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Hello les filles ! Je vais faire du chapitre dumping, je vous préviens :')

Beaucoup de chapitres vont arriver d'un coup. En fait, j'ai terminé d'écrire (et réécrire) toute l'histoire. Je vais donc vous poster la totalité du texte dans les prochains jours, comme ça vous serez libres d'avancer à votre rythme.

Pour celles qui préfèrent lire sur téléphone ou liseuse, je peux même vous filer le fichier PDF ou ebook, mais c'est moins pratique pour me faire vos retours... à vous de voir !

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Contrairement à la plupart des immortels qu’ils avaient rencontrés, Epona se déplaçait sans soldats, meute ou armée.

À moins de considérer une bande d’enfants turbulents comme une armée.

Des nuées de gosses l’accompagnaient – humains, faunes, nivées de toutes espèces –, dont les plus petits la tenaient par l’ourlet de sa jupe. Elle prenait garde à ne pas marcher trop vite pour ne pas les perdre.

Splendide et imposante, elle était vêtue d’une longue robe celte en tartan sombre, surmontée d’épaulettes de pierre granitique et d’un plastron sculpté en marbre blanc. Les pièces d’armure devaient peser vingt kilos au bas mot, mais elle les portait avec une aisance gracieuse. Sa crinière noire, tressée en une coiffure d’une incroyable complexité, venait orner son cou et ses épaules avec la délicatesse d’un collier de diamants.

Lorsqu’elle parvint devant le convoi, son regard survola les nivées et les boyards, les camions et les armes. Il alla directement se poser sur Svadilfari, attelé au Berliet. Lorsqu’elle nota les lianes qui l’enchaînaient au camion, ses prunelles sombres virèrent à l’orage. Cornélia craignit le pire.

Mon choix, exprima Svadilfari. Mon devoir.

L’expression d’Epona s’adoucit quelque peu. Lorsqu’elle marcha vers lui, il abaissa son énorme tête pour venir à sa rencontre.

Ma douce.

Elle appuya son front contre celui du titan de pierre. Pendant quelques secondes, personne n’osa bouger. Même la meute d’enfants et de petites nivées respecta cette communion silencieuse, qui charriait plus de tendresse que n’importe quel mot. Puis Epona posa une main légère sur l’attelage de lianes. Elles se dénouèrent avec empressement, comme des serpents soucieux de plaire à leur maître. Svadilfari ébroua sa lourde carcasse.

Alors seulement, Epona se tourna vers ses invités.

Venez. Vous devez avoir besoin de repos, d’un bon repas et d’un bon bain.

Une vague de bien-être anticipé déferla sur tous les boyards. Ils sentaient tous aussi mauvais qu’un troupeau de boucs, ayant dû raréfier les bains d’eau salée à cause de leurs peaux brûlées par le soleil et desséchées par le vent, qui ne supportaient plus grand-chose. Epona dût sentir leur reconnaissance : un éclat rieur passa fugacement dans ses yeux.

Laissez ici les camions et les armes. Vous n’en aurez pas besoin.

Aaron s’inclina profondément.

– Merci de nous accueillir, Epona.

La jument le toisa, sans dureté, mais sans douceur. C’était un regard de soldat à soldat.

Où est Aegeus ? Nous devons parler.

Une infime crispation joua sur les mâchoires d’Aaron.

– Il se repose. Il est très… affaibli. Il ne pourra pas sortir du camion tout seul. (Il eut du mal à articuler la suite.) On va avoir besoin d’une litière ou d’une chaise à porteurs.

Un silence consterné suivit ses mots. C’était un aveu de faiblesse comme jamais le convoi n’en avait vécu. Les boyards s’assombrirent comme si leur propre amour-propre était en jeu ; Cornélia ne fit pas exception. Ceux qui doutaient encore de la déchéance de leur chef furent brutalement confrontés à l’évidence. Quant à Epona, son expression parlait pour elle, si transparente que Cornélia eut l’impression de voir un point d’interrogation au-dessus de sa tête.

