C’est dangereux !

— N’importe quoi, il n’y a personne à cette heure pour nous voir. Au pire, tu ne blesseras qu’un mouton de poussière.

— Très drôle.

J’ai cru qu’il allait me faire la tête en m’accusant d’être immature quand cet hypocrite a commencé à courir tout droit dans l’allée principale.

— Le dernier est un poisson pourri !

Sa menace était gênante, mais, comme je l’avais dit, il n’y avait personne pour constater à quel point mon frère pouvait me mettre la honte. Je n’étais pas mal non plus, dans mon genre. Alors, moi aussi, j’ai couru. Avec des caddies aussi lourds que nous, garder la trajectoire s’est avérée bien plus difficile que prévu. Mickaël s’est laissé distancer par son caddie, qui a foncé droit sur les conserves. Il a freiné de toutes ses forces avant l’impact et moi, j’ai foncé à toute allure et je me suis préparée à prendre le virage. J’allais crier victoire quand…

— MON DIEU ! Non mais ça ne va pas ?! Bande de délinquants !

La voisine était là, à dix centimètres de se prendre mon caddie en pleine poire. Je ne faisais plus un seul geste. Mickaël s’est enfui. Je l’ai tué du regard et il m’a chuchoté qu’il allait chercher notre père avant qu’il ne soit trop tard, mais c’était déjà foutu. La vieille s’était remise de ses émotions, et elle m’avait reconnue.

— Encore vous deux ! Non mais je vous jure, ce n’est pas possible, il faut toujours que vous soyez fourrés dans les mauvais coups. Et ton père, ce jeune gredin, il n’est pas là ?

— Bonjour madame.

— C’est bien gentil de vous avoir appris la politesse, mais il n’aurait pas dû se contenter de si peu. Et le savoir-vivre, alors ? J’ai failli mourir !

— Désolé, j’étais pressée. Je ne pensais pas…

— Tu n’étais pas pressée, tu faisais l’andouille avec ton jumeau, le petit timide.

Elle savait toujours tout. J’étais cuite. Cette mamie à la peau fripée allait me donner des coups de cannes. Ou, du moins, elle allait me menacer de le faire.

— Je t’assure que si tu avais abimé mon précieux couvre-chef, j’aurais immédiatement envoyé la facture à ton père, et peu importe qu’il ne soit qu’un célibataire qui peine à maintenir en vie ses enfants. Il était si jeune quand vous êtes nés ! C’était encore un adolescent, voilà pourquoi il a fait tant d’erreurs avec votre éducation. Aujourd’hui, il n’a pas encore trente-cinq ans, et ça se ressent. Je suis étonnée que vous n’ayez pas déjà mal tourné.

Venant d’elle, il fallait le prendre comme un compliment. L’entendre avouer que nous n’avions pas mal tourné était rare. Peut-être qu’on lui avait manqué. Ou peut-être était-elle proche de la fin ? J’avais un faible pour la deuxième option. Elle remit en place son ridicule bob beige sur son crâne en dessous duquel dépassaient des mèches de cheveux teints en rouge. Le couvre-chef, comme elle l’appelait, était assorti à sa tenue de safari. Je crois que je n’avais jamais vu quelqu’un porter autant de bermudas kaki et de chemises trop larges. Cette femme était une abomination de la nature, ou une menace créer par un laboratoire clandestin pour débarrasser le monde de sa joie de vivre. Rien de plus déprimant que de parler avec elle, surtout quand elle me bassinait sur le fait que mes parents étaient à peine majeurs quand mon frère et moi étions nés.

— Est-ce que tu mesures la gravité de ton comportement ? continuait-elle de me dire. Les conséquences auraient pu être désastreuses, tu aurais même pu me tuer sur le coup. Encore heureux que tu ne m’aies pas foncé dessus exprès, sinon je plaindrais ton père à la messe deux fois plus souvent.

Heureuse de savoir qu’on le plaint, avais-je envie de lui répondre, mais je craignais que ce ne soit un peu trop hypocrite de ma part. Elle n’aurait pas arrêté son laïus, de toute façon.

— La jeunesse de nos jours ! Non mais je vous jure…

— Vous aimez beaucoup cette expression, remarquais-je.

— Quelle expression ?

— Non mais je vous jure. Vous le dites souvent. Très souvent, même.

— Et bien, tu devrais réfléchir à ton comportement aussi souvent que je le dis, comme ça, peut-être que tu te mettras du plomb dans le crâne. Je n’ai jamais vu une enfant aussi dissipée que toi. Enfin, c’est sans parler d’Alexandre, notre voisin du dessus. Quand je pense que ton père vous laissait rentrer à pied — à pied ! — de l’école avec lui pour veiller sur vous, ça me rendait malade. Il n’a que huit ans de plus que vous ! Qu’aurait-il pu faire s’il vous était arrivé quelque chose ? C’était de la pure folie.

