Chapitre 24 : Rendre visite aux voisins

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Je l’ai suivi en traînant des pieds jusqu’au palier de madame Choux, j’ai lissé mes cheveux noirs du plat de ma main et la vieille nous a ouvert.

— Les gnomes ! Qu’est-ce que vous faites ici ? On est dimanche matin. Vos parents ne vous ont jamais appris à laisser les vieilles dames tranquilles, surtout le jour du Seigneur ? Les jeunes de nos jours…

Charmante (comme toujours). Incroyable mais vrai : elle avait déjà enfilé sa tenue de safari. Savoir qu’elle ne planquait pas de cadavre dans sa serre me rassurait, mais j’avais toujours un mauvais feeling à propos d’elle. Elle nous a fait entrer dans son salon. Cette fois, tout était propre — bien que ça n’atténue pas mon malaise devant ses animaux empaillés. Quelques papiers tue-mouche étaient encore suspendus au plafond et une étrange odeur de plante saturait l’air.

— Contente de te voir vivante, m’a-t-elle dit.

Elle ne me regardait pas dans les yeux. Elle a reniflé et elle nous a lancé sèchement :

— Ne me faites plus jamais un coup pareil. J’ai cru que vous étiez mort ! Ça ne va pas bien dans vos têtes ? J’aurais pu faire une crise cardiaque et là, on aurait été dans de beaux draps. Comment vouliez-vous que j’explique ça à vos parents ? Vraiment, je ne vous félicite pas.

Sa colère m’était incompréhensible. C’était elle qui m’avait empoisonnée ! C’était à cause d’elle qu’on avait failli mourir !

— Pourquoi êtes-vous si contrariée ? a demandé poliment Mickaël.

— Pardon ? Tu oses me demander pourquoi les jeunes se doivent d’être gentils avec les vieilles dames ? C’est le comble !

Elle a jeté son bob beige sur une de ses étagères et elle s’est assise dans un fauteuil en nous invitant à faire de même. On a vérifié qu’il n’y avait pas de bestiole ou de saleté suspecte sur son canapé et on s’est installé en face d’elle.

— C’est juste que…

— Parle plus fort, gamin ! Je suis habituée à tendre l’oreille, mais j’aimerais que tu parles avec plus d’assurance.

— Vous nous dites que vous avez eu peur, a-t-il répété, mais pourquoi est-ce que vous vous inquiétez pour nous si nous sommes détestables ? Vous ne pouvez pas avoir frôlé la crise cardiaque pour deux ados qui ne sont même pas les vôtres.

Elle a dévisagé Mickaël avec un air estomaqué.

— Alors là, c’est le coup de grâce ! Mon petit, je t’ai vu grandir, d’accord ? J’ai supporté vos pleurs pendant des heures, j’ai failli vous écraser avec mon quatre-quatre quand vous faisiez du patin à roulettes dans la cour, j’ai guetté par ma fenêtre chaque soir pour voir si vous étiez bien rentré de l’école et je connais le planning de garde alternée de vos parents par cœur. Alors n’allez pas me dire que je ne peux pas m’inquiéter pour deux voyous qui viennent m’aider dans ma serre ! Ce sont bien les jeunes, ça : on leur fait deux trois petites remarques et ils se comportent comme si vous les détestiez. Je vous préviens, il est hors de question que vous me fassiez le même coup que votre voisin.

— Justement, suis-je intervenue, on est venu pour ça. Madame, je m’excuse d’avoir cru que vous nous cachiez quelque chose et si ça ne vous dérange pas, on aimerait reparler avec vous de la disparition d’Alexandre.

Elle a failli sauter de son siège.

— Et pour en dire quoi, hein ? Que je ne suis que la commère de service ? Que ce jeune délinquant m’a tenu compagnie pour mieux s’éclipser ensuite, qu’il est parti sans même me prévenir ? Je ne veux pas en parler. Si ça ne tenait qu’à moi, j’aurais déjà envoyé ce garçon en pension militaire. Il a besoin de discipline, c’est moi qui vous le dis. Quand je pense que je lui faisais confiance ! Il a disparu comme un voleur sans même nous laisser un post-it…

— Vous me rappelez notre père.

