Acte 2, chapitre 5 - Appréhension

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Confortablement installée sur son siège, la jeune femme se laisse bercer par le bruit régulier des rails, créeant une mélodie apaisante qui l'emporte dans un état de contemplation profonde. Les gouttes de pluie s'écrasent doucement contre les fenêtres du train qui ajoute une ambiance mélancolique.

Les collines silencieuses verdoyantes, les cours d'eau scintillants et les villages pittoresques qu'elle observe par la fenêtre semblent loin de sa réalité actuelle. Son attention est entièrement captivée par son inquiétant retour entre les murs d'Alderton. Son esprit est plongé dans une réflexion intime, incapable de se détacher du contenu troublant de la lettre qu'elle a découvert dans les poches du fanataique. Les mots résonnent encore dans sa tête, mêlant enthousiasme, inquiétude et appréhension.

Alors que le paysage se dévoile à travers la brume, ses souvenirs, ses doutes, ses espoirs et ses peurs se mêlent dans son esprit et forme un tourbillon émotionnel. Elle réfléchit à son retour à Alderton, se demandant ce qui va l'attendre une fois qu'elle aura posé les pieds dans sa ville natale, vingt ans après.

Elle se demande comment Alderton a changé depuis son départ. Les bâtiments, les rues, les commerces... tout a sûrement subi des transformations au fil du temps, si l'atmosphère paisible qui régnait autrefois a perduré, ou si de nouvelles dynamiques ont fait surface.

Alison pense aussi à sa mère. Est-ce que cette dernière sera prête à l'accueillir de nouveau. En vingt ans, la jeune femme n'a eue aucune nouvelle de sa génitrice. Elle n'a jamais répondu aux lettres que lui envoyait sa fille. Après la disparition de Joshua, elle ne voulait plus entendre parler d'elle. C'est à vingt ans qu'elle a été chassée du domicile famillial. Malgré tout ça, elle espère que sa mère a changé, qu'elle est prête à lui ouvrir ses bras et à renouer des liens familiaux.

Toutes ces interrogations pèsent sur l'esprit d'Alison alors que le train va à toute allure vers sa destination. Elle se sent à la fois nerveuse et curieuse de découvrir les réponses à ces questions qui la hantent. Alison se prépare mentalement à toutes les possibilités, qu'elles soient bonnes ou mauvaises. Elle opte pour la seconde option.

— Pense à autre chose, idiote, dit-elle en parlant toute seule.

Elle tourne la tête côté couloir et se met à observer attentivement une jeune femme accompagnée de son petit frère. Les deux semblent profiter pleinement de leur moment ensemble, riant et s'amusant sans retenue. Cette scène innocente évoque instantanément à Alison des souvenirs de son propre frère, Joshua.

Son cœur se serre quand elle pense à lui. Elle se remémore son sourire espiègle, son énergie contagieuse et ses yeux remplis de curiosité. Les souvenirs affleurent, apportant à la fois de la joie et une pointe de tristesse. Allait-elle enfin le revoir ? Va-t-elle pouvoir le sauver des griffes de la forêt ?

Soudain, Alison est assaillie par une douleur lancinante. La jeune femme serre les tempes de ses mains dans une tentative de calmer les maux de tête violents qui la torturent.

Les voix monstrueuses qui résonnent dans sa tête lui glacent le sang. Leurs paroles répétitives et sinistres, lui intimant de ne jamais être revenue à Alderton, créent une atmosphère de terreur et d'angoisse qui la submerge.

"Tu n'aurais jamais dû prendre la décision de revenir à Alderton, Alison !"

— Laissez-moi tranquille ! Je ne veux plus vous entendre ! hurle Alison, tourmentée.

Elle ferme les yeux, essayant de se concentrer sur sa respiration pour apaiser les voix qui semblent surgir de nulle part. Mais les murmures démoniaques persistent, s'infiltrant dans chaque recoin de son esprit. Ils ébranlent sa confiance, semant le doute quant à sa décision de retourner à Alderton.

La réalité et le surnaturel se mélangent dans l'esprit tourmenté d'Alison lorsque qu'Alison se retrouve soudainement seule dans le wagon, frappée par la disparition subite de tous les autres passagers.

— Hé ho ! Il y a quelqu'un ? Oh non, pas encore ! crie-t-elle de peur.

L'atmosphère se charge d'une tension palpable, tandis que le cauchemar végétal réapparaît, engloutissant tout sur son passage. Des lianes sinistres serpentent à travers les sièges vides, créant un monde claustrophobique autour d'elle.

Alison court vers le fond du wagon, dans l'espoir de retrouver la porte d'entrée de la voiture, quand un monstre drapé d'une robe bleue d'hôpital émerge des ténèbres. Son apparence est à la fois effrayante et familière, évoquant un souvenir refoulé de la mémoire d'Alison. Un sentiment de malaise et d'effroi s'empare d'elle, tandis que des fragments de ce souvenir commencent à émerger dans son esprit.

Le monstre, avançant d'un pas saccadé et empli d'une aura sinistre, se rapproche dangereusement d'Alison. Son apparence déformée et terrifiante fait frissonner la jeune femme jusqu'à la moelle. Elle est pétrifiée sur place, incapable de trouver la force de reculer ou de s'échapper.