— Huit ans, quand on est gosse, ça fait beaucoup. Quand Mickaël et moi en avions sept, c’était utile d’avoir Alexandre avec nous. Un ado de quinze ans, ça sait traverser une route sur un passage piéton sans se faire renverser. Il nous rendait service, c’est tout.

— Quand je pense qu’à l’époque, votre père vous laissait déjà sous la mauvaise influence de ce garçon. Non mais je vous jure ! Alexandre ferait mieux de déménager bientôt. J’en ai plus qu’assez de l’entendre rentrer tard le soir. Et sa voiture qu’il ne gare toujours pas au bon endroit ! Il me gêne le passage sur le parking depuis des mois. Et cette manie de se mêler des affaires qui ne le regardent pas ! Si c’était mon petit-fils, il y a bien longtemps que je l’aurais envoyé à l’armée, tu peux me croire !

J’ai fini par laisser la vieille se défouler sur Alexandre sans l’écouter. Ce mec avait été notre baby-sitter pendant des années et il était adorable. C’était la seule personne de l’immeuble à encore dire bonjour à notre horrible voisine quand il la croisait. À croire qu’il aimait se faire laminer par une dame du troisième âge…

Mickaël n’était toujours pas revenu. La vieille ne se fatiguait pas. Combien de chances avais-je de la croiser un vendredi soir au supermarché ? Pas de bol, il a fallu qu’elle soit au même endroit que moi au même moment. Le vendredi treize était une plaie. D’ailleurs, qu’est-ce qu’elle fichait dehors à une heure pareille ? Il n’y avait que des trucs bizarres ou inutiles dans son panier : des piles, du scotche, des allume-feux, de l’alcool pur, et… De l’acide chlorhydrique ? L’étiquette comptait au moins trois pictogrammes rouges en forme de triangle. Apparemment, cette mémé ne plaisantait pas à propos du nettoyage. Vraiment pas du tout. Cette fois, j’en avais la preuve formelle : elle devenait folle. Avec un peu de chance, elle serait bientôt déclarée sénile et elle déménagerait dans une maison de retraite où elle récurerait le sol jusqu’à ce qu’elle creuse elle-même un trou pour son cercueil. Avec l’acide, ce serait facile. Cette possibilité me conviendrait à merveille.

Elle s’est subitement arrêtée de jacasser. Je ne savais pas si elle m’avait posé une question ou si elle attendait de moi que je renouvelle mes excuses, mais peu importe. C’était le moment ou jamais.

— Bonsoir madame. À bientôt.

Le « bientôt » l’a fait grimacer, mais elle m’a répondu correctement et elle a filé. Elle avait l’air pressée, tout d’un coup. Je suis allée aux caisses, près de l’entrée. Mickaël m’attendait, il était tout pâle. La fatigue, peut-être. Je lui ai demandé :

— Où est Papa ? Et pourquoi n’es-tu pas revenu me sauver ? La vieille m’a tenu la jambe pendant dix minutes !

— Papa a disparu.

Silence. Une minute de réflexion. L’information arrive enfin à mon cerveau. Mickaël s’est expliqué :

— Il n’était plus sur le parking quand je suis allé le chercher.

Ah. Maintenant je comprenais pourquoi il avait une tête de cadavre. Mon teint devait valoir le détour, lui aussi. J’étais dépitée. Mon caddie rangé en ligne à côté de celui de mon frère, je me suis mise assise sur le sol, la tête calée contre une étagère de cosmétiques.

— Qu’est-ce que tu fais ? m’a-t-il demandé.

— J’attends. Papa finira par nous trouver si on reste ici. On l’a loupé, c’est tout.

— Et s’il était parti ? Et s’il nous avait abandonnés ?

— Mickaël, je t’en prie ! Papa ne ferait jamais une chose pareille. Calme-toi, ça va aller. Il va revenir.

— Je n’aime pas quand on est seul.

— On n’est pas seul. On est ensemble.

Il s’est mis à côté de moi. Je voyais bien que mes mots n’avaient pas réussi à le réconforter, mais au moins, il n’hyperventilait pas. Ça me faisait de la peine de le voir comme ça. Il avait beau ressembler au geek beau-gosse d’une série américaine, je savais qu’au fond, il n’en menait pas large.

— Tu sais quoi ? lui dis-je. On va retrouver papa.

— Comment ?

— Suis-moi.

Mon plan a fonctionné. Une caissière a répété dans son micro : « monsieur Gabriel Demir est attendu par ses enfants en caisse cinq, monsieur Gabriel Demir… ».