— Ce jeune gredin ?! Cet être inconscient, cet enfant qui s’est cru assez responsable pour vous garder en sécurité ? À d’autres ! Je n’ai rien à voir avec lui. Nous n’arrivons même pas à nous mettre d’accord à propos d’une place de parking.

Je me suis retenue de rire.

— Et pourtant, je vous jure que si. Lui aussi se met à nous enguirlander lorsqu’il s’inquiète pour nous. Et si vous êtes si fâchée contre Alexandre, c’est peut-être parce qu’au fond vous l’aimiez bien, non ?

— Non.

Elle boudait comme une enfant. Mickaël m’a souri et il s’est mis à la taquiner.

— Vous savez, même la plus grande aventurière du Kenya a le droit de se faire du souci pour ses voisins.

— D’ailleurs, ai-je ajouté, que sont devenus vos amis ?

— Mes amis ?

— Ceux qui vous accompagnaient. Notre grand-mère nous a parlé d’une femme qui a disparu et d’un autre homme. Vous les avez perdus dans le désert ?

— Ça ne vous regarde pas ! Ne comptez pas sur moi pour vous raconter ce qu’il s’est passé, ce n’est qu’une histoire pleine de drames. Rien que d’y repenser, ça me rend triste. Vous feriez mieux d’oublier ça, il est hors de question que je me mette à pleurer comme une vieille sentimentale pour votre curiosité d’enfant mal élevé.

— Vous ne les avez pas tués, au moins ?

— Mais pourquoi diable voudrais-tu que j’assassine des gens ? Ils n’ont pas rayé mon quatre-quatre ! Et puis, je suis une personne maitresse de ses émotions. Alexandre ne m’aurait jamais inscrite à un cours de Yoga, sinon.

J’ai fermé les yeux sur la petite centaine de remarques que je pouvais lui faire à propos de sa soi-disant zen-attitude — et à propos du fait qu’elle nous espionnait nuit et jour, ce qui lui facilitait grandement la tache pour organiser un meurtre — et je suis revenue à mes moutons.

— Dans ce cas, nous n’avons qu’à en revenir à Alexandre. Vous avez remarqué quelque chose le jour de sa disparition ? Nous savons tous que les murs de cet immeuble sont fins et que vous êtes seules. Alors on se demandait si vous n’auriez pas entendu un bruit qui…

— Arrête de tourner autour du pot, j’entends tout, ce n’est un secret pour personne. Ton père a failli sortir ma porte de ses gonds la dernière fois que je me suis permise de cogner votre mur pour vous demander d’être moins bruyants.

— Euh… Ok. Donc je voulais savoir si…

— On ne dit pas « ok », on dit « oui madame ». Non mais je vous jure, les jeunes de nos jours ne savent même plus parler français. C’est de pire en pire, j’espère que vous en êtes conscient.

— Oui madame. Je disais donc : qu’est-ce que vous avez entendu le vendredi treize ?

— Je l’ai déjà dit aux policiers : la copine d’Alexandre est montée à son étage, elle l’a aidé à descendre ses valises, ils ont démarré et c’était fini. Je me suis tuée à le répéter à sa mère, cette pauvre Sophie, mais elle n’a pas voulu me croire. Cette femme devient folle, elle ne supporte pas l’idée que son fils puisse s’être enfui aussi brusquement.

Mickaël s’est agité sur le canapé.

— Vous êtes sûr que c’était bien lui et sa petite amie ? Ce n’étaient pas des hommes habillés en noir, par hasard ? Ou des créatures suspectes comme des aliens, par exemple ? De nos jours on trouve de super costumes sur le web, c’est dangereux. On peut vite se faire berner ou croire qu’on est berné alors qu’il s’agit de la réalité.

— Mais non, puisque je vous dis que c’était Alexandre et sa copine ! Ils se chamaillaient à propos d’une boite aux lettres à vider et une histoire de colis pas livré. Rien de particulier, si ce n’est le ramdam qu’ils ont fait dans la cour lorsqu’ils sont partis.

— Et est-ce que notre père…

— Quoi, votre père ?

J’ai hésité.

— Est-ce que vous l’avez entendu, ce jour-là ? Est-ce qu’il est allé voir Alexandre ? Il l’a peut-être aidé à descendre ses bagages.

