Livre Troisième : L’Avènement du Verbe et la Grande Cacophonie
3:1 Et l’Homme, dans son besoin insatiable de tout compliquer, découvrit le Verbe. 3:2 Au départ, ce ne furent que cris et grognements, utiles mais ternes, comme des notes de bas de page dans l’histoire du chaos. 3:3 Puis, par une torsion de génie, il créa le mot. Et le mot devint brique sonore. Et la brique, mur ou cathédrale.
3:4 L’Homme parla. Il nomma. Il embellit, il salit, il plia la vérité comme du linge trop longtemps oublié au soleil. 3:5 Et le conseil devint reproche, le compliment devint injonction, et le silence, une bombe à retardement. 3:6 Saint-Bordel murmura : « Voici l’outil parfait : une arme invisible, et pourtant tranchante comme le regard d’une mère déçue. »
3:7 L’Homme inventa le sous-entendu, ce serpent linguistique qui mord sans faire de bruit. 3:8 Il perfectionna le non-dit, ce silence lourd qui pèse plus qu’un cri. 3:9 Et dans cette cacophonie raffinée, le chaos se glissa entre les syllabes.
3:10 Puis vint la critique : celle qui blesse, celle qui mine, celle qui dit sans dire que l’autre est moins. 3:11 Le Verbe devint lame, et l’Homme, boucher de l’âme d’autrui. 3:12 Et Saint-Bordel bénit le carnage : « Que le mot devienne massacre, mais aussi poésie. »
3:13 Enfin, apparut le Mensonge, chef-d’œuvre perfide du Verbe : 3:14 Une torsion sublime de la vérité, une pirouette des faits, une danse masquée pour fuir les responsabilités. 3:15 Le Mensonge proliféra, comme un virus dans les fibres du quotidien, et chacun y ajouta sa mutation personnelle.
3:16 Et Saint-Bordel, juché sur son trône d’hyperbole, observa : « Voilà ! Le Verbe est contaminé, donc parfait. »
3:17 Ainsi l’Homme, en maîtrisant la Parole, tissa sa propre tapisserie du bordel, une œuvre vocale d’une intensité splendide.
Annotations