62 -

4 minutes de lecture

Aujourd'hui, vous aurez deux des plus grosses révélations de la saga, deux pour le prix d'une :D

----

– Aaron ! lui cria Cornélia. Arrête !

Elle avait repris forme humaine, à distance, et observait la scène sans oser intervenir. Aaron ne parut même pas l'entendre.

– On va faire simple. Soit tu me dis maintenant où tu as caché l’orbe d’Aegeus, soit je te lâche. Bye bye Iroël.

– Epona… haleta Iroël. N’appréciera pas.

– Je me fous de cette vieille carne. Je me fous de la Strate, je me fous de tout. On est allés trop loin pour se soucier de tout ça. C’est l’heure de jouer cartes sur table. (Il se pencha vers lui.) Sois honnête pour une fois, espèce de connard. Où est l’orbe ?

Blanche les fixait, tétanisée, toujours étalée par terre ; elle ne s’était pas relevée, elle n’avait pas tenté de remettre son masque, tant elle avait l’impression que le moindre souffle, le moindre bruit ferait définitivement basculer Aaron dans la folie. Son visage lui semblait impénétrable, dépourvu de colère. Dépourvu de la moindre émotion.

Il va tuer Iroël. Il va vraiment le faire.

Sous eux, la fissure gémit, exhala une bouffée de soufre qui submergea tout le convoi de son odeur pestilentielle. Aaron ne frémit même pas. C’était comme s’il avait cessé de respirer.

– Où est l’orbe ? C’est la dernière fois que je répète la question.

La plupart des boyards avaient cessé de chasser les korōri – les bestioles avaient disparu depuis longtemps. Tout le convoi fixait Aaron et Iroël, en silence. Même Io s’était rapprochée d’eux. Elle agitait ses oreilles frangées de blanc, l’air très intriguée par ce qui se déroulait.

– Son orbe ? répéta-t-elle à mi-voix. Mais…

– Je ne peux pas, gronda Iroël.

Sa voix était rauque, étranglée par la poigne d’Aaron.

– Arrête ! s'exclama Blanche. Bien sûr que si, tu peux ! Tu ne veux pas, c’est tout ! On en a déjà parlé ! Arrête de t’entêter, Iroël !

Les yeux noirs d’Iroël se fichèrent dans ceux d’Aaron.

– Je ne peux pas, répéta-t-il doucement.

Les épaules du changelin se contractèrent. Puis, lentement, elles se relâchèrent. Blanche sut qu’il se préparait à lâcher son otage. De terreur, les battements de son cœur lui martelèrent les tympans, effaçant tous les autres bruits. Elle observa Iroël, son expression fermée, ses pieds qui s'accrochaient désespérément aux rebords de la brèche. Puis il dit :

– J’ai pas l’orbe. Je l’ai jamais eu.

Un grand silence tomba sur le convoi, irréel.

– J’ai menti. Depuis le début. Pour qu’Aegeus accepte plus de monde.

Aaron ne bougeait plus. Son regard même s’était figé. D’impénétrable, il était devenu minéral. Iroël poursuivit doucement :

– C’est très dur de voler l’orbe d’une vouivre. Il faut des techniques de braconnier.

Cornélia avait la bouche ouverte. Des techniques de braconnier… Cette formule l’avait tant surprise dans la bouche d’Aegeus : elle avait douté qu’Iroël ait pu faire une chose pareille. Elle avait senti que quelque chose clochait…

– Peuchère, murmura Mitaine derrière. Si jamais le chef apprend ça…

Aaron lâcha Iroël.

Blanche mit son masque et fusa au-dessus du vide, vive comme une comète. Elle se jeta sur lui, réussit à les faire rouler sur le bord où ils s’étalèrent en grand désordre.

– Aïeuh, pleurnicha-t-elle se recroquevillant. Mon ventre… ça fait mal...

Mais elle oublia vite sa douleur et se tourna vers Iroël. La gorge marbrée de rouge et de mauve, il peinait à reprendre son souffle.

– T’es sérieux, là ? T’as pas l’orbe ? Tu nous as menti depuis tout ce temps ?

Cornélia, elle, regardait Aaron. Le changelin avait cessé de ressembler à une statue de pierre ; elle ne lui avait jamais vu une expression si décomposée.

– Bien sûr que ce garçon n’a pas l’escarboucle, dit soudain une voix pure. Elle était en possession d'Échidna et d'Actéon. L’ignoriez-vous donc ?

Tout le monde se tourna vers Io. On apercevait son mufle sombre entre les pans de son voile en toile grossière. Aaron planta son regard hanté au fond du sien. Il articula :

– Comment vous savez ça, Io ?

Elle semblait réellement étonnée de leur ignorance.

– Mon époux entretient de bonnes relations avec eux.

Jusque-là, Aaron contenait sa colère. Elle jaillit au grand jour quand son masque se déchira d'un coup :

– Votre époux ? Votre époux vous a confiée à nous ! Il vous a confiée à Aegeus ! Et il pense qu’il va pouvoir vous garder en vie longtemps dans ces conditions ? Non mais vous avez vu son état ?

Echidna… Cornélia repensa à la femme écailleuse, à la chevelure de serpents entremêlés, qui s’était moquée du convoi et de son chef lors du banquet de Bastet. C’était elle. Et Actéon, l’ennemi juré d’Aegeus et sa meute aux mille chiens, qu’ils avaient massacrée en traversant son secteur... C’était à croire que leur guerre n’en finirait jamais.

– Même mon époux ne peut s’opposer à Echidna, répondit Io d’une voix égale. Certaines choses, dans la Vingt-Cinquième heure, sont imputrescibles. L’escarboucle a été détruite il y a déjà un moment. Elle a été réduite en miettes.

Comme Aaron ne disait rien, assommé par cette idée, elle finit par ajouter :

– Je pensais que chacun ici le savait. Vous avez accepté Iscarioth parmi vous. Le voleur lui-même ! N’est-il pas ici pour rembourser sa dette ?

Une onde de choc traversa les rangs des boyards. Cornélia eut un mouvement de recul. Judas Iscarioth, le fameux voisin qui avait peut-être tué Orphée avec ses machines exterminatrices… Il se trouvait dans le convoi ?

– Iscarioth ? répéta Aaron entre ses dents. Parmi nous ?

Il avait pâli. Io fronça les sourcils.

– Il a revêtu une autre peau, mais son odeur le trahit encore.

Dans les cliquètements de ses bracelets d’or, elle leva le bras vers la foule des boyards.

Comme au ralenti, tous la virent désigner Gaspard.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Cornedor ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0