— Il n’a pas mis un pied dehors avant d’aller faire son footing en fin d’après-midi. Je l’ai vu passer sur le trottoir en dessous de mes fenêtres, il avait l’air ridicule avec son legging et son tee-shirt jaune.

— Et, euh, simple curiosité : pourquoi est-ce que vous avez acheté de l’acide le soir de sa disparition ?

— Je venais d’écraser Garfield, le chat de la famille au quatrième étage. Il fallait bien que je le fasse disparaitre avant que quelqu’un ne le trouve sous les rues de mon quatre-quatre. Et puis l’acide, c’est utile quand on jardine. Vous avez d’autres questions ou je peux vous mettre dehors, maintenant ?

La vieille nous a sortis de son salon et elle a claqué la porte derrière nous. Je suis restée abasourdie au milieu du couloir plusieurs secondes. Quelle mouche l’avait encore piquée ? Peut-être qu’il ne fallait pas chercher, madame Choux en tenait une sacrée couche. Mickaël s’est assis sur la dernière marche de l’escalier et je l’ai suivi.

— Tu penses à ce que je pense ?

— Je ne suis pas dans ta tête, Mickaël.

— S’il est parti en vacances avant de se faire kidnapper, nous n’avons plus aucune chance de le retrouver.

J’ai repensé au sourire d’Alexandre et à toutes les fois où il m’avait consolé. Mon estomac s’est retourné. Quand est-ce que je l’avais vu pour la dernière fois ? Qu’est-ce que je lui avais dit ? J’étais incapable de m’en souvenir. Une boule est remontée dans ma gorge et j’ai essayé d’imaginer ce que sa disparition signifiait vraiment. J’allais devoir tirer un trait sur lui, un trait définitif. Cette fois, je ne pourrais plus me bercer d’illusions et m’imaginer le retrouver : il fallait que j’accepte le fait qu’il n’allait pas rentrer. Ni aujourd’hui, ni demain, ni jamais.

— La bonne nouvelle, a chuchoté Mickaël en passant son bras autour de mes épaules, c’est qu’on va pouvoir continuer à vivre avec papa. La mauvaise, c’est que tu vas devoir apprendre à le faire sans Alex.

— Je ne veux pas.

— Mais tu en es capable. Regarde, depuis qu’il a disparu tu t’en es bien sortie, non ?

— Plus ou moins.

En réalité, surtout moins. Ma petite enquête avait lamentablement échouée, j’avais remué de vieilles histoires perturbantes, je ne savais plus ce que je devais faire de Yassine pour être heureuse sans mettre ma famille en danger, j’avais tabassé Agathe et même si mes parents n’avaient pas encore pété les plombs, je sentais qu’une guerre se préparait entre eux. Décidément, je n’étais pas encore prête. Ce n’était pas parce que j’avais réussi à regarder la réalité en face que j’étais capable de l’affronter, loin de là. Toute seule, j’étais perdue. Qu’est-ce que j’allais devenir sans Alexandre, avec une mère mariée, un père instable, des secrets de famille ingérables et un petit copain âgé de quatre ans de plus que moi que j’aimais de tout mon cœur, mais que je ne pouvais raisonnablement pas garder ?

J’étais contente de ne pas être seule dans le couloir pendant que je ressassais ces pensées. Mickaël fixait le lino bleu-gris en reniflant.

— Tu ne trouves pas ça suspect que ça sente toujours autant le plastique après tant d’années ?

Je me suis retenue de rire.

— Pas vraiment, non.

— Imagine un peu si cette odeur servait en fait à en masquer une autre.

— Comme quoi ?

— Comme l’odeur d’un cadavre.

— Ça m’étonnerait.

— Ouais, t’as raison. Je suis allé un peu loin, là.

— Un peu ? ai-je répété.

— Ça va, ça va. Je le reconnais, ce n’est pas très crédible.

J’allais lui poser une question mais j’en entendu du bruit. Quelqu’un montait les escaliers. Je me suis penchée, les muscles tendus, et j’ai vu Sophie chargée comme un mulet.

— Un peu d’aide ?

Elle a relevé la tête vers nous et elle nous a souri.

— Je veux bien, merci.

Nous avons pris deux sacs de course chacun et nous l’avons aidé à tout monter jusqu’à son appartement. Elle avait l’air épuisée.

— Alors les jeunes, quoi de neuf ? Gabriel va bien ?

