Chapitre 5 : Une odeur de munster, un sanglier empaillé et une Drama Queen

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Il était midi. Ma chambre était rangée. Les montagnes de fringues, de cahiers et d’objets en tout genre avaient laissé leur place à mes meubles en bois clair. Derrière les posters de mes films préférés, on devinait les murs vert menthe. Allongée sur mon drap blanc au milieu de la pièce, les yeux rivés sur la lampe en forme d’étoile, je ne faisais rien. L’écran de mon téléphone s’est allumé. Mais ce n’était pas lui. C’était ma mère. J’ai décroché.

— Maman ?

— Ma puce ! Ça va ? Ton père m’a appelée à propos d’hier soir. Ton frère va mieux ? Tu fais quoi de beau, aujourd’hui ? Et avec Léa, ça va ? Tu n’étais pas trop déçue ?

Je ne savais pas quoi répondre. Elle m’avait posé trop de questions. Alors, j’ai dit la première chose qui m’est passée par la tête :

— Pourquoi tu ne m'as pas prévenue que tu allais déménager ?

— Mais enfin, ma puce, on va déménager tous ensemble, pas seulement moi. Tu sais bien…

— Non, l’interrompis-je. Justement, je ne savais pas. Tu as attendu la dernière minute.

— Mon cœur, je ne voulais pas…

Elle non plus, elle ne savait pas quoi dire. Enfin quelque chose que je tenais d’elle. Je me suis redressée et j’ai regardé les cactus sur ma table de nuit, le pull gris que j’avais laissé sur ma commode et les étoiles phosphorescentes que mon père avait collées sur les portes de mon placard quand j’étais petite. Le silence s’éternisait. J’ai demandé :

— Pourquoi tu ne m’as pas fait de messages, comme d’habitude ?

— Je croyais que tu refuserais de me parler. Je voulais te laisser respirer, c’est tout.

— Pourquoi tu pars si loin ?

— Mathieu adore notre nouvelle ville ! Toi aussi, je pense que ça va te plaire.

— D’accord, mais pourquoi vous n’êtes pas restés dans le coin ?

— Euh, eh bien… Ma puce, ça te dérange tant que ça ?

— Je vais devoir changer d’école ?

— Oui, mais…

Elle a cherché ses mots. Elle ne les a pas trouvés.

— Alors je ne veux pas, ai-je rétorqué. Je veux rester ici, avec papa.

— Mais, ma puce…

Elle ne savait pas quoi dire. J’ai murmuré :

— Désolée.

Je ne savais pas quoi dire de plus. J’étais contente que ma mère ne soit pas fâchée contre moi, mais je savais que ça ne changerait rien. Il fallait que je reste. Il fallait que je brise son rêve, celui avec un mari, des enfants et une maison. Je me sentais mal pour elle.

— Moi aussi, a-t-elle murmuré, je suis désolée. Je veux juste qu’on soit heureux.

J’ai repensé à cette fille d’à peine dix-huit ans qui m’avait mise au monde. À ses projets d’avenir. À la manière dont elle se voyait devenir mère. J’étais certaine qu’elle n’avait pas rêvé d’enfant imparfait, de fils ivre mort et de fille qui ne savait pas quoi faire pour trouver le bonheur à part rester loin d’elle.

Alexandre me manquait. J’avais besoin de lui pour savoir quoi faire. Je me sentais démunie. Ma mère m’a dit :

— Si tu as besoin de moi, appelle. Si je ne décroche pas, je te rappellerais. Promis.

— D’accord.

— On va trouver une solution, ok ?

— Ok.

— Ça va aller. Je suis désolée, a-t-elle répété.

— Moi aussi maman, je suis désolée.

On a raccroché. Je ne savais plus si j’étais en colère contre elle ou déprimée, ou si je me sentais coupable de ne même plus savoir si je l’aimais. Je me sentais à la fois horrible et normale. Tous les ados passaient par là, non ? Je me posais cette question sans vraiment y croire. Non, décidément, je n’étais pas la fille dont ma mère rêvait, je n’étais pas la fille qu’elle méritait.

Je me suis retournée sur le ventre et j’ai écouté le bruit des assiettes que Mickaël posait sur la table. Il était de corvée de vaisselle jusqu’à ce que papa se calme. Pour un mec qui avait passé sa soirée à l’hosto à dégonfler de son allergie et vomir, il s’en sortait bien, il n’avait même pas l’air trop fatigué. Veinard. (Moi, j’avais des poches sous les yeux parce que je n’avais pas réussi à m’endormir sans savoir si mon frère était toujours en vie). Ça me faisait drôle, d’habitude il était le jumeau sage et moi, j’étais la jumelle qui se faisait tout le temps punir. Je l’ai entendu arriver avant qu’il ne toque à ma porte. Ses bras étaient couverts de plaques rouges, elles allaient mettre au moins une semaine à disparaitre. Il s’est assis près de moi et je me suis redressée.

— T’es pas mort ?

Il m’a répondu un petit « non », en baissant les yeux.

— Tant mieux. Qu’est-ce que tu me veux ?

— Ellie, je suis désolé.

— Je sais.

— T’es toujours fâchée ?

— Oui ! Bien sûr que je suis fâchée. Tu as fait n’importe quoi.

— Je suis désolé.

— Tu l’as déjà dit.

Il a à nouveau gratté ses bras, mal à l’aise. J’étais dure avec lui, je le voyais. Ce que je ne voyais pas, c’était comment lui pardonner d’avoir accusé papa. Il dut le lire sur mon visage, puisqu’il me dit :

— Je ne savais pas que tu le prendrais aussi mal, à propos de cette histoire de clés. Je voulais juste te prévenir et essayer de comprendre. Je sais que ça parait fou mais Ellie, sérieusement, pourquoi papa se serait-il retrouvé avec ces clés sur son bureau ?

— Tais-toi.

— Mais…

— Tais-toi ! Écoute, pendant que tu étais en train de t’étouffer à cause des cacahuètes, papa a débarqué aux urgences. Tonton et moi, on s’est fait enguirlander comme pas possible, il était super inquiet, il n’a pas arrêté de tourner en rond et de demander si tu allais mieux. Je ne sais pas combien de temps on est resté là-bas à t’attendre, mais je sais au moins une chose : il ne supportait pas de savoir que tu étais en danger. Alors, écoute-moi bien : un père qui tient autant à son fils serait incapable de faire du mal à celui de quelqu’un d’autre, et encore moins sans raison. Il était complètement en panique !

— Mais alors, pourquoi ces putains de clés étaient sur son bureau ? Et où est passé Alexandre, si ce n’est pas papa qui l’a découpé en petits morceaux ?

— Il y a forcément une explication. Je vais demander des infos aux parents d’Alex, je vais aller voir la voisine et je vais te prouver que papa n’a rien fait de mal. Ça me prendra peut-être un mois entier, mais j’y arriverai. Pendant ce temps-là, toi, ne dis rien.

Je me suis levée pour ouvrir ma fenêtre sur le soleil du mois de mars quand il m’a dit :

— Et si c’était toi qui avais tort ?

— On s’en apercevra bien un jour ou l’autre, mais en attendant, laisse-moi faire. S’il te plaît.

— Très bien. Mais à une seule condition : je veux faire ça avec toi.

— Pourquoi ?

— Je te connais, m’a-t-il rétorqué. Tu serais capable de me mentir ou de saboter des preuves plutôt que de voir la vérité en face et d’admettre que papa est un kidnappeur. Je veux être avec toi quand tu mèneras l’enquête.

— Comme tu voudras.

Si j’avais cédé aussi facilement, c’était uniquement parce que j’espérais qu’il se lasserait de me suivre (comme il s’était lassé de la danse, puis de la guitare et de tous les autres trucs qu’il avait commencé sans être passionné). Mais, ce que j’avais zappé, c’était que Mickaël se passionnait presque autant pour les scénarios catastrophiques que pour les jeux de détective. J’avais l’impression d’avoir un gamin en face de moi. Il sautillait sur mon matelas. Je l’ai regardé de travers, en lui faisant comprendre que je le jugeais. Comment ne pas le juger ? Il se réjouissait d’avoir quelque chose à faire en rapport avec la disparition du voisin — et la présumée culpabilité de notre père. C’était du délire. Visiblement, il lui restait encore beaucoup d’alcool dans l’organisme.

— Tu sais quoi ? lui ai-je dit. On va faire la liste de toutes les personnes qui ne sont PAS papa, et qui pourraient être suspectes.

— Les parents d’Alexandre ?

— T’es malade ?

— Bah quoi ?

— Laisse tomber, ai-je soupiré. D’autres idées ?