Nous parlons bien d’Aegeus ?

Aaron détourna la tête, ce qui valut réponse. La déesse échangea un regard avec les enfants qui grouillaient autour de ses jupes.

Nous allons avoir besoin d’une litière.

Aussitôt, les bambins s’égaillèrent dans la rue et disparurent comme une volée de moineaux. Seul resta un tout petit faune, à peine assez grand pour tenir sur ses jambes, sa petite main potelée accrochée à la jupe celte. Il suçait son pouce en observant les nouveaux venus de ses yeux de chèvre dorés. La déesse posa sa grande main sur le dessus de sa tête.

Vos armes, rappela-t-elle aux boyards sans laisser percer d’agacement.

Confus, les soldats se désarmèrent enfin. Ceux qui portaient des masques les retirèrent, puis s’habillèrent sommairement.

Bien.

Bientôt arriva une litière toute en bois, rembourrée de coussins et portée par deux centaures bedonnants. Aaron la fit amener derrière le Berliet, loin des regards, afin que personne ne soit témoin de la faiblesse d’Aegeus. Ils durent tous patienter une bonne dizaine de minutes avant que leur chef daigne se montrer. Assis sur la litière – il avait encore assez de fierté pour garder son dos droit –, Aegeus apparut diminué aux yeux de tous. Même Cornélia et Blanche, qui avaient l’habitude de lui porter ses repas, ressentirent un choc. La lumière violente de Djibouti dévoilait sa maigreur, ses traits creusés au couteau, ses cernes bleuâtres. Et ces écailles d’une pâleur d’albâtre, qui rendaient monstrueux son visage auparavant si beau…

Pas la peine de cacher ta surprise, siffla-t-il quand Epona le dévisagea. Ma décomposition fut plutôt rapide, comme tu peux le voir.

Il ne parlait même plus avec des mots ! Un bref élan de panique traversa Cornélia. La plupart des boyards ne pouvaient même plus le comprendre. Seuls ceux qui avaient beaucoup porté leurs masques, qui étaient presque devenus des nivées, le pouvaient. Beyaz, Danaé, Blanche et Cornélia… Un groupe minuscule. Cornélia se força à recouvrer son calme.

Peu importe, lui dit Epona. Tu es le bienvenu ici. Nous tâcherons de te soigner, si cela est possible.

Aegeus chuinta dans un simulacre de rire.

Ha ! Elle est bien bonne. Tu… (il toussa)… Tu ne peux rien pour moi, Epona.

La déesse repéra la silhouette d’Iroël parmi les soldats. Ses yeux s’adoucirent un peu.

Je vois que tu sais t’entourer avec sagesse. Tes protégés seront toujours les miens.

Une infime crispation, dans le sourire d’Aegeus, trahit le goût de vomi qu’il devait avoir dans la bouche à cet instant. Les yeux de Cornélia passaient de l’un à l’autre ; elle se mordit l’intérieur de la joue. Epona ne savait peut-être même pas que l’orbe d’Aegeus avait été volé et que sa perte le condamnait à mort. La déesse n’avait pas l’air de frayer avec des engeances comme Argos, Actéon ou Judas, ou de prendre part à leurs manigances. D’ailleurs, lorsque son regard tomba sur Io, qui portait son wolpertinger dans les bras, ses oreilles pointues se couchèrent en arrière dans une mimique agacée.

Io ?

Elle fait… partie des nôtres à présent, expliqua Aegeus avec effort.

Epona réalisa d’un coup, comme tout le monde, à quel point Aegeus souffrait du soleil et de la chaleur – plus que n’importe qui.

Nous parlerons plus amplement à l’intérieur. Venez vite.

Elle prit la tête du convoi ; les deux centaures emmenèrent Aegeus dans son sillage. Quand la litière passa près d’elle, Cornélia remarqua qu’il serrait un petit objet bleu dans son poing. Cette couleur précise lui rappelait quelque chose. Mais quoi, déjà ?

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