— Ça va, la routine. Et vous, comment ça va depuis…

Mickaël a réalisé trop tard la boulette qu’il allait faite. Sophie a ouvert les placards de sa cuisine sans un mot, plus pour retenir ses larmes que pour nous mettre mal à l’aise, et elle a commencé à ranger ses courses. Mais, étonnement, il ne lui restait plus beaucoup de place.

— Je passe ma vie à fuir ma maison, nous a-t-elle expliqué. Si vous voulez des paquets de pâtes, servez-vous. J’en ai tellement que je ne sais plus où les mettre.

— Vous n’avez toujours pas de nouvelles d’Alexandre, ai-je deviné.

— Aucune. Mon mari passe son temps à passer des coups de fil pour comprendre ce qui a pu se produire. Toute cette folie, c’est au-dessus de mes forces.

On s’est installé sur sa table ronde et elle nous a servi des diabolos. Son appartement était insensible à sa douleur. Le sol était nickel, les meubles propres, les objets, rangés à leur place. C’était comme s’il ne s’était rien passé et qu’Alexandre allait revenir d’une minute à l’autre. Elle a avalé une gorgée de son verre et elle nous a dit :

— Je ne peux pas m’y faire. Je n’y arriverais jamais. J’ai besoin de mon fils, j’ai besoin de savoir qu’il va bien. Comment est-ce que je pourrais encore vivre s’il n’est plus là ? Je m’en veux tellement.

— Ce n’est pas de ta faute, ai-je essayé de la consoler.

— Je n’ai pas été assez attentive. J’aurais pu le forcer à me dire où il allait, j’aurais dû…

Elle a étouffé un sanglot.

— Je suis certaine que c’est madame Choux ! a-t-elle croassé.

— Vraiment ? s’est étonné Mickaël.

— Cette pourriture refuse de me dire la vérité, c’est évident.

— Vous avez réussi à trouver des preuves qui pourraient…

— Pas besoin de preuves. Elle est le diable incarné. Moi qui croyais qu’elle s’était attachée à Alexandre, je me suis fait berner.

Mes doutes m’ont reprise.

— À votre avis, pourquoi est-ce qu’elle s’en serait prise à votre fils ? Parce qu’avec mon frère, on a beau chercher, on ne comprend pas pourquoi quelqu’un aurait voulu du mal à Alexandre. Il était gentil avec tout le monde, ce n’est pas dans notre immeuble qu’il a dû disparaitre.

— Et pourtant je ne vois pas d’autre explication. Peut-être que c’est quand il est revenu pour chercher son téléphone qu’il s’est fait attaquer. Peut-être même que madame Choux l’a écrasé par accident. Dans la nuit, elle aurait pu le renverser.

Mon frère a froncé les sourcils :

— C’est impossible, elle n’a pas assez de force pour déplacer un corps, encore moins celui d’Alex. Il fait presque deux mètres ! Elle n’aurait même pas pu le mettre dans son coffre.

J’ai eu la chair de poule. Il n’y avait que deux personnes à ma connaissance capable de déplacer Alexandre : mon père et mon grand-père.

— On devrait peut-être arrêter de chercher un coupable, ai-je proposé.

— Et accepter que mon fils ne revienne jamais ? C’est hors de question.

— Tu sais, ai-je insisté, peut-être qu’Alexandre est vraiment parti en vacances et qu’il a décidé de commencer une nouvelle vie là-bas. Peut-être qu’il en a eu marre du chômage.

— Ellie, tu es adorable mais ce n’est pas ce genre de fantasmes qui vont me remonter le moral. Mon fils ne m’aurait jamais fait ça ! Je suis sa mère, je sais pertinemment que quelque chose ne va pas dans cette histoire. Quand je pense que je n’ai même pas eu le temps de me faire pardonner !

— Comment ça ?

J’ai sursauté sur ma chaise et avec Mickaël, on s’est lancé un regard qui voulait tout dire.

— Je n’aimais pas du tout sa copine, a-t-elle avoué Sophie en regardant les bulles de son diabolo remonter à la surface. Elle était à fond dans tous ces trucs végan, méditation, développement personnel, bio et je ne sais plus trop quoi. Je n’étais pas contre, jusqu’à ce qu’elle pousse Alexandre à se ruiner dans des boites de conserve et des produits soi-disant détox. Des grosses arnaques, si vous voulez mon avis. Une fois, elle lui a carrément proposé d’aller voir un sorcier pour exorciser les nuggets en forme de dinosaures qu’il mangeait quand il était petit. Du grand n’importe quoi !