Mon père, qui détestait son prénom et son nom, et qui détestait encore plus se faire remarquer, a débarqué dans les trente secondes. Rouge comme une tomate, il a demandé à la caissière d’arrêter et il nous a ordonné de le suivre, tête basse.

— J’ai croisé la voisine, m’a-t-il soufflé.

Aïe. Ça puait pour moi. Ma petite course de caddie et le presque assassinat d’une vieille dame n’étaient plus un mystère pour lui, ça se lisait sur son visage. D’après mes expériences précédentes, je savais qu’il ne resterait pas calme indéfiniment. J’appréhendais le moment où on grimperait dans la voiture et qu’il fermerait les fenêtres pour m’enguirlander en toute tranquillité, mais au moins, mon frère se sentait mieux. J’avais une bonne excuse et un allié.

En deux temps, trois mouvements, nous étions sur le parking avec un ticket de caisse long comme mon bras (et je faisais partie des plus grandes du lycée). Ça faisait beaucoup de papier. D’habitude, mon père aurait vérifié nos caddies avant même de poser un article sur le tapis roulant, mais cette nuit, il n’a même pas jeté un coup d’œil dans les sacs. Nous aurions pu acheter une bombe ou trois kilos de cocaïne qu’il n’aurait rien remarqué. Il était trop occupé à froncer les sourcils en me jetant des regards noirs.

Blague mise à part, j’étais dans de beaux draps. Et lui, il était dans une colère noire. La fatigue de son jogging, l’heure tardive et la dispute présumée avec ma mère avaient dû aggraver l’état de ses nerfs. J’allais prendre cher. En terminant de remplir le coffre, j’ai eu une pensée pour mon secret et ma petite bizarrerie. Mince. Là, ça craignait vraiment.

J’ai grimpé à l’arrière de la voiture avec mon frère. Pour une fois, on ne s’est pas disputé pour aller à l’avant. Mon père a continué de me dévisager dans le rétroviseur. Avant de démarrer, il m’a dit :

— Je ne veux plus jamais qu’on entende mon nom dans un magasin, c’est clair ?

— Oui, mais c’était parce t’étais pas là et…

— Aucune importance. On ne m’appelle pas avec un micro et des haut-parleurs, un point c’est tout. Vous auriez dû m’attendre devant la caisse. Oh et, par pitié : la prochaine fois que vous faites les andouilles avec les caddies, faites-moi le plaisir d’achever cette vieille peau. Je n’en peux plus.

Je m’attendais à ce qu’il me fasse la morale ou à ce qu’il me punisse de vivre jusqu’à la fin de ma vie, mais pour mon plus grand bonheur, il s’est arrêté là. Le fait d’avoir presque blessé la voisine jouait peut-être en ma faveur. Mickaël m’a concertée du regard : oui, un détail clochait. D’abord, papa se mettait à courir, ensuite il devenait raisonnable devant mes bêtises et après… Que ferait-il la prochaine fois ? Il allait tuer la voisine ? Je ne le reconnaissais plus, quelque chose avait changé en lui.

— Alors, lui a demandé Mickaël, de quoi avez-vous parlé, avec maman ?

— De la date de son mariage qu’elle a avancé sans me prévenir. Et de vous, qu’elle a laissé devant ma porte alors que je ne vous attendais pas avant le mois prochain.

J’ai buggé.

— Elle t’avait dit qu’elle allait déménager ?

— Oui. Après ses fiançailles, elle m’avait dit qu’elle vous laisserait chez moi le temps des préparatifs.

Je n’ai plus rien dit. Papa m’a regardé dans le rétroviseur avec toute la douceur dont il était capable et j’ai senti qu’il avait de la peine pour moi. Notre mère avait prévenu papa alors qu’elle le détestait et nous, non. J’étais vexée. Elle aussi elle avait changé. Elle avait pris ses distances, elle nous avait laissés de côté.

Qu’était-il arrivé à mes parents ? Mon frère aussi avait l’air de se poser la question. Il avait les yeux perdus de l’autre côté de la vitre, sur les voitures, les réverbères et l’obscurité ; sur la nuit et le noir. Les mêmes yeux noirs que moi, les mêmes cheveux noirs, la même petite bizarrerie sur notre cuisse qui faisait flipper notre mère ; mère qui, d’ailleurs, ne se reconnaissait pas en nous. Evidemment, puisqu’on tenait tout de notre père. Tout, excepté cette manie d’éviter ce qui pouvait nous faire peur ou nous déranger. Pas besoin de chercher plus loin : ce n’était pas un mariage qui éloignait maman. C’était sa cruelle manie qui lui chuchotait de s’enfuir loin de nos différences.

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