L'angoisse s'empare d'elle alors que le monstre grotesque, aux traits presque humains, émet une voix féminine dérangeante.

— TU TE SOUVIENS DE MOI, ALISON ?

Ses paroles résonnent dans l'air, glace le sang d'Alison. Cependant, les mots prononcés par le monstre peine à réveiller les souvenirs douloureux et enfouis au plus profond de son être. La jeune femme semble refouler une vérité terrifiante.

— Je ne sais pas qui vous êtes !

— COMMENT AS-TU OSÉE M'OUBLIER, APRÈS TOUT CE QUE TU M'AS FAIT SUBIR ?! Hurle le monstre, en prenant manuellement le contrôle de l'environnement.

Des lianes rampent sur les côtés, prêtes à capturer Alison. Sinueuses et implacables, elles se propagent rapidement, tendant leurs griffes végétales pour la capturer. Malgré sa course effrénée dans la direction opposée, la végétation prend le dessus et s'enroule autour de ses membres, la tirant inexorablement vers le monstre.

Dans un acte de désespoir, Alison se débat avec ferveur, luttant de toutes ses forces pour se libérer des lianes qui l'emprisonnent. Elle tire, tire encore et se contorsionne, cherchant désespérément à se libérer de leur étreinte implacable. Chaque mouvement est une lutte contre le monstre et la végétation qui semble vivante, animée par une volonté malveillante.

Ses efforts sont vain, et Alison se retrouve face au monstre hideux. Son visage défiguré s'approche d'elle, les traits déformés et tordus par une expression rancunière et démoniaque. Une haleine putride s'échappe d'entre ses dents grinçantes, remplissant l'air de son odeur nauséabonde.

La jeune femme détourne le regard, cherchant à échapper à l'horreur de cette vision, mais elle est tenue prisonnière par les lianes qui la maintiennent en place. Son cœur bat la chamade, mêlant la terreur et la détermination. Elle refuse de céder à la peur qui menace de la submerger complètement.

— QUE PENSES-TU POUVOIR FAIRE UNE FOIS QUE TU AURAS PÉNÉTRÉE LA FORÊT ?

— Je vais aller sauver mon frère !

Le monstre se met à rire aux éclats, face à une Alison désabusée, puis il reprend :

— TOI, TU NE SAUVES PAS LES GENS ! TU LES LAISSES MOURIR ! TOUT COMME TU M'AS LAISSÉE MOURIR CE JOUR-LÀ !

— Mais de quoi... je n'ai jamais tuée personne, moi ! Hurle Alison à la face du monstre.

Dans un ultime acte de résistance, Alison rassemble ses dernières forces et se débat avec une énergie nouvelle. Elle lutte avec une intensité indomptable, cherchant à se libérer de l'emprise du monstre et à reprendre le contrôle de sa propre destinée.

— ALORS TU NE T'EN RAPPELLES VRAIMENT PAS... MEURTRIÈRE !!! Beugle le monstre.

Les secondes s'étirent, mais Alison continue de se débattre, déployant une force intérieure qu'elle ignorait posséder. Elle ne veut pas permettre au monstre de la subjuguer, de briser sa volonté, de l'emprisonner dans ses souvenirs traumatiques.

— Je sais ce je suis, et être une meurtrière n'en fait pas partie ! Rien de ce que tu diras ne me feras changer d'avis à ce propos !

— ALORS DEATH PINES LE FERA ! LA FORÊT TE MONTRERAS TA VÉRITABLE NATURE ! LE VRAI TOI ! TU N'ES PAS AU BOUT DE TES SURPRISES, ALISON ! TON CAUCHEMAR... NE FAIS QUE COMMENCER !

Alison retrouve brutalement le monde normal. Seule dans le couloir du wagon, l'atmosphère redevenue calme et ordinaire. Elle regarde autour d'elle, cherchant des traces du cauchemar qui vient de se dissiper. Les autres passagers semblent perplexes, comme si ils n'ont rien remarqué de ce qui venait de se passer.

Elle se demande si ce n'est qu'une hallucination, une projection de ses propres craintes et angoisses. Alison se frotte les tempes, essayant de chasser les images terrifiantes qui hantent encore son esprit.

La jeune femme se relève lentement, prenant appui sur les sièges voisins pour retrouver son équilibre. Les autres passagers continuent leurs activités comme si de rien n'était, plongés dans leurs lectures, leurs conversations ou sur leurs portables. Rien ne semble indiquer qu'un moment de terreur vient de se produire.

Elle regagne son siège et cherche à reprendre une certaine stabilité en faisant ses exercices de respiration. Elle s'installe, fixant son regard par la fenêtre du train qui défile paisiblement. Le paysage extérieur semble normal, dépourvu de toute trace de végétation dévorante ou de monstres grotesques.

Alison se recentre sur le moment présent, alors que le train continue sa course, l'emportant vers sa destination.

Elle se prépare mentalement à affronter ce qui l'attend, à trouver les réponses qui lui permettront de comprendre et de surmonter ces cauchemars qui la tourmentent. Quoi qu'il en soit, elle est résolue à ne plus fuir et à affronter son passé avec courage et détermination. Le poing serré, la poitrine douloureuse, le coeur aux battements éffrenés, Alison sent qu'elle se rapproche, que le train arrive bientôt en gare.

PROCHAIN ARRÊT : ALDERTON.

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