(J’avais envie de lui demander si ce sorcier exorcisait aussi les personnes qui avaient mangé des Knacki Balls à l’apéro en les piquant avec un cure-dent, mais à la réflexion, ce n’était pas le meilleur moment pour faire des blagues).

— Je l’ai forcé à tout revendre et à arrêter de croire tout ce qu’Amber lui racontait, a continué Sophie. Il m’en a voulu, mais je ne pouvais pas le laisser faire. Il aurait perdu toutes ses économies s’il avait continué comme ça ! D’ailleurs, je ne comprends toujours pas comment il a pu se permettre de partir en vacances avec son salaire de cassier. Les parents d’Amber ont surement grassement participé. D’ailleurs, je pense qu’il ne m’a pas parlé de ses vacances pour éviter que je ne l’empêche de partir.

J’étais triste pour Alexandre. Cette histoire de vacances me rappelait qu’il n’avait pas eu le temps de profiter de la vie. Il rêvait de s’acheter un appartement pour lui seul, il avait prévu d’aller en haut du Kilimandjaro, de se marier et d’avoir des enfants. Mais il ne le ferait pas. Il avait tout perdu. On lui avait tout enlevé. Je comprenais pourquoi Sophie refusait d’accepter le drame : c’était trop dur de dire adieu à la fois à son fils et à son avenir. Il ne restait plus que des souvenirs.

Je me demandais si elle allait se mettre à pleurer quand quelqu’un a frappé à la porte. Sophie est restée immobile sur sa chaise. Elle jouait la morte et elle nous a chuchoté de faire pareil, mais le visiteur ne s’est pas découragé. Sa voix étouffée par le bois est arrivée jusqu’à nous :

— Maman, ouvre ! J’ai vu ta voiture garée sur le parking. C’est moi, je suis rentré.

On a beugué. Un grand blanc s’est installé. Comme ça. Pouf. Plus un bruit. Et quelques secondes plus tard, Mickaël a hurlé :

— UN FANTÔME ! Planquez-vous !

Il s’est jeté sous la table. J’ai regardé Sophie droit dans les yeux et nous n’avons pas bronché. Silence. Peur. Incompréhension.

— Est-ce que je délire, m’a-t-elle chuchoté, ou est-ce que toi aussi…

J’ai hoché doucement la tête et ses larmes ont débordé. Elle a déverrouillé la porte à la vitesse de l’éclair et là, sous nos yeux incrédules, Alexandre est apparu en chemise hawaïenne. Il avait rassemblé ses cheveux châtains en un petit chignon au-dessus de son crâne et il avait laissé quelques mèches lui chatouiller la nuque. Un barrage s’est brisé en moi. En un instant, toute mon enfance passée à lui coller aux basques et à jouer au ballon avec lui m’est revenue en pleine poire. Le son de sa voix avait suffi à me rappeler tout ce que j’avais partagé avec lui. Mes larmes ont débordé. Je l’ai regardé faire la bise à sa mère comme s’il s’agissait de l’archange Gabriel. Sophie était complètement sonnée. Alex a rentré sa valise. Il avait l’air fatigué par son voyage, mais heureusement pour sa peau, il lui restait assez de neurones pour comprendre que quelque chose clochait.

— Qu’est-ce qui t’arrive ? Maman, tu as maigri. Et pourquoi est-ce que tu as l’air aussi fatiguée ? Il est arrivé quelque chose à papa ?

— ABRUTI ! a-t-elle hurlé en sanglotant.

Il l’a regardé comme si elle déraillait complètement. Il a posé ses lunettes de vue et sa veste sur le canapé et il est venu nous dire bonjour. Mickaël était toujours sous la table mais comme Alex était habitué à ses toquades, il a fait comme si tout était normal. En revanche, lorsqu’il a remarqué que je ne clignais même plus des yeux tellement j’étais en train de beuguer, il s’est à nouveau tourné vers sa mère et il a froncé les sourcils.

— Quelqu’un peut m’expliquer ce qu’il se passe ?

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