— Sa petite copine ? Elle est très branchée secte. Elle voulait même l’emmener faire une retraite spirituelle ! Et on sait tous les deux à quel point Alexandre est accro à son téléphone et à ses clopes. Elle doit vraiment le détester pour lui proposer un truc pareil.

— Mickaël, je crois que tu as des problèmes.

— Pourquoi ?

— Tu soupçonnes toujours les personnes qui tiennent le plus à la victime !

— Non, je soupçonne les personnes qu’il a pu énerver en embrassant une autre fille ou en racontant des salades, ou en oubliant de vider le lave-vaisselle ou…

Je l’ai coupé :

— Tu crois vraiment que nos parents seraient capables de nous faire la peau si on oubliait de vider le lave-vaisselle ?

— Non, peut-être pas. Mais tu as compris l’idée : une erreur, plus une bêtise, plus une boulette et PAF ! Un mauvais coup sur la tête, un cadavre et Alexandre disparait. Ce scénario est plus crédible qu’un ninja qui sort de la cave de l’immeuble, le ligote comme un saucisson et l’emmène dans une autre cave où l’attend son ex-petite amie la psychopathe.

J’ai posé mon visage au creux de ma main et je me suis accoudée à la tête de mon lit pour le dévisager.

— Mickaël, tu es un génie, mais tu as aussi de gros problèmes avec les caves et les petites-amies psychopathes.

— Pourquoi ?

Le pire, c’est qu’il se le demandait vraiment.

— Allez, suis-moi. On sort.

Il m’a suivie jusque dans le salon, puis il m’a arrêtée devant la porte d’entrée.

— Attends ! Je ne peux pas venir. Papa m’a interdit de sortir.

— Et alors ? De toute façon, il est parti à une réunion et il m’a demandé de te surveiller. Donc, tu es obligé de rester avec moi et de me suivre.

— Mais, il a dit…

— Mickaël, je désobéis à nos parents presque tous les jours et je ne suis pas morte, alors arrête de croire que tu es en danger.

— Ce que tu voudrais, c’est que je ferme les yeux sur le danger exactement comme toi tu le fais, sauf que ce n’est pas comme ça que ça marche. Désolé, mais je n’ai pas l’intention de quitter cet appartement.

— Très bien, tu n‘as qu’à rester ici tandis que j’utiliserais ton idée de génie pour te prouver que ce n’est pas papa qui a kidnappé Alex.

— Mon idée de génie ?

— Navrée, mais tu vas devoir attendre que je revienne pour que je t’explique. À tout à l’heure.

J’ai fermé la porte derrière moi et je me suis adossé au mur du couloir. Le lino bleu-gris sentait toujours autant le plastique. Je l’ai fixé, comme vendredi soir, puis j’ai regardé l’écran de mon portable. Désespérément noir. Une minute plus tard, Mickaël était à côté de moi, un air coupable plaqué sur le visage.

— Si je me fais chopper, a-t-il râlé, ce sera ta faute.

— Je ne t’ai pas forcé à me suivre.

— Où est-ce qu’on va ?

J’ai sonné chez la voisine.

— T’es devenue folle ou quoi ? Ellie, barre-toi ! Faut qu’on retourne à la maison avant qu’elle ne nous ouvre.

Il allait faire demi-tour quand je lui ai expliqué en quoi consistait son idée de génie.

— Tu suspectes les gens qu’Alexandre aurait pu énerver, non ? Et bien, je te mets au défi de trouver quelqu’un qui le déteste autant qu’elle.

La vieille nous a ouvert. Elle n’avait pas l’air dans son assiette.

— Bonjour madame !

— Vous deux ? Qu’est-ce que vous faites ici ? Je vous préviens, si c’est pour me vendre un calendrier ou des tickets de tombola, ce n’est pas la peine de revenir l’année prochaine. Je n’aurais pas de monnaie et je n’en ai pas non plus aujourd’hui.

— Non, ai-je dis sans perdre mon sourire, ce n’est pas pour vous vendre quelque chose. En fait, je voulais m’excuser et prendre de vos nouvelles.

— Arrête de dire « en fait », j’ai horreur de ça. Et ton frère, il ne dit pas bonjour ?

Mickaël a marmonné une phrase inaudible sous la capuche de son pull bleu. J’avais oublié à quel point il pouvait se montrer timide. Pour le coup, un peu d’alcool ne lui aurait pas fait de mal. La vieille a recoiffé ses mèches rouges et nous a dit :

— Allez, les gnomes, entrez. Si je vous laisse dans ce couloir qui n’est toujours pas chauffé et que vous attrapez un mauvais rhume, je suis sûre que votre père serait dépassé. Et puis, à mon âge, je n’ai pas besoin qu’on me refile des microbes.

— Pourquoi est-ce qu’on chaufferait le couloir de l’immeuble ? Ce serait du gaspillage.

— Tu me demandes pourquoi on devrait mettre du chauffage ? C’est le comble ! Vous, les jeunes, vous n’écoutez pas vos parents et vous sortez sans rien sur le dos, voilà pourquoi. Et puis, j’aimerais ouvrir ma porte sans avoir l’impression d’ouvrir un frigo.

J’avais très envie de lui prouver par a plus b que sa manière de penser était stupide et que si elle avait si froid, elle n’avait qu’à mettre autre chose que des bermudas et des chemises kaki de safaris, mais je n’étais pas là pour débattre avec une dame du troisième âge. Elle s’est écartée et j’ai tiré mon frère derrière moi. À l’intérieur, c’était horrible. Il faisait sombre et ça sentait les pieds. On ne voyait pas grand-chose, à part quelques formes ici et là qu’on confondait facilement avec la voisine. J’ai tiré à fond sur mes yeux pour la suivre.

— Désolée pour l’odeur de munster, a-t-elle dit, je viens d’en manger. Vous en voulez un morceau ?

— Non merci.

Elle souriait à pleines dents dans la pénombre. Ses chicots pourris brillaient grâce à la lumière de sa cuisine. À mon avis, elle n’était absolument pas désolée. Elle était même ravie de nous voir faire la grimace.

— Ah, les jeunes de nos jours, vous ne savez plus ce qui est bon, ce qui a du goût. Votre nourriture pleine de produits chimiques vous a détracté le palais.

Étonnamment, son haleine était supportable. J’ai regretté d’être entrée. Mon jogging préféré — le vert menthe — allait puer (et c’était sans parler de mes cheveux). Elle nous a emmenés vers le séjour, loin de la lumière de sa cuisine. Je tirais toujours mon frère derrière moi. Il tremblait. L’odeur lui a délié la langue :

— On peut ouvrir une fenêtre, s’il vous plait ?

Quelle erreur ! À peine la vieille avait-elle soulevé un rideau que nous le regrettions déjà. Sur les murs bruns comme la boue s’alignaient des têtes de cerfs et de sangliers empaillés. Debout sur une vieille table en bois sombre, un drôle d’oiseau avec des yeux de verre et des plumes poussiéreuses à l’extrême nous faisait face. A côté de lui, il y avait un cendrier remplit de mégots. L’odeur du munster se mélangeait avec celle du vieux et de la fumée. Les tapis bariolés qui recouvraient la moquette dataient surement du paléolithique. Des photographies de la savane étaient accrochées partout. Dans la bibliothèque, entre un globe et des bocaux pleins d’herbes séchées, des livres jaunis servaient de dessous de verre (ou plutôt, de dessous de tasses de thé vides). (Vides, et sales).

On se serait cru dans le grenier d’un explorateur particulièrement crado. Le papier tue-mouche au coin de la pièce était rempli d’insectes et pourtant, maintenant que les rideaux étaient tous ouverts et que les fenêtres laissaient l’air entrer pour faire voleter la poussière, on pouvait voir des chiures de mouches un peu partout : sur les rideaux, évidemment, mais aussi sur la vitre des cadres photo, sur la tapisserie et même au plafond. C’était immonde. La vieille avait de la chance de ne pas partager son munster avec des rats ou des cafards. J’étais très mal à l’aise. Quand je pense qu’elle s’était permise de nous dire qu’on allait lui ramener des microbes, ça me dépassait. Qu’elle passe déjà la serpillère chez elle avant de faire la leçon à mon père sur la manière dont il nous élevait ou avant de nous dire qu’on allait prendre froid dans un couloir.

— Alors, ai-je dit, vous allez bien, depuis vendredi ?

— Oui, merci ma petite. J’ai du mal à me déplacer sans me tenir au mur et je me réveille souvent la nuit depuis que tu m’as renversée avec ce caddie, mais je me remets.

Quelle Drama Queen, celle-là. Elle ne pouvait pas s’empêcher d’exagérer. Je ne l’avais même pas touchée ! Mais bon, peu importe. Il fallait que je reste concentrée. J’ai senti mes mains devenir moites. Je prenais un petit risque en me mêlant de ce qui ne me regardait pas, mais quelles étaient les chances pour que je me fasse égorger, là, maintenant, par cette vieille dame ? Tout allait bien. J’ai pris mon courage à deux mains et je me suis lancée :

— On était vendredi treize, sinon je ne vous aurais jamais croisée, je vous l’assure.

— Non mais, ces jeunes, je vous jure ! Bien sûr que tu m’aurais percutée. Ça n’avait rien à voir avec le calendrier.

Je lui ai repris la parole avant qu’elle ne recommence à me sermonner.

— Mais justement, parlons-en, du calendrier. Alexandre a disparu, ce vendredi.

— Oui, je sais. Sa mère est venue toquer à ma porte pour savoir si son fils était venu m’aider avec mes plantes, comme d’habitude.

— Et vous l’avez vu ?

— Non. Il m’avait dit qu’il partait en voyage, un truc de zozo dans la nature, ou je ne sais plus trop quoi. Des âneries, oui ! Encore une bonne excuse pour ne pas travailler. Quand je pense qu’on se lève chaque jour pour aller bosser pendant que les gens comme lui restent au lit à toucher le chômage, ça me révolte.

— Madame, vous êtes à la retraite.

— Et alors ? Le petit Alexandre n’en est pas moins un profiteur. Je suis sûre qu’il a fait une fugue, sa mère devrait se détendre et arrêter d’appeler la police dès qu’elle se souvient d’un détail insignifiant. Après tout, il finira par rentrer. Un jeune, ça fait ce qu’il veut, ça se croit libre et quand il n’a plus de monnaie ou qu’il faut lancer une machine, ça rentre chez sa mère. Un conseil, les enfants : mettez-vous au travail.

Elle s’est avachie sur son canapé et je suis restée debout, bien droite, pour répondre :

— Pourquoi ? Parce que toutes les mères ne sont pas comme Sophie ?

— Exactement ! Si Alexandre était mon fils, je lui aurais fermé la porte au nez. Bon débarras !

— Je vois. Et sinon, vous vous entendiez bien avec lui, les derniers temps ? C’était quoi le truc avec les plantes, là ? Quand il venait vous aider.

Mickaël a failli me tuer. J’ai senti un coup sur mon dos, mais je n’ai pas bronché. La vieille a changé de couleur. J’ai failli m’étrangler avec ma salive. À la réflexion, entrer chez une voisine qu’on suspecte de meurtre n’était pas du tout une bonne idée, j’étais peut-être face à une tueuse prête à en venir aux mains. Je me suis mise à flipper. Mickaël respirait difficilement à côté de moi. La vieille m’a lancé un regard noir.

— C’est quoi, toutes ces questions ? Je ne suis pas au poste de police, que je sache. Et puis, ça ne vous regarde pas. Vous n’avez pas des devoirs ? Allez ouste, dehors !

Elle avait l’air à la fois étrange et nerveuse. Quelque chose ne tournait pas rond, c’était évident. Même elle, elle s’en rendait compte. On a déguerpi au pas de course pendant qu’elle nous regardait de travers. Je n’ai pas dit au revoir, je n’ai même pas fait semblant de ne pas avoir remarqué son comportement. J’étais juste à deux doigts de paniquer. Qu’est-ce que c’était que ce délire ? On se serait cru dans une mauvaise série télé.

— Pas besoin de chercher plus longtemps, ai-je chuchoté en ouvrant notre appart à toute vitesse. C’est elle, c’est sûr que c’est elle. Si tu me dis que ce n’est pas elle, Mickaël, je te tue ! Elle est tarée ! Une folle, je te dis. Appelle papa, appelle les flics ! Elle va venir nous buter.

— Et les clés ?

— On s’en fout de ces putains de clés. Mickaël, c’est elle, c’est obligatoirement elle.

Il a hoché la tête tout doucement et j’ai verrouillé la porte. Je devais être aussi pâle que lui.

— Plus jamais je ne te suis, a-t-il marmonné.

J’ai senti la peur monter. J’ai fermé très fort les yeux, mais ça n’est pas passé. Comment est-ce que ça aurait pu passer ? Alexandre avait peut-être ressenti la même chose avant de disparaitre. Qu’est-ce qui lui était arrivé